Vous allez voir : vous allez adorer ! Ou quand l’or se transforme en plomb.
L’amateur, celui qui aime et qui n’est pas professionnel, a cette particularité qu’il peut se laisser faire. Se laisser aller. Décrocher, se laisser guider. Son statut confortable lui permet d’entrer dans n’importe quelle boutique et de dire – à tort ou à raison – qu’il n’y connaît rien. C’est parfois faux, mais souvent vrai. Du coup, le caviste peut bomber le torse, remonter les manches et faire ce qu’il sait le mieux faire : conseiller l’amateur et lui trouver bouteille à son gosier.
Partant de ce constat, je me suis risqué à entrer chez quelques détaillants spécialisés dans la vente de vin. La porte franchie et un amical
« Bonjour ! » plus tard, leur fût posée cette question fatidique :
-
« Avez-vous du muscadet » ?
Comme en témoignèrent les réponses systématiquement positives, j’en ai conclu avec mauvaise foi que :
- Le caviste français est un vrai professionnel,
- Le caviste français a fait un gros effort pour référencer quelques vins Loiratlantiquais qu’il n’est pas forcément sûr de vendre,
- Le muscadet, maintenant, c’est du sérieux. Ça ne plaisante plus. On sublime le melon au même titre que le chardonnay.
L’avantage de se laisser guider tout en étant réceptif, c’est que le professionnel met en valeur ses produits. Si le regard se perd dans les rayons, le caviste repère tout de suite l’objet convoité et vous en parle avec amour et passion.
Ainsi, quelques commerçants plus passionnés que d’autres s’enhardirent jusqu’à me proposer des vins que je n’aurais jamais eu l’idée d’acheter. Il faut garder à l’esprit que le caviste compétent et le Senior Oliveira ont cette particularité de pouvoir vendre l’invendable. Et parfois même l’imbuvable.
Amis lecteurs et amie lectrice. Ce compte-rendu n’est surtout pas un réquisitoire à charge contre cette noble profession. Bien au contraire ! Ce sont seulement les aventures gustativo-pathétiques d’un pigeon voyageur désorienté.
"Vous allez voir, vous allez adorer" !
Tous les vins ont été achetés cet été et bus étiquette découverte ; soit dans des Spieg’ Expert soit, malheureusement, dans de simples verres ballon (Je choisirai désormais les gîtes en fonction des verres disponibles).
Cave des embruns, Guidel :
Jeune caviste très sympa, ancien Parisien néo Breton, qui a ouvert sa boutique il y a 3 ou 4 mois. Peu de grandes références, mais un choix de vin qui sort des sentiers battus.
Tenuta Sorelle Palazzi – Podere Il Ceno - Chianti Colline Pisane 2014 DOC.
Tenuta située à Morona di Terricciola.
Vin biologique issu de sangiovese, de malvasia nerra et de canaiolo.
Couleur rouge brique très claire, peu dense, brillante et limpide.
Très joli nez épicé, sur les fruits noirs confiturés, chocolat, vanille très légère, un peu cèdre, bois noble, fin et discret. Belle complexité.
Ma femme aime son
« bon équilibre, généreux, classe ». Je confirme.
L’attaque se fait sur une légère acidité. La bouche est fluide, légèrement tannique. En émergent des saveurs délicates de cacao, de fruits compotés. Elle est bien équilibrée, épicée, avec une note de cuir. La finale n’est pas très concentrée, mais elle est légère et cohérente.
C’est un bien joli vin, mais un poil trop cher (13,80 €). Par contre, c’est le genre de bouteille que l’on doit ramener si l’on passe dans le coin (en Italie).
Un joli Chianti, délicat à souhait !
Domaine de la Fessardière 2014 – La mer qu’on voit danser – Muscadet de Sèvres et Maine biologique sur lies.
La Hersonnière, 44330 Vallet.
La contre-étiquette indique :
« Bio depuis 15 ans, ce muscadet est un ado mué en un blanc sec fruité, fugué du troquet. Il est aujourd’hui, à l’apéro et aux mets de la mer, aux viandes blanches et au saint Nectaire, ce que le cochonnet est aux boulistes : un indispensable !
Produit dans la région nantaise et vieilli en fûts de chêne, il sort des sentiers battus avec sa rondeur et son fruité. Goûtez par vous-même, c’est surprenant. Fabriqué avec amour par Emeline et Jérôme, il ne demande qu’à grandir. Pour cela, ils ont besoin de vos impressions et critique ! La suite de l’histoire se passe en ligne : www.domaine-fessardi... ».
