Le concours de la RVF: Manche(s) chez Yves Cuilleron!!!
Ce dernier week end de mai était synonyme de Palme d’Or au festival de Cannes. Il correspondait également à la dernière manche du championnat de France de Dégustation, avant la grande finale de Juin, organisé d’une main de maître par la Revue du Vin de France. Or, cette épreuve se déroulant sur les contreforts du Pilat rhodanien dans le chai flambant neuf d’Yves Cuilleron à Chavanay (42), non loin du Forez, l’occasion était toute trouvée de se frotter aux meilleurs de la dégustation à l’aveugle. Le niveau s’annonçait particulièrement élevé puisque certains candidats réputés jouaient encore ici leur qualification pour la finale. Pour relever ce challenge ardu, j’ai proposé à mon camarade modérateur, et surtout ami forézien Cédric de m’accompagner…chose qu’il a sympathiquement accepté !
Il s’agissait évidemment d’une première pour nous deux. Ne sachant pas trop à quoi nous attendre, nous misons sur la chance du débutant, avec l’objectif de ne pas finir dernier, et préférons débarquer en touriste, sans entraînement préalable…
Après acquittement des droits d’inscription, 3 verres Spiegelau nous sont remis, et nous pouvons désormais chercher notre place pour cette épreuve qui comprendra une bulle, cinq blancs et six rouges… Cédric complètera mes impressions, vous lirez au cours de ce récit les différents ressentis et états d’âmes par lesquels nous sommes passés tout au long de ce concours…
Allez, c’est parti !
Vin 1 : Domaine Devaux, Champagne, D de Devaux, 2008
60% Pinot Noir, 40% Chardonnay
La robe est claire à reflets gris, l’effervescence est fine et quasi inexistante
(carafage ?). On a un nez de pêche, de raisin, un fond soufré, un peu vineux. La bouche possède de solides amers de zests, de l’écorce d’orange, des agrumes, un peu de pomme. Une acidité assez haute rend cette bouche digeste, mais un peu trop simple, sans réel fond ni matière. Mon acolyte et moi écartons rapidement le champagne à cause de ce manque de fond, et nous orientons sur un riesling en appellation Crémant d’Alsace. Nous proposons celui de Muré…
Assez Bien à Bien (14,5/20)
Vin 2 : Domaine Simonnet Febvre, Chablis 1er Cru, Fourchaume, 2016
100% Chardonnay
La robe est jaune qui tire sur le fluo. Le nez est finement pâtissier, avec de la crème, du grillé et un fond de poire. La bouche est ronde, sphérique, un fin floral, avec de la poire, des fruits à chairs jaune et blancs, charnus, mais dont la présence d’amers est assez prégnante. L’ensemble est assez chaleureux, souligné par une pointe d’alcool, la finale étant assez puissante et persistante, avec des notes réglissées importantes. Je pense à une marsanne rhodanienne. Nous trouvons finalement un compromis sur un blanc languedocien, avec une dominante de marsanne, sur 2017, et partons sur le Saint Chinian du Mas Champart…
Bien (15/20)
Vin 3 : Domaine Michel Luneau, Muscadet Sèvre et Maine, Mouzillon Tillières, 2010
100% Melon de Bourgogne
La robe est jaune claire. Le nez est fermé et délivre difficilement des flagrances de pomme et d’iode. La bouche est boisée, ronde, assez grasse mais plus élégante que le vin précédent, avec un fond floral
(violette) et grillé. L’aromatique est assez neutre, l’ensemble est là aussi assez chaleureux, avec des amers également un peu marqués, mais tout en étant un peu plus équilibré. J’évoque timidement une roussanne, plutôt en Savoie, mais Cédric est plus catégorique, et part chenin. Nous choisissons cette option de chenin, sur Saumur en 2016…
Bien (15/20) Et une pensée amicale pour l'ami Vougeot!!!...
Vin 4 : Domaine Valentin Zusslin, Alsace Grand Cru, Pfinsberg, 2015
100% Riesling
La robe est or. Le nez est vif et floral. La bouche est vive, elle présente une grosse acidité. Elle est épicée, sur le poivre blanc, avec un léger gras pour l’enrober et une fine sensation de sucrosité en complément, ce qui le rend assez confortable, d’autant que l’on perçoit une belle maturité de fruit. Il se conclue de façon assez longue et puissante. Nous optons, après avoir écarté très rapidement le chenin, pour un riesling en appellation Alsace Grand Cru, sur un millésime solaire tel que 2015. Nous proposons Kessler de chez Dirler-Cadé.
