Le style Baroque débarque dans le Forez!!!
L'art Baroque est né en Italie, à Rome, au début des années 1600, avant de s'étendre en Europe
[1]. Il est caractérisé par une certaine opulence, faite de contrastes stylistiques, et était un moyen d'impressionner les visiteurs. Ainsi, l'exagération du mouvement et de sa grandeur, la surcharge décorative, la tension, l'exhubérance, mais également le contraste de ces éléments font partie intégrante de ce style artistique qu'est le baroque. Philippe Beaussant, expert en musique baroque et décédé il y a un an, disait d'ailleurs que
"Le baroque serait un monde ou tous les contraires seraient harmonieusement possibles". En effet, le terme de baroque signifie extravagant, imprévu ou irrégulier
[2], ou qui surprend par son caractère inattendu, bizarre ou par son comportement original, excentrique
[3].
L'architecture est une spécialité pour laquelle les créations baroques sont particulièrement monumentales et largement visibles et correspondent en tout point aux définitions que l'on vient d'énoncer: Château de Ludwigsbourg et le palais Zwinger, en Allemagne, la Cathédrale du Gèsu en Italie, la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle, une partie de l'oeuvre de Gaudi (Sagrada Familia, le Capricho, le Parc Guëll...) en Espagne ou le fastueux Château de Versailles. Il touchait également d'autres domaines tels que la sculpture, la peinture (importance de la perspective, du clair-obscur, avec des artistes tels que Rubens ou Vélasquez...), la culture littéraire sous diverses formes (écriture, théâtre, poésie...), philosophie, ou encore la danse
[4].
Enfin, le terme de Baroque de nos jours, peut être simplifié en quelque chose de complexe, avec de nombreux détails, sans avoir à forcément se justifier de l'époque originelle des XVIIème et XVIIIème siècles
[1].
Mais alors, quel rapport avec le vin, et notre énième rencontre forézienne? A priori, peu...même si c'est vrai que d'avoir des originaux ou des excentriques assoiffés comme nous autour d'une table, ça permet malgré tout de faire le lien. En fait, cette thématique ou "point d'accroche" fait suite à une discussion autour de la table et un point de vue divergent sur un des vins dégustés...et qui nous aura servi de fil conducteur tout au long de la soirée!
Comme d'habitude, le menu était "à dimension humaine", et c'est à 4 (JB, Nico, Cédric et moi) que nous essaierons d'y faire face!
- Apéritif: Légumes crus, saucisse sèche, sashimis de saumon et gomasio
- Préentrée: La traditionnelle Andouillette
- Entrée: Stracciatella de poivrons, véritable Buffala et pignons de pin
- Plat: Joue de Boeuf en Bourguignon, Risotto & Pesto
- Plateau de Fromages
- Dessert: Tartelette individuelle de Bruno Montcoudiol, Champion du Monde de Pâtisserie et MOF.
Vin 1: Domaine Pierre Moncuit, Champagne Grand Cru, Millésimé 2010 Non à l'aveugle.
Bouteille rapportée le jour même du
salon des Vignerons Indépendants de Lyon (Halle Tony Garnier)
.
Blanc de Blancs, avec l'apéritif.
Bouchon complètement neuf, dégorgement très récent j'imagine.
La robe est jaune d'or, la bulle est fine. L'effervescence est assez forte. Le nez est sur la prune et le citron. On retrouve une belle matière, assez charnue. Cette bouche est plutôt élancée avec une acidité plutôt haute. C'est gourmand, un peu fruité avec un fond d'agrumes, de mirabelle et d'anis. Le dosage est toutefois limite haut pour l'apéritif
(J'aurais dû prendre le non dosé sur le salon). Facile et consensuel, pas baroque du tout, pour ce
Très Bon (16/20) champagne.
Vin 2: Domaine Vincent Dauvissat, Chablis 1er Cru, La Forest, 2003
Avec la magnifique andouillette
La robe est jaune d'or. Le nez est assez neutre, puis à l'aération viennent un peu de terpènes, de poivre blanc et de caillou. La bouche est dense, on retrouve des zests de citron verts. C'est assez long, très propre mais en même temps très riche. On se demande même s'il n'y aurait pas quelques grammes de sucres résiduels. C'est également très frais, malgré l'impression de sucrosité et de richesse, et virevoltant dans le verre et en bouche. C'est
Très Bien à Excellent (16,5/20), j'ai hésité longuement entre riesling et chenin, pour partir chenin assez jeune et tonique (2010?). En tout cas, un vrai tour de force que de faire un vin aussi frais et désaltérant, sans une once de chaleur, sur ce millésime, et d'une jeunesse assez marquante. C'est ça, baroque! Hein, mon Cédric!
(C'est sur ce vin que la thématique a démarré!)
Vin 3: Domaine des Roches Neuves, Saumur, L'insolite, 2011 Non à l'aveugle
Avec les stracciatellas de poivron, véritable Buffala et pignons de pin.