Ça fait un peu bo-bo, non ? Moi, je trouve…
Couleur jaune citron très pâle à reflets or pâle.
Premier nez très végétal, marqué par des odeurs d’algues, de pois. Réduction ?
Attaque perlante, sur une forte acidité. Bouche très végétale, sur ces notes d’algues et de pois cassé, sans trace de fruit. Varech, fucus, dulce, laitue de mer, nori, tout ce qu’on veut, mais pas de fruit. Ni de bois alors que le vin revendique cet élevage.
La finale est astringente avec, toujours, cette forte acidité.
Drôle de vision du muscadet ! A l’aveugle, il aurait été difficile de dire que c’en est un.
« On ne sait pas ce que c’est » résume ma femme ; pourtant convertie au melon de longue date. Le soir, après 6 heures d’aération au frigo, pas d’amélioration notable au niveau de la bouche alors que le nez gagne un soupçon de complexité. Payé 9,50 € et tout juste la moyenne : ça fait cher… Encore un.
La mer qu’on voit danser. J’ai surtout vu la pétole.
Domaine de la Fessardière 2015 – L’air innocent – Muscadet de Sèvres et Maine biologique et nature sur lies.
La Hersonnière, 44330 Vallet. Lot LO 216
La contre-étiquette indique :
« L’innocence de la nature (ndlr : allez vendre ça à un poulailler visité par un renard ou une souris coursée par un matou)
s’exprime dans ce vin blanc sec, élaboré à base de raisins du cépage melon de Bourgogne. Ces raisins sont vendangés soigneusement à la main puis vinifiés sans ajout de soufre.
Emeline et Jérôme souhaitent vous entraîner dans un monde où le naturel est l’expression d’un savoir-faire, un amour de la terre et une attention quotidienne.
C’est un muscadet rond et fruité qui accompagne agréablement des poissons en sauce, volaille à la crème, fromages à pâte cuite comme le comté ou cantal.
Ce vin est délicat et fragile : gardez-le dans un lieu frais, à l’abri de la lumière puis dégustez-le sans tarder. Servez-le à 12° ».
Bon… Nous voilà prévenus : faut torcher la bouteille fissa, sinon, ça vire pomme blette et poulailler, voire CdeS.
Couleur jaune citron léger à reflets verts.
De très légers effluves citronnés s’échappent du verre à l’aération. Rien de plus.
Attaque très ronde, perlante, presque sucrée mais quelconque et sans réel caractère.
La bouche devient très vite plate, délivrant une sensation aqueuse bien loin de l’idée que l’on se fait d’un muscadet tendu à souhait.
Un vin dont le seul mérite est de démontrer que l’on peut vinifier sans soufre en Loire-Atlantique.
A 12,50 €, c’est payé très – trop ! – cher au regard de ce qu’il y a dans la bouteille. Le caviste me l’avait pourtant vendu comme un truc assez extraordinaire…
L’air innocent a plutôt l’air de rien.
Domaine R de la Grange – Cuvée d’exception R de la Grange 2014 – Muscadet de Sèvres et Maine sur lies. Prix d’excellence aux Vinalies 2016.
Rémy et Raphaël LUNEAU – La Grange – 44430 Le Landreau.
Voici ce qu’indique la contre-étiquette :
« Tourbillon d’arômes dans un verre : cette cuvée Grand R de cépage melon de Bourgogne est issue de vieilles vignes de nos meilleurs terroirs de micaschistes et gneiss à 2 micas. Elle est restée un an sur ses lies de vinification, ce qui lui confère fraîcheur, fruité, élégance et harmonie. Cuvée sélectionnée pour la garde, en quantité limitée, elle a obtenu de nombreuses distinctions ».
Bon. Lu comme ça, cela paraît un peu survendu mais…
Couleur jaune citron peu appuyée.
Beau nez classique mais, surtout, jolie bouche présentant un fruit bien mûr : mirabelle, poire, citron. Très agréable !
Attaque légèrement perlante, sur l’amande douce et la mirabelle. La bouche est bien construite avec ce qu’il faut d’acidité, de gras et de volume pour éveiller l’intérêt. Il n’y a pas à dire : beau fruit bien mûr + belle structure = beau muscadet ! C’est bon et ça se boit facilement. Une belle découverte. Pour 8,50 €, il y a enfin du vin.
Un Grand R pour Rrrrrugir de plaisir.
A Pont Aven :
Caviste installée de longue date, compétente, proposant une sélection assez pointue mariant quelques noms très célèbres à d’autres plus confidentiels. De beaux whiskies et rhums.