Très Bien (16/20)
Vin 5 : Domaine des Terres Secrètes, Pouilly Fuissé, Les Sentinelles, 2016
100% Chardonnay
La robe est d’or. On a un nez un peu fermé, l’aération délivre quelques notes d’abricot. La bouche est ronde, puissante, avec une belle tension. On retrouve des fruits mûrs charnus, soulignés par un peu de grillé. On a un fond floral, de violette. C’est très puissant, avec une impression globalement relativement cristalline et saline. Mon camarade évoque rapidement un chardonnay du mâconnais, sur Pouilly Fuissé. Je tiens tête et ne lâche rien : ça ne peut pas être ça car ce vin me rappelle certains viogniers de Condrieu jeunes, assez cristallins et moins variétaux…Nous notons Condrieu La Petite Côte 2017 de Cuilleron…
Très Bien (16/20)
Vin 6 : Maison Albéra, IGP Côtes Catalanes, Muscat Sec d’Altitude, 2015
100% Muscat à Petits Grains
La robe est claire à reflets gris. Le nez est très aromatique, sur le litchi, le buis, de l’exotisme, du floral, de la pêche, de l’ananas…de façon un peu anarchique. La bouche est vive, tonique, mais avec un creux en milieu la rendant presque aqueuse, on retrouve un faux goût d’aspartame. La finale est assez courte. Nous hésitons entre sauvignon et muscat. Ne voulant pas monopoliser le monopole des erreurs, je laisse mon camarade me convaincre assez facilement d’inscrire un sauvignon du sancerrois, sur 2017…
Assez Bien (14/20)
Vin 7 : Domaine Gayda, IGP Pays d’Oc, Figure Libre, 2017
100% Cabernet Franc
La robe est grenat à reflets rubis. On a un nez initialement porté sur la réduction, puis rapidement apparaissent des fruits noirs mûrs et des épices. La bouche est acidulée, soulignée par un joli fruit crémeux, témoin d’un bel élevage. On retrouve des baies noires et du poivre. La longueur est honnête pour ce vin qui se révèle très gourmand. Nous voyons immédiatement et sans aucun doute, une syrah nord rhodanienne. Comme nous sommes chez Yves Cuilleron, nous inscrivons un de ces Saint Joseph, sur 2015 pour ce vin qui m’a beaucoup plu…
Très Bien à Excellent (16,5/20)…et c’est après ce vin que se déroule une
page de réclame pause bienvenue !!!
Maintenant, le concours reprend pour un enchaînement de 5 vins rouges. Auparavant, Philippe de Cantenac, de la Revue du Vin de France, nous aura prévenus que le nombre de points allait de 74
(pour les meilleurs) à …3 !!! Etant particulièrement sereins et sûrs de nous, on se dit raisonnablement, au vu des paris que l’on a tenté, que les premiers peuvent trembler!!! Et si une surprise était possible???...où pas…
Vin 8 : Domaine Antoine Van Remoortere, Ménetou Salon, 2018
100% Pinot Noir
La robe est grenat rubis. Le nez est sur la prune, les baies rouges acidulées, de la myrtille, finement charcutier, avec un léger fond réglissé et une pointe de verdeur. La bouche est sanguine, à l’acidité haute, avec un fond pierreux et tannique, dont un léger gras apporte de l’élégance à cet ensemble mûr. Ce vin nous balade pas mal, évoquant tour à tour le gamay, le cabernet franc, la syrah, le grenache…Nous misons sur un vin d’assemblage, à grenache majoritaire. Le côté mûr et solaire nous fait partir en Côtes de Roussillon, au domaine Lafage, sur 2016, pour ce vin que j’aimerais bien recroiser à table…
Très Bien (16/20)
Vin 9 : Mas Combarela, IGP Saint Guilhem le Désert, Le Clos Secret, 2017
100% Cinsault
La robe est grenat rubis foncée. Le nez est assez complexe ou le fumé et l’ardoise chaude se mèlent aux notes fruitées
(myrtille, baies rouges), au poivre, avec un côté légèrement sanguin/charcutier. La bouche est fluide, sur une aromatique de vieux marc de raisin, avec des tanins très fins et poudreux, mais qui s’assèchent rapidement pour se terminer sur une finale collante et caramélisée. Cet ensemble est longiligne, mais le nez est selon moi supérieur à la bouche. Nous hésitons beaucoup, et longtemps, on évoque tour à tour gamay et cabernet franc, pour finalement opter tardivement pour un gamay de Côtes du Forez
(Opéra de Stéphanie Guillot) sur 2016…
Assez Bien à Bien (14,5/20)
Vin 10 : Château Peyriac de Mer, Corbières, Primo Vino, 2016
65% Grenache, 35% Syrah
La robe est noire, foncée. On a un nez de myrtille, de mûre avec un élevage affirmé sur la crème et le yaourt à la vanille. La bouche confirme cette impression d’élevage démesuré et d’empreinte boisée manifeste, se caractérisant par un volume bodybuildé et des saveurs de vanille et de caramel. Les tanins sont très nombreux, gras et collants, engendrant une grosse mâche, dont l’aromatique est assez primaire sur le cassis et les baies noires mûres. Nous tombons rapidement sur un merlot riche, après avoir évoqué le tannat, de millésime solaire en rive droite bordelaise. Nous inscrivons Grand Corbin d’Espagne en Saint Emilion Grand Cru, sur 2015.
