Pour moi, ce débat est assez obsolète. Je ne comprends pas qu'on puisse continuer à tirer à boulets rouges sur les vins nature. Malheureusement sur ce sujet, on a deux formes d'idéologies déraisonnables qui se font face:
- d'un côté des hipsters, souvent gauchistes jusqu'à la moelle, pour qui il n'y a que les vins nature qui valent quelque chose, le reste étant produit par d'affreux fascistes pollueurs, capitalistes et empoisonneurs. J'ai même lu, sous la plume de ce type de branquignols, que le vin nature était "féministe"... C'est sûr que quand on lit des âneries pareilles, on a envie de courir au Nicolas acheter une bouteille de Mouton Cadet...
- de l'autre côté, des idéologues, eux-aussi, qui restent enfermés dans une vision fausse et erronée des vins nature, caricaturant tout ce courant, les vins qui sont produits, les vignerons qui les produisent, tout ça parce que le profil des premiers les exaspèrent. Ceux-là, par strates de radicalisme d'opposition successives, finissent par dire de belles âneries et ne s'interrogent plus sur les méthodes de culture des vins et de vinification de raisins. J'ai, par exemple, le souvenir d'avoir lu ici que les biodynamistes qui tenaient compte des cycles lunaires étaient des ésotériques. Bref, des farfelus. Cette influence lunaire est pourtant aujourd'hui un fait scientifiquement démontré (je sais de quoi je parle puisque j'ai étudié l'influence des cycles lunaires sur les mouvements de sève dans les arbres et la composition de la paroi cellulaire des fibres du bois). Si vous avez des fruitiers, faites l'expérience de les tailler en lune montante et descendante et vous ne discuterez plus de l'influence de la lune sur les végétaux.
En gros, des gauchistes insupportables contre des gens qui deviennent de plus en plus conservateurs et réactionnaires. Car continuer à tenir un discours fondamentalement anti vin nature n'a aucun sens lorsque beaucoup de vins nature sont aujourd'hui, et très souvent, les meilleurs produits dans leur zone géographique respective.
Il ne devrait plus y avoir débat. Les uns devraient cesser de donner des leçons de morale aux autres et les autres devraient abandonner leur arrogance du "moi je m'y connais". Il y a des vins non nature bons et des vins non nature imbuvables. Il en est de même dans les vins nature, même si de mon point de vue, et de mon expérience personnelle, c'est plus rare. Il y a à cela une raison simple et évidente. Pourquoi les vignerons qui produisent des vins nature produisent-ils globalement de la meilleure qualité? Essentiellement parce que s’interdisant l’utilisation de béquilles chimiques, ils sont plus attentifs à leurs plantes, ils observent davantage les cycles végétatifs, ils y passent tout simplement plus de temps ! Ils travaillent donc de plus petites surfaces, vinifient de plus petits volumes. Donc celui qui s’engage dans ce type de démarche développe forcément un état d’esprit plus propice à la recherche de qualité.
Si l'on raisonne en proportion (vins non nature contre vins nature), il y a dans les vins non nature beaucoup plus de vins pas bons que dans les vins nature.
Ensuite pour répondre à ça: "quand on matraque toujours le même morceau de musique à la radio, c'est dingue, on finit par l'aimer!"
Oui, c'est vrai. Mais on peut aussi argumenter que le goût, ça se cultive. Une récente étude nutritionnelle indiquait qu'il fallait au moins goûter 6 fois un aliment pour savoir si on aimait ou pas.
La première fois que j'ai bu un vin jaune, j'ai trouvé ça vraiment pas bon. Est-ce pour cela que les vins jaunes sont des mauvais vins? Sûrement pas, et il m'a fallu y revenir plusieurs fois avant d'aimer (et aujourd'hui j'en raffole!).
Donc se faire un avis sur un vin nature en ne le goûtant qu'une fois me semble tout aussi absurde. Et donc oui, en buvant régulièrement des vins nature, on s'habitue à leurs éventuelles typicité et on peut y prendre du plaisir, sans être pour autant un imbécile qui ne connaît rien au vin.
Le goût, ça se cultive. Je fais souvent le parallèle entre les vins et le fromage (parce que je fais un peu de fromages). Il y a les fromages au lait cru (qu'on peut associer aux vins nature), les fromages au lait thermisé (les vignerons qui utilisent le souffre modérément) et les fromages au lait pasteurisé (les vins sulfités dans les critères hauts tolérés par la norme). Le sulfitage, c'est une forme de pasteurisation du vin. Plus on va vers la pasteurisation, plus le fromage perd en goût, en particularité, en texture, et moins il vieillit bien, car il n’y a plus de bonnes bactéries pour le faire vieillir convenablement (d’où le fait que je ne comprends pas bien comment font les vins conventionnels pour vieillir si ce n’est par l’oxydation). En revanche, avec le lait cru, on peut avoir le développement d’une mauvaise flore (les « Pseudomonas » par exemple qui vont donner un goût amer désagréable au fromage), si l’air est trop humide ou si on a un défaut d’égouttage, de salage, etc… Ca arrive aux meilleurs, qui en tirent les leçons pour s’améliorer. Je pense qu’il en va de même du vin.
Alors le parallèle entre vins et fromages n'est pas juste: on ne peut pas faire un fromage au lait pasteurisé et produit avec des levures indigènes alors qu'on peut sulfiter un vin dont la fermentation est issue de levures indigènes. Il faudrait alors plutôt comparer le sulfitage à des méthodes de protection du lait comme la microfiltration ou les désinfections par UV. La question des levures est donc la plus importante et oui, le critère fondamental à mes yeux est bien celui de l'utilisation de levures indigènes et parler de "terroir" lorsqu'on utilise des levures du commerce n'a aucun sens. Je suis en Auvergne, j'ai des ferrandaises. Si j'ensemence mon lait avec les levures du Gouda, j'aurai du Gouda, je n'aurai sûrement pas un fromage de terroir.
Mais il y a de ça quand même. Et pour en revenir au goût, c’est sûr que celui qui a bouffé du Babybel toute sa vie va faire une drôle de tronche quand on va lui amené dans son assiette un Saint Nectaire au lait cru, bien affiné, bien coulant. Il va trouver que ça pue, que ça a un goût foireux… Que voulez-vous ? On ne peut que lui souhaiter de cultiver son goût et sinon, tant pis, il restera hermétique aux bonnes choses!