Pour une séance LPV Lutèce festive, quel thème plus énergique, plus rayonnant, plus vibrant et, finalement, plus évident, qu'une séance fusionnelle intitulée...
"Allo la Centrale? "
Non pas celle des particuliers, ni le central téléphonique, ni l'Ecole d'ingés, il s'agit bien des centrales nucléaires.
En effet, le lien est fort et ancien entre vignoble et nucléaire. Enfin, admettons que, dans certains cas particuliers, le vignoble était quand même là avant la centrale, même si celles ci sont arrivées à la même époque que certaines créations d'AOC. D'aucuns suggèrent (persiflent ?) même que certaines centrales ne sont pas vraiment placées au sein du vignoble, ou en tout cas pas dans la commune éponyme, mais en utiliserait la dénomination pour capter le capital sympathie de ses vins auprès du grand public (le Bugey ?
Beaudoin et Lefort, 2017). Il n'en reste pas moins que centrales et vignoble partagent certains points communs, comme l'importance de la proximité de fleuves ou cours d'eau importants.
Pour les centrales, le fleuve remplit le rôle d'un apport d'eau, utilisée pour sa capacité de transfert d'énergie (thermique vers mécanique) afin d'actionner une turbine. Un réacteur peut prélever jusqu'à 50 m3 d'eau par seconde (
wikipedia: Centrale nucléaire), qui sera vaporisée puis condensera avant rejet dans le cours d'eau. Une partie de l'eau sera perdue pour le fleuve, ce sont ces jolis panaches blancs, composés de micro gouttelettes, qui émanent des tours autoréfrigérantes. Cute.
Dans le cas du vignoble, la proximité des fleuves aura des raisons géomorphologiques et historico-commerciales. La capacité d'érosion du fleuve aux échelles de temps géologiques a pu façonner les paysages en terrasses de graviers bien drainantes déposés par les évolutions des méandres successifs (Loire, Lot, ...), sculpter des falaises (Blaye), ... La formation de rifts (fossé rhénan en Alsace à l'oligocène, plaine de la Saône plus récente) explique probablement d'autres cas de proximités vignoble/fleuve, mais cette fois ci à travers une cause commune. Ces "écartements" de quelques dizaines de km, sont comblés par des plaines alluviales parcourues de fleuves, et ont parfois laissé des escarpements qui ont pu s'effondrer sous l'effet de l'érosion, redistribuant des couches géologiques autrefois superposées (on pense aux combes en Côte de Nuits), formant ainsi plus généralement des flancs de côtes propices à la viticulture (voir
Wilson, 1999).
Historiquement, le vignoble avait également besoin d'exporter ses vins rapidement (la conservation des vins non mutés était souvent mauvaise il y a quelques siècles) quand la consommation locale n'était pas "suffisante", et les fleuves, à chaque fois que c'était possible, étaient utilisés pour la distribution du vin (
Dion, 1959) . Ainsi la Loire évacuait une partie de la production vers l'embouchure du fleuve où les négociants anglais et hollandais s'activaient. La Seine avec ses affluents comme l'Yonne distribuaient le vin à Paris, Ceci a pu s'avérer pénible historiquement par exemple pour les vignerons loin de Bordeaux en amont sur la Garonne, Bordeaux étant en position de contrôler le trafic, et au delà d'Ingrandes (pas Ingrandes de Touraine, l'autre) à une certaine époque, avec une frontière douanière importante. C'est ce qui a différencié les pratiques viticulturales entre la zone muscadet et l'Anjou notamment.
Bon assez de blabla (ami lecteur : corrections, suggestions et opinions bienvenues), et notons que malheureusement pour les burgondophiles du groupe, EDF n'a pas jugé bon d'équiper la Saône de centrales.
Afin de guider un peu les préparatifs, j'ai assemblé délimitation des vignobles et distribution des réacteurs en activités sur une carte et soumis l'ensemble au groupe (voir la carte ci dessous). Chaque proposition d'apport a été vérifiée individuellement, le vin devant être produit à moins de 50km d'une centrale en activité (cercles rouges sur la carte). Merci Google Earth et KML. Nous nous retrouvons au Bistrot Montsouris à Paris 14e, restaurant agréable, calme et dont la personnalité de la patronne nous avait favorablement marqués la dernière fois.
