Salut Enzo et Oliv,
Je ne suis plus un régional de l'étape mais reste un afficionados de cette belle région.
L'affineur fait en effet une partie de la différence.... mais, bien sûr, la qualité d'un fromage est multifactorielle.
Etant "neutre" en Franche-Comté (Belge d'adoption depuis plus de 25 ans et ayant passé 11 mois à Lons), j'ai une petite idée de la question.
Il semblerait qu'il y ait une différence entre les Comtés du Jura et ceux du Doubs. Les seconds proviendraient de lait produit plus en altitude qu'en plaine, comparativement au Jura qui abrite l'ENILBIO (Ecole Nationale d'Industrie Laitière et des Biotechnologies) à Poligny. L'affinage est effectué notamment par la société Marcel Petite (au Fort St-Antoine) pour le Doubs et par la société Juraflore (au Fort des Rousses) pour le Jura.
Pour avoir visité ces deux lieux exceptionnels d'affinage, je crois que les techniques d'affinage sont équivalentes, avec des équipes très compétentes dans ces deux sociétés. Il y avait juste plus de personnel pour la visite du Fort St-Antoine. L'altitude des deux forts est similaire (1100 m pour le Fort St-Antoine et 1150 m pour le Fort des Rousses). Le climat doit l'être, à priori. Le Fort des Rousses me semble plus grand et plus impressionnant que le Fort St-Antoine. J'ai aussi l'impression que les Comtés peuvent être affinés plus longtemps au Fort St-Antoine car j'ai pu goûter plusieurs fois des Comtés de 36 à 60 mois provenant de ce fort contre deux dégustations de Comtés de 36 mois provenant du Fort des Rousses . Ce ne sont que des impressions, bien sûr, et j'ai le plus grand respect pour ces deux sociétés et leurs produits, de toute façon. J'ai rencontré M. Arnaud, PDG de Juraflore) et il est un remarquable (et sympathique) dégustateur.
Lorsque j'habitais sur place, le fromager de Lons qui vendait les produits Marcel Petite considérait que les Comtés du Haut-Doubs étaient plus subtils (et plus secs) que ceux de Juraflore (moins subtils et plus gras) qui étaient vendus dans un magasin situé de l'autre côté de la même rue... L'altitude plus élevée dans le Doubs pourrait expliquer cela mais c'est à vérifier. Les régionaux peuvent bien sûr corriger cette présomption... et la question reste controversée, de toute façon.
Concernant la différence entre les Comtés de lait produit en automne/hiver contre ceux de lait produit au printemps/été, cet élément me semble en effet aussi déterminant. Les laits de printemps/été permettent de produire des fromages plus parfumés, plus gras et plus complexes que ceux d'automne/hiver (les vaches étant gardées à l'étable durant ces saisons avec une nourriture moins variée et déjà conditionnée).
Je dois avouer que je n'arrive pas à différencier à l'aveugle entre les 2 saisons (automne/hiver et printemps/été). Je ne suis pas doué à l'aveugle...:-(... (je porte des lunettes, en plus)...
Le temps d'affinage est bien sûr également très important, le vieillissement permet de "sécher" le produit, avec la présence de cristaux de tyrosine (un acide aminé). Là encore, je ne suis pas assez pointu pour en écrire plus. Ce phénomène d'affinage est très complexe, en tout cas.
Le site du fromager Androuet précise:
"De la famille des gruyères, à pâte pressée cuite, le fromage Comté est un fromage au lait cru de vache partiellement écrémé à pâte souple et onctueuse. Le fromage Comté est fabriqué de manière artisanale, à partir de lait cru de vaches de race Montbéliarde ou Simmental française. Les vaches sont nourries exclusivement à partir d'herbe et de foin. Les produits fermentés sont interdits dans l'alimentation du troupeau laitier. Le système d'exploitation de ce fromage du Jura est extensif. La croûte du fromage Comté, grenée en surface, peut être de couleur jaune doré à brun. La meule est de forme cylindrique et d'une hauteur de 8 à 13 cm ; son talon est droit ou légèrement bombé, son poids de 30 à 48 kg. La variabilité de la durée d'affinage du fromage Comté fait qu'à tout moment sur le marché il est possible de se procurer des Comtés de saisons différentes. Les Comté d'été présentent des arômes plus diversifiés et fruités, les Comtés d'hiver (pâte claire) se caractérisent par des nuances "noisette", végétales ou torréfiées plus marquées.