Clos de l’Arzillier 2014 – Muscadet de Sèvres et Maine sur lies – Gneiss et argile.
Vignoble Petiteau – Gaubert – Roland et Romain Petiteau, La Tourlaudière – 44330 Vallet.
Bouchon liège type « Coulée de Serrant » pour ceux qui voient ce que je veux dire.
La contre-étiquette indique une cuvée issue de vignes âgées de plus de 60 ans conduites selon la démarche Terra Vitis. Elevage sur lies fines au moins pendant 18 mois.
Couleur jaune très pâle à reflets citron.
Nez classique sur la poire, l’amande et le citron léger, mais avec une note poussiéreuse qui gâche un peu le plaisir.
En bouche, on retrouve la poire, le citron et, toujours, cette note poussiéreuse.
Bien que légèrement perlant, le vin est aqueux, un peu mou.
Finale légèrement saline, avec une pointe d’amertume.
Rien de bien transcendant, donc. Un vin anodin cédé pour 6,90 €. Tout juste la moyenne.
Un Clos de l’Arzillier 2014 très moyen.
Superette-de-dépannage :
Domaine de la Poitevinière – Muscadet de Sèvre et Maine sur lies 2016.
Vincent RINEAU, vigneron, 44190 Gorges.
Bouchon de médiocre qualité, aux failles rebouchées et "plastifié".
Couleur jaune citron très pâle, brillante et limpide.
Nez mutique duquel émerge, si l’on sniffe-à-donf’, une légère note de citron teintée de poussière. Et un tout petit peu de poire et d’amande si l’on fait tourner le vin dans son verre pendant une heure.
L’attaque est perlante, la bouche est acide et rien n’en sort vraiment si ce n’est une note poussiéreuse. Finale quasiment inexistante.
5,88 €. Il y a 5 euros de trop. Incompréhensible.
Oui, c’est du vin. Enfin… ça s’en rapproche.
Cave de Leclerc Quimper, à Stang-Vihan :
Caverne d’Ali-Baba, mais les vins que l’on y trouve sont, pour la plupart d’entre eux, loin d’être vendus à prix Leclerc. Les prix pratiqués sur certaines bouteilles au nom célèbre tiennent du coup de matraque. Par exemple, j’ai vu Excelsior 2009, de LUNEAU PAPIN, vendu à 39,90 €. Faut oser, hein ? Par contre, beaucoup de choix et de nombreuses pépites dans toutes les régions si l’on cherche bien.
Domaine Pierre LUNEAU-PAPIN – Le Verger – Muscadet de Sèvres et Maine 2015 tiré sur lies.
Couleur jaune pâle à reflets citron.
Nez classique : poire fraîche, amande douce, citron léger.
L’attaque est délicatement perlante, la bouche présente une acidité mesurée mais le fruit est peu présent.
La finale est marquée par une note de poussière ainsi que par l’acidité et l’amertume.
On va laisser vieillir un peu en espérant mieux mais, en l’état, ça ne va vraiment pas loin.
Une belle étiquette représentant Adam et Eve au jardin d’Eden,
pour un vin qui n’amène pas au paradis.
Plantation 1905 – vin de France (2016). Agriculture biologique.
Couleur rubis intense, brillante et limpide.
Nez proposant une corbeille de fruits rouges frais, à dominante de groseilles et de cerises, avec une petite touche de fumé.
Belle bouche tout en finesse, offrant toujours ces saveurs légères de groseille, de cerise et de raisin frais sans réelle complexité. Pas énormément de tanins et une acidité mesurée.
Un joli vin d’été, sans prise de tête et facile à boire mais, une nouvelle fois, vendu bien trop cher (11,90 €).
Plantation 1905 : une jolie découverte.
Château de la Templerie – Jérémie HUCHET – Muscadet de Sèvres et Maine 2012 sur lies.
Château de la Templerie
Jérémie HUCHET
44690 Château Thébaud
Bouteille déjà commentée l’année dernière, revisité cette année.
Muscadet issu d’un terroir granitique élevé façon Bêtes Curieuses, càd « sans engrais ni désherbant de synthèse ».
Couleur jaune citron.
Premier nez sur le pois cassé, un peu d’algue et du citron confit plutôt léger.
La bouche est d’un tout autre acabit. Dense, avec une attaque glycérinée, elle propose une saveur délicatement citronnée, suivie d’une touche fumée/grillée et d’une note terpénique se manifestant par une pointe fugace de verni, de térébenthine. Ceux qui ont bu de vieux Simone verront à peu-près de quoi je parle. A l’aération apparaissent également des notes de varech.
