La récolte des olives: Épisode III
Le dîner des vendangeurs, la piste aux étoiles
Bon, c'est pas tout ça, faut y retourner !
Même si les plus sudistes d'entre nous
(
premmmmm's
) [size=large] tentent une petite évasion vers la sieste, le contremaître veille aux resquilleurs ! Reste de l'ouvrage à conclure et des caissettes à remplir.
L'olivier est vraiment un arbre qui tient une place à part dans le monde végétal et dans celui des hommes.
Comme pour la vigne, des civilisations se sont construites autour de sa culture.
Supportant avec opiniâtreté les affres du temps qui passe, renaissant malgré des gelées mortelles et résistant aux pires sécheresses, cet arbre rustique et noble traverse le temps des hommes tout en l'accompagnant avec bienveillance.
Sa récolte est un bonheur pour peu que le paysan ait taillé l'olivier pour maintenir sa frondaison à hauteur d'homme[/size],
(enfin, à hauteur d'Oliv...
).
Les branches de l'olivier se laissent aisément ployer, son feuillage est souple et résistant ce qui permet l'usage d'un peigne qui, sans générer de blessures, laisse tomber les olives dans un filet préalablement apposé au pied de l'arbre.
Enfouir ses mains dans une caisse pleine d'olives provoque une douce et sensuelle sensation similaire à celle que l'on peut ressentir avec un sac de riz !
Petit bonheur paysan que de se nettoyer les mains en écrasant dans sa paume une olive fraiche qui libère alors fraicheur douce et un discret parfum végétal...
La trentaine d'arbres qui nous était attribuée est dénudée de ses fruits, les olives rejoindront bientôt le moulin.
Alain semble satisfait de ses petites mains, heureuses du devoir accompli, et nous appelle à table.
La soirée s’annonçait belle... Elle fut tout simplement magnifique ! ()
Oliv
Il n'en est pas resté une !
Les plus chenus d'entre vous se souviennent peut-être d'un temps pas si lointain où le tennis se jouaient en short et chemise blanche et où le fan devait choisir son joueur fétiche entre Lendl et Mc Enroe, Bjorg et Villas.
Dans notre petit cercle d'amis, il y a les cochophiles (des gens de bon goût, forcément ) et les cochophobes (une bande de jeunes punks à chiens au palais torturé par des cépages honnis et qui voit de la boîte à sardines partout ()).
La patience d'Alain dûment éprouvée par le coquin (dé)goût incroyablement constant de notre paire de sauvageons appelait revanche.
Tel un Connors solide en fond de court et jouant sur les qualités de l'adversaire, le retour fut direct et fulgurant !
Domaine de la Chanaise - Beaujolais Blanc - 2009 & Saké Junmai Daiginjo - Sanka Masumi
Crostini de ricotta truffée
Le vin qui nous est servi est sans teinte, cristallin.
Son nez est digne d'un St Romain (
private joke), d'une neutralité rare et ne livrant que de minces notes à peine florales.
La bouche offre un ensemble toujours aussi peu intéressant, manquant terriblement de matière et construit autour d'une acidité flotteuse finalement presque écœurante.
Le vin manque de tout, de chair, d'arômes, de matière, de longueur et ne convainc personne dans l'assemblée.
Alain, taquin comme pas un, dévoile d'un air gourmand l'étiquette à nos amoureux du beaujolais à qui "il croyait faire plaisir" !
Les "oui