Choisir un fromage Comté :
Il n’est pas possible d’enfermer dans quelques mots cette incroyable diversité de goût qui caractérise le Comté. Certains sont effectivement plus salés que d’autres, certains sont très doux, très lactés, d’autres très riches en arômes torréfiés, mais jamais un mot unique ne saura restituer la subtilité de chaque bouquet aromatique. Deux Comtés que l’on qualifiera de doux peuvent vous offrir des plaisirs très différents. Il est toujours dommage d’entendre le fromage Comté présenté à travers ses éternels qualificatifs (fruité, salé, doux…) mais peut-être faut-il admettre que certaines émotions, certaines expériences se vivent bien plus qu’elles ne se racontent.
Comté d’été ou Comté d’hiver ?
Le premier se reconnaît à sa pâte d’un jaune bien plus intense que le second, plutôt ivoire. Le fromage Comté d’été provient du lait des vaches s’alimentant en prairies. L’herbe fraîche étant riche en carotène, et, parce que le Comté est l’un des rares fromages à interdire les colorants, il restitue donc cette différence originelle. On attribue souvent au Comté d’été une plus grande richesse organoleptique. Mais la saison ne fait pas tout. Il faut avoir respiré à plein nez le parfum des foins pour comprendre la finesse d’arômes que peut vous réserver un Comté d’hiver.
Chaque meule de fromage Comté fait l’objet d’une notation sur 20 points. Cette notation sanctionne le goût mais aussi l’aspect physique de la meule. Les meules qui obtiennent une note supérieure à 15 points reçoivent une bande verte. Les meules qui obtiennent une note comprise entre 12 et 15 points reçoivent une bande brune, et il est important de souligner que cette bande brune peut sanctionner un léger défaut d’aspect sur un fromage par ailleurs excellent. Les meules qui n’atteignent pas la note de 12 sont déclassées.
Vert ou brun, tous les deux sont d’authentiques fromage Comté dont l’âge minimum est de 4 mois. La couleur de la bande n’a aucun rapport avec l’âge du fromage ni avec une typologie de goût. Un fromage Comté ouvert est un Comté dont la pâte comporte des “yeux”. Ces bulles produites par la fermentation sont généralement de la taille d’une petite cerise. Le fromage Comté est un fromage peu ouvert. Les yeux ne sont jamais très nombreux dans une meule et leur présence est sans incidence sur le goût. Tout au plus peut-on dire que les Comté affinés en caves tempérées sont plus ouverts que les Comté affinés en caves fraîches.
Parfois un fromage Comté peut présenter des ouvertures linéaires ressemblant à de petites crevasses qui sillonnent la pâte. On appelle ces crevasses des “lainures”. On les considère comme des défauts d’aspects mais même les meilleurs Comté peuvent présenter ces petites déchirures sans conséquence.
Le croûtage
Le fromage Comté est recouvert d'un croûtage qui protège la pâte pendant toute la durée de l'affinage. Il raconte l'histoire de sa fabrication.
Modelé par les perforations du moule utilisa par le fromager, la meule présente dès le premier jour une surface régulièrement grenée. Les soins apportés au cours de l'affinage modifieront ce relief. Sa couleur peut varier de jaune doré à brun en fonction de l'ambiance de la cave. Certains experts sont capables de reconnaître le lieu d'affinage d'un Comté simplement en examinant sa croûte...
La pâte
Elaboré sans ajout de colorant, le fromage Comté reflète la saison de sa fabrication à travers la couleur de sa pâte.
Pâle, elle correspondra à un "Comté d'hiver" fabriqué lorsque les vaches restent à l'étable et sont nourries avec du foin, ce qui donne un lait pauvre en carotène, colorant végétal naturel.