La finale est saline, sapide, portée par une acidité millimétrée à la forte capacité de relance et une rémanence sur la rhubarbe. Y’a pas à dire : ça déchire, ce truc !
Un vin présentant une grosse complexité, de la tension, de l’acidité maîtrisée. Le genre de bouteille qu’on devrait mettre à l’entrée du vignoble pour servir de vin-étalon. J’avais mis 15/20 l’année dernière, je maintiens cette très belle note.
La Templerie 2012 est toujours une très jolie bouteille,
Toujours aussi flamboyante que l'année passée.
Caviste à Portbail.
Il y a deux cavistes à Portbail. Celui – ou plutôt celle - chez laquelle je suis allé en signant mon entrée par un tonitruant
« Bonjour ma femme ! » , c’est pas La Hallette aux vins. C’est l’autre. Présence de grands négociants rhodaniens et bourguignons au milieu d’étiquettes plus confidentielles.
Château Marie du Fou – Loire méridionale - Vendange 2015 – Fiefs Vendéens Mareuil rosé par Jérémie MOURAT (compère de Jérémie HUCHET aux Bêtes curieuses).
La contre-étiquette reprend une partie du texte figurant sur les bouteilles de muscadet signées par les Bêtes curieuses. S’y ajoute le texte suivant :
« Les vins du domaine bénéficient ainsi de l’expression authentique d’un terroir de schistes pourpre et de rhyolites sous influence maritime ».
Sans vice, sans âme, anodin, insignifiant. Sans aucune autre vertu que celle d’étancher la soif.
A 7,40 € prix caviste, il y a 5 euros de trop. Un Luberon rosé signé
Club des sommeliers en BIB était bien meilleur. Et j’écris ça sans plaisanter.
Le genre de rosé qui te fait regretter d’avoir acheté du rosé.
Au Casino de Portbail (car il m'arrive d’être joueur au Casino) :
Domaine de Beaurepaire – Muscadet de Sèvres et Maine 2015 sur lies.
BOUIN-BOUMARD
44 Mouzillon.
Or Gilbert et Gaillard 2016.
Acheté 4,85 € pour mouiller les moules marinières. Devait passer entièrement à la cocotte et puis... Faut bien goûter, hein ?
Archétype du muscadet dans ce qu’il a de mieux à offrir.
Classique-de-chez-classique et super bon !
Du fruit, une belle structure et, au final, une bouteille fort sympathique qui ne coûte pas un bras.
Les chemins d’excellence - Goulaine 2009 - cru communal - Muscadet de Sèvres et Maine.
La contre-étiquette indique que ce vin a été mis en bouteille par
Les Bêtes curieuses.
Pas de date de mise en bouteille, mais mention d’un élevage
« d’au moins 18 mois à la Nantaise ». Les raisins sont issus de sols de schistes et de gneiss.
Bouteille lourde, goulot ciré, bouchon Diams 10 assez long sur lequel figure la marque
Les Bêtes Curieuses.
Première exploration de ces Chemins d’excellence.
Couleur jaune citron très pâle, brillante et limpide.
Premier nez très discret mais plutôt engageant : citron léger, poire fugace, avec un peu de végétal que j’ai assimilé à une note de fenouil sans en être vraiment certain.
La bouche n’est pas très acide. Elle est bien équilibrée - limite grasse - et propose une note citronnée dominante. La finale est très légèrement fumée.
Au final, c’est un bon vin auquel une longue garde semble être assurée tant il m’a paru jeune. Mais ce
Goulaine ne m’a pas réellement enthousiasmé. Il m’apparaît largement inférieur à
Clisson,
Château Thébaud et
Gorges. A 9,95 €, j’estime que le rapport qualité/prix/plaisir est moyen.
Au final, les Chemins d’excellence décrochent une petite mention Assez Bien.
Au final, si je fais le total de ce que ça m’a coûté avec le plaisir que ça m’a procuré, je dois avouer que j’ai été loin de prendre mon pied cet été. Pourtant, je devais adorer.
Des stars ont déçu et des inconnus se sont révélés. HUCHET est au TOP avec La Templerie, mais Goulaine, qu’il signe avec MOURAT, m’a laissé sur ma faim. Tout comme Le Verger de LUNEAU PAPIN et les vins de La Fessardière.
L’année prochaine, je change la paille de mes sabots. Je miserai tout sur la bière. Car si l’on sait que la Hollande est l’autre pays du fromage depuis une bonne campagne de pub’, peu savent que la Bretagne est l’autre pays de la bière. Il y a beaucoup à déguster et beaucoup à écrire. Rendez-vous en 2018.