Ouverture 5 heures
La robe est jaune. Au nez on retrouve un léger miel, du pain d'épices, des fruits jaunes. La bouche est assez tendue, avec une grosse attaque et un côté crayeux (
"Au départ, c'est Alési dans les graviers..." selon notre modérateur forézien!). Elle est assez structurée et riche tout en se resserrant au fil de l'aération, avec une impression de légers sucres résiduels. L'aromatique se présente par de beaux terpènes de citrons verts. Il possède de faux airs du vin précédent, à vrai dire. C'est moyennement long. Je ne suis pas surpris que certains évoquent le riesling autour de la table. Egalement un côté baroque pour ce
Très Bon à Excellent (16,5/20) vin.
Vin 4: Domaine de la Grand'Cour, Fleurie, Cuvée Vieilles Vignes, Terroir "Champagne", 2009
Avec la joue de Boeuf en Bourguignon, Risotto & Pesto
La robe est rouge cerise. On est face à un nez amylique et charcutier. La bouche est ronde et fondue, avec des petits fruits rouges, de la griotte. C'est assez pur et éclatant en terme d'aromatique. On ne ressent pas de tanins, c'est assez long. Il peut se boire clairement pour lui même, de par cette belle gourmandise. J'étais sur un beau cru du beaujolais (Morgon? Foillard?), avec des marqueurs qui me font en même temps penser aux macérations carboniques mêlés au côté un peu baroque des vins natures. C'est là aussi
Très Bien à Excellent (16,5/20).
Vin 5: Domaine Semaska, Côte Rôtie, Château de Montlys, 2009
Avec le deuxième service de joue de Boeuf en Bourguignon, Risotto & Pesto
La robe est grenat foncée, légèrement tuilée. Le nez est immédiatement fortement marqué par l'élevage, avec un côté torréfié, café et caramel important et dominant les baies noires. La bouche est paradoxalement beaucoup plus propre et juteuse, avec des tanins d'une grande finesse. On ressent une grosse maturité du fruit, et comme le disait Nico:
"du beau modernisme". C'est long, et fin. J'étais sur un Cornas bien élevé, propre et gourmand, comme sait le faire Stéphane Robert du domaine du Tunnel. C'est
Très Bien (16/20), et ce contraste entre la robe (qui commence à faire plus vieille que son âge), le nez très élevé, et la bouche qui en est plutôt l'antithèse, on est dans la définition du baroque!
Vin 6: Domaine Alain Graillot, Crozes Hermitage, La Guiraude, 2012 Non à l'aveugle
Il n'y avait malheureusement plus de joue de Boeuf en Bourguignon, Risotto & Pesto...du coup, à été servi en parallèle du fromage!
Ouverture 7 heures
La robe est grenat foncée. On est face à un nez sanguin et charcutier. La bouche est tendue, sanguine, juteuse et d'une très grande pureté tout en sachant rester d'une grande fluidité. C'est très frais et concentré, l'acidité est élevée, et on retrouve une superbe aromatique sur la cerise et la framboise. Une pointe minérale se fait sentir en seconde partie de bouche, la finale est très longue et fini d'étirer le vin pour le rendre presque tranchant. C'est seulement
Excellent (17/20), car il aurait mérité d'être bu avec le plat, et je pense qu'on tenait un super accord. A attendre clairement, mais on peut se faire plaisir à condition de l'aérer longuement, et de le servir avec un plat gras ou en sauce. Un vin peu consensuel, peut être à servir à des personnes initiés aux acidités hautes, mais je ne le qualifierais pas de baroque, celui-là.
Vin 7: Vin & Pic, VDF Cluya, 2015 Non à l'aveugle
Ouvert suite à une
récente visite
très intéressante;
Ouverture immédiate, servi avec le dessert.
La robe est jaune dorée. On a un nez sur le raisin de corinthe, un soupçon de violette et de rose, un peu d'épices. La bouche est fraîche, avec une acidité correcte. On retrouve une aromatique par contre un peu entêtante sur le kiwi, les fruits exotiques et un peu de fruits jaunes charnus. La finale est marquée par des amers peu agréables. L'accord avec le dessert ne se fait absolument pas, le vin est dominé par la pâtisserie, ce qui fait ressortir le manque de sucre pour ce moëlleux (45g/L) et cette amertume. L'aromatique particulière et un peu baroque, fait vite évoquer viognier et gewurztraminer, les 2 cépages composant l'assemblage de cet
Assez Bon (14/20) vin, que je goûte sensiblement moins bien qu'au domaine.
Le line-up
Au total, encore une superbe soirée de passé avec des vins qui se seront globalement bien goûtés, avec mention pour les 2 blancs secs et les 3 rouges. Le côté baroque de certains vins n'est pas déplaisant et permet de ne pas laisser indifférent le dégustateur. Et bien qu'il s'agisse parfois d'un parti pris risqué, il peut s'avérer concluant. Cet esprit baroque permet in fine de ne pas s'ennuyer mais surtout, il doit persévérer afin d'offrir un éventail de vins le plus hétéroclite possible, ce qui amènera perpétuellement curiosité, entrain, et envie de découverte. Des spécificités finalement propres à LPV et à ces cercles de dégustation, en particulier le nôtre...A très vite les amis!!!
Merci de m'avoir lu
Notes et références:
[1]:
www.art-baroque.net
[2]:
www.lachal.neamar.fr
[3]:
www.larousse.fr
[4]:
www.wikipedia.org
- baroque
- Antoni Gaudi
- Philippe Beaussant