Vignobles et centrales en France.
On parlait du Bugey, commençons avec:
Lingot Martin, Cerdon Méthode Ancestrale Classic
Matthieu : Nez simple un peu discret sur les fruits rouges, fraise, framboise,. Bouche légère, fuitée, sucrosité un peu grossière type sirop de grenadine mais l’ensemble est plutôt agréable
JC : rosée soutenue, bulle fine nez discret, légere note grillée bouche hyper agréable, douce,légèrement sucrée sur la cerise, légère acidité. Du plaisir en douceur 14
JD : Jolie robe de grenadine diluée. Le nez démarre à fond sur la fraise et le bonbon acidulé, la bouche est tendre, la bulle plutôt grosse. Il y a une tension fraiche en finale, Le vin est simple, sympa, doucereux. Tenter de changer l'étiquette pour celle du Champomy à l'anniversaire du petit, ça plaira plus et ça amusera tout le monde.
Philippe Alliet, Chinon L'huisserie 2014
Matthieu : Nez un peu alcooleux, légèrement terreux. Bouche chaude. Belle matière mais l’acidité me gêne.
JC : Robe rouge pourpre nez sur le poivron, léger menthol bouche chaleureuse, un peu austère, tanins présents mais bien intégrés, acidité en finale. Vin à attendre avec un bon potentiel 12
JD : Très beau nez sur le charbon, graphite, fruits noirs, cerise confites. La bouche est sévère en première approche, acide, amère, stricte, mais elle sait être également puissante et juteuse. J'ai aimé et c'est bien trop jeune quand même.
Château des Tours, Vacqueyras 2009
Matthieu : Nez classique Reynaud, fondu sur la fraise, presque en surmaturité dans un second temps. Bouche décevante, de l’acidité et un côté terreux à nouveau.
JC : Robe rouge légère orangé Nez sur les fruits confits, discret Bouche un peu déséquilibrée sur l'acidité, des tanins un peu terreux. 40 min + tard le vin s'améliore dans le verre mais c'est toujours pas ça. 11
JD : nez de fruits candy, prune noire, chocolat, bouche sucrée, fruitée, alcooleuse, pas sur-puissante comme pourrait le laisser penser le nez, le vin offre beaucoup de présence, avec le soyeux d'un vieux rivesaltes. Belle finale chocolatée
Guillaume Gilles, Les Peyrouses VdF 2015
Matthieu : Nez chocolaté, mentholé. Beaucoup de matière
JC : Robe rouge sombre. Nez sur la colle, le menthol. La bouche présente une acidité importante et des tanins un peu asséchants mais pas rugueux. Longueur portée par l'acidité pas très agréable, vin avec potentiel à attendre (infanticide) 11
JD : Menthol, floral, tanins vigoureux mais pas trop séchants, énergiques mais pas serrés ; un peu de sucroisté, finale fruitée. Bien !
Couly-Dutheil, Chinon Clos de l'écho 1996
Matthieu : Nez évolué, sur le poivron confit. En bouche c’est un peu mou mais relativement équilibré.
JC : Robe à peine tuilée. Nez qui dégage un léger poivron, assez terreux (débouché 1h à peine). Attaque en bouche assez douce, tanins soyeux, belle fluidité avec un fruit rouge léger, ça descend tout seul, Joli vin 13,5
JD : Robe trouble, nez poivron, boisé, poussiéreux, mature, cassis, bouche surprenante et bien pimpante sur le cassis, belle fraicheur, fondue, bon vin à point. Le fond de bouteille 2h plus tard sera un peu déclinant, déjà.