Assez Bien à Bien (14,5/20) mais à attendre impérativement pour ce vin au style moderne…
Vin 11 : Château Capet Guillier, Saint Emilion Grand Cru, 2015
85% Merlot, 15% Cabernet Franc
La robe est noire, opaque, et bien plus sombre que la précédente. On a un nez sanguin, très épicé, sur le clou de girofle. La bouche est d’une grande densité avec une grosse empreinte tannique, tout en restant nerveuse. On retrouve du cuir, des fruits noirs et rouges, de la réglisse et des notes mentholées, heureusement rafraichissantes. On sent qu’il y a également un gros élevage, il est très long et se termine sur d’imposants amers. On le voit sudiste
(Sud-Ouest, Bordelais, Provence…), on hésite entre des cabernets, tannat et mourvèdre. Nous choisissons finalement le cabernet franc, en Irouléguy, sur 2012…Il était finalement là, le Saint Emilion...
Bien à Très Bien (15,5/20) pour ce
« Sérial Killer » de palais…
Vin 12 : Domaine Berthoumieu, Madiran, Charles de Batz, 2014
100% Tannat
La robe est noire foncée, à reflets violines, pour ce dernier vin. Le nez est neutre, légèrement sanguin. Alors que nous nous attendions, à la robe, à boire un liquoreux ou un vin muté, nous sommes agressés par une espèce de barbare tannique, un forcené armé de tanins grossiers, anguleux, secs et métalliques. C’est un véritable combo acide/végétal/vert et rigide. Aucun plaisir possible pour ce vin juste bon à déchausser les molaires…Affreux et aucun plaisir. Nous imaginons bien un Madiran, 100% tannat sur 2011.
Mauvais (<10/20)…
Et voilà, c’est sur cet ultime vin, que se conclue notre premier concours ! A noter qu’il n’y aura pas eu de sucre pour terminer. J’ai été impressionné par l’organisation en terme de service des vins, mais également par la qualité de certains dégustateurs, qui ne sont pas devant par hasard… Je remercie également le domaine Yves Cuilleron pour l’accueil ainsi que le buffet proposé à l’issue de cette manche, en attendant la délibération du jury. Enfin, je remercie chaleureusement mon collègue Cédric pour m’avoir accompagné dans cette galère: on s’est quand même bien amusé !
Ah oui, on fini à une
(trèèèèèèès) modeste 65ème place sur 72, avec 32 petits points, ce qui nous permet d'atteindre haut la main notre objectif initial, à savoir celui de ne pas être derniers ! On a payé cher nos quelques paris…mais ceci n’entache en rien notre satisfaction concernant cette participation, d'autant que cette manche était particulièrement difficile, en témoignent
le classement et les points associés
! En effet, nous savons que notre marge de progression est réelle, c’est pourquoi je pense que nous essaierons de persévérer et avons pour ambition de nous améliorer. Cela passera probablement par l’inscription à d’autres manches dans le futur, et j’ai déjà repéré des étapes à Vouvray et Ménetou-Salon l’an prochain…Bref, maintenant que la machine est lancée, notre route est tracée et plus rien
(ou presque…) ne pourras nous arrêter !!!...
Merci de m'avoir lu, toute ressemblance avec des extraits cinématographiques ne serait que coïncidence fortuite...