A l'inverse, une pâte jaune correspondra à un "Comté d'été" fabriqué lorsque les vaches pâturent dans les prairies jurassiennes et se nourrissant de plantes fraîches, riches en carotène.
Le fromage Comté peut "s'ouvrir', c'est à dire que des trous et des fentes peuvent se former au cœur de la pâte. Cette transformation est due à une fermentation propionique modérée qui se produit au cours de l'affinage et provoque un dégagement de gaz carbonique. Ce gaz est libéré en quantité plus ou moins importante selon la température choisie par l'affineur. S'il reste emprisonné au sein de la pâte, il peut donner naissance à quelques "yeux", généralement de la taille d'une petite cerise. Si aucun œil ne s'est formé, on dit que le Comté est "massif". Dans certains cas, la pâte a du mal à s'ouvrir, et le gaz donne naissance à des fentes appelées lainures. En fonction de leur longueur, on parlera de "becs de lainure" ou de "fils de lainure". Leur apparition est liée à la protéolyse, autre phénomène important de l'affinage. Son développement provoque une accumulation d'acides aminés. L'un deux, la tyrosine, peut former des cristaux blancs au sein de la pâte, qui se rencontrent surtout dans les vieux Comtés. Contrairement à une idée répandue, ces petits cristaux ne sont donc pas du sel.
Les odeurs du fromage Comté.
On classe les odeurs du Comté en 6 familles aromatiques :
- Famille lactique (arômes de laits et produits dérivés).
- Famille fruitée (arômes de fruits frais ou séchés, de graines…).
- Famille torréfiée (arômes de cuisson, caramélisation…).
- Famille animale (arômes en relation avec le monde animal).
- Famille végétale (arômes de végétal vert, légumes, champignons, humus…).
- Famille épicée (arômes d'épices et aromates).
Le goût du fromage Comté
- Le salé : il est apporté principalement par le sel avec lequel le Comté a été frotté au cours de l'affinage. Le caractère salé doit s'équilibrer dans les autres saveurs.
- L'acide : Peu intense, l'acidité est souvent plus perceptible dans les fromages jeunes que dans les Comtés longuement affinés.
- Le sucré : Il se rencontre de façon assez nette sur certains fromages. Au cours de l'affinage, la fermentation propionique et la protéolyse développent cette saveur.
- L'amer : L'amertume se retrouve parfois, en fin de dégustation. Désagréable si elle est trop marquée, elle participe cependant de façon positive au goût de certains Comtés.
C’est la rudesse des longs hivers du Massif jurassien qui, dès le Moyen-Âge, commanda aux hommes de transformer le lait en un fromage «de garde», appelé alors Vachelin. Seuls des fromages de grande taille permettaient une conservation susceptible de répondre aux besoins d’une famille entière pendant toute la saison froide. La longévité du produit, et sa «bonification» avec le temps, en faisaient par ailleurs un produit exportable hors des limites régionales, et donc susceptible de procurer par l’échange, de nouvelles ressources. Ces grandes meules nécessitant beaucoup de lait (500 litres en moyenne), les fermiers s’unissaient en coopérative et apportaient leur production à la «fructerie», appelée aujourd’hui fruitière (ils faisaient fructifier leur apport individuel). En France, on retrouve au Moyen-Âge les premiers documents écrits mentionnant les «fruitières» et le mode de fonctionnement de cette société coopérative avant la lettre (cf. : 1264 et 1267. l’histoire des communes de Levier et Déservillers). Cette forme originale d’organisation villageoise est née il y a 8 siècles. Ces valeurs de solidarité et de partage n’ont jamais été abandonnées, comme n’ont jamais été abandonnés les gestes, les traditions artisanales qui firent du fromage Comté ce grand fromage."
La lecture de ceci montre que la question du choix entre Comté d'hiver ou d'été est aussi... affaire de goût... Chacun a donc raison... (et je ne suis pas Normand)...
Voilà ce que je peux apporter comme éléments de discussion (en toute modestie car je ne suis pas un professionnel et peux me tromper).
Amicalement,
Lab