Clos du Tue-boeuf, Le P'tit blanc du Tue-boeuf VdF 2016
Matthieu : Nez légèrement oxydatif sur le foin, bouche sur les fruits jaunes . Bof
JC : Robe or clair nez sur les fruits blancs, pas trop exhubérant, fleurs blanches, tilleul Attaque légère, bon équilibre en acidité et amertume, longueur corercte. Vin correct 12
JD : poire, coing et autres fruits du verger, pierre mouillée, tilleul, rond, plaisant et plutôt long en bouche.
Clos du Tue-boeuf, Touraine Le Petit buisson 2016
Matthieu : Nez calcaire, la bouche est très marquée sur les fruits jaunes, pétillante, finale asséchante, je ne suis pas conquis
JC : Robe or clair nez sur les fruits jaunes, un peu plus démonstartif que le précédent La bouche est légèrement perlante, là aussi, un bon équilibre acidité amer, du fruit blanc en bouche. Vin agréable, un peu mieux que le précédent malgré le perlant 12,5
JD : Plus fruité que le précédent, perlant très nettement, minéral, tendu, très typé nature avec cette petite aromatique pomme blette sympathique.
Alain Voge, Saint Peray Terres boisées 2012
Matthieu : Nez chenin très agréable, accord superbe sur le poisson au beurre, très beau vin et très surpris à la vue de l’étiquette… rien à voir avec du chenin.
JC : Robe or clair Le nez est expressif sur des notes boisées, fumées, m'évoque de suite la taille aux loups, cuvée Remus ou Remus + Attaque fraiche, bel équilibre en bouche, joli agrumes, léger amer qui porte une finale correte… Je suis sur que c'est une cuvée de Jacky Blot, et boum raté ! Trop drôle… Joli vin ! 14,5
JD : Allumette, zeste d'agrume, vanillé, bouche ronde, puissante, la densité est là mais le vin manque un peu de peps par rapport aux promesses du nez.
Ce fut le vin le plus intéressant de la séance dans la mesure où toute la tablée a cherché avec difficulté à localiser ce vin. Ayant préparé les ordre de passage, j'ai pu éviter de démontrer mon incompétence crasse pour cette fois-ci.
Bernard Gripa, Saint Peray Les Pins 2015
Matthieu : Nez discret, bouche fine et élégante que je n’arrive pas bien à décrire si ce n’est que c’est un bien joli vin
JC : Robe or clair nez plus discret sur les fruits jaunes, légèrement épicé La bouche ne fait aucun doute our moi, nous sommes en Rhone… plutôt nord. Bouche plus légère que le précédent, mais bien équilibrée, vin très agréable 14
JD : floral, plus étriqué, jolie bouche précise, nette, ciselée sur de beau amers
Weingut Keller, Rheinhessen Riesling von der Fels 2012
Matthieu : Pas de notes pour ce Riesling assez classique
JC : Robe jaune clair Nez qui pétrole, on dit iresling de suite Léger perlant, des fruits jaunes, peu d'alcool, un a table lance "Allemagne", je suis d'accord. Pas mal mais le perlant et le manque de matière ne me séduisent pas plus que ça. Probablement son placement après les St Peray ne le sert pas 12
JD : Mon apport. d'accord avec JC, le placement est malheureux, mea culpa. Nez herbacé, diesel, fruits blanch, citron, coquille d'huitre, bouche très légèrement perlante, équilibre tendre, fin, longueur décente en finale. J'aime bien à nouveau même si le vin se présente de manière un peu stricte. (Centrale de Philippsburg. Si, si.)
Vincent Pinard, Sancerre Clémence 2016
Matthieu : Nez suavignon minéral et sur les fleurs blanches, déjà très agréable
JC : Robe or clair nez sur les fruits jaunes, un peu plus démonstratif que le précédent Jli attaque en bouche, bel équlibvre amer/aciditité, le vin développe une belle sapidité en fin de bouche. Beau vin 14,5
JD : pamplemousse, fleurs blanches, touché fruité, fin, j'aime beaucoup ce vin immédiat
Vincent Pinard, Sancerre Harmonie 2015
Matthieu : Trop jeune assurément mais débordant d’energie et qui présage un très beau vin. Sur les agrumes
JC : Robe or clair nez très similaire au précédent, même famille ? Jolie acicité en bouche, plus prononcée que le précédent, ce qui à mon gout ne joue pazs en sa faveur, bel amer en finale qui porte la longueur en bouche. Bien mais j'ai préféré le précédent 14
JD : boisé vanillé léger, lila, bouche stricte. Ce vin semble à attendre quelques temps, il est beau et sérieux.
Michel Redde, Pouilly fumé Les Cornets 2007
Matthieu : ED
JC : Robe or nez sur agrumes et fruits jaunes La bouche est très déséquilibrée, la bouteille a un pét' ED
JD : nez miellé et beurré, bouche décharnée, amer et sec. ED
Ermitage du Pic Saint Loup Guilhem Gaucelm 2014
Matthieu : Fin, fruité, vraiment bien
JC : Robe rubis sombre Nez sur la lavande, la garrigue, les fruits noirs Superbe attaque en bouche, un vin qui prend toute sa place, des tanins présents mais bien intégrés, belle mache, fruits noirs, et une jolie acidité qui porte la finale. J'aime ! 15
JD : fourrure, fruit, fin, texture douce, finesse du toucher et du grain. Celui là est sorti au dernier moment par Benoit, remercié soit-il, mais je ne sais pas ce que c'est... un beau morgon un peu nature ? ... Perdu, pas du tout.
Château de Bellevue, Côteaux du Layon Chaume 1995
Matthieu : un peu moi, certains parlerons de déviance je penche plutôt vers un vin en fin de vin mais qui clôt une belle séance sur une touche sucrée finalement agréable.
JC : Robe or Nez sur les champignons, touche de miel, le coing, un coté caoutchouc me ferait penser à une VT alsacienne.. Bouche équilibrée en sucre et acidité, en bouche on n'est pas sur de l'Alsace… Mais je donne ma langue au chat, c'est la fin de la soirée et mon palais est fatigué.. Joli vin néanmoins 13,5
JD : miel, champignon de Paris, abricot, fumée. C'est dommage le vin parait un peu passé, il s'était bien exprimé à l'ouverture mais n'a pas supporté l'air. Et puis là j'ai triché, c'était à 60km d'une centrale...
En résumé, le thème de cette séance était à aborder de manière plutôt humoristique, aucune conclusion n'a été tirée en terme de caractéristique commune aux vins produits aux abords des centrales nucléaires. La difficulté de la variété des apports se combinait avec celle de l'ordre des vins sur une entrée viande et un plat poisson, ce qui explique les rouges avant les blancs...
Ironiquement, également, le
Guilhem Gaucelm a été largement apprécié alors qu'il ne rentre pas dans le thème et qu'il a été dégainé au dernier moment par un Benoit super motivé. Chienne de vie. Magnifique performance et grosse surprise autour de la table sur le
Saint Peray Terres boisées d'Alain Voge. Je découvrais la cuvée, je n'en avait rien lu de bien attirant sur ce forum, ce fut une belle petite bombe.
Déceptions hélas sur le
vacqueyras du Château des Tours et sur le
chaume 1995, pas mauvais du tout mais ne réalisant pas ici leur plein potentiel.
Enfin, après la séance sur le thème "Les Clos" et celui-ci,
LPV Lutèce s'attèle à un projet plus vaste, celui des
thèmes de dégustations farfelus. Le concours est lancé.
References
- Jérôme Baudouin et Corinne Lefort, "Vignoble et nucléaire : les atomes de la discorde", La RVF n°602, Publié sur internet le 08/06/2017, www.larvf.com/vin-vi...
- R. Dion, "Histoire de la vigne et du vin en France : des origines au XIXesiècle", Paris, Clavreuil, 1959, 770 p. (réédition, Paris, Flammarion, 1991 - réédition, Paris, CNRS, 2010).
- J. E. Wilson, "Terroir, The Role of Geology, Climate, and Culture in the Making of French Wines", Univ. of California Press, 1999, 336pp.
- Wikipedia, Centrale nucléaire: fr.wikipedia.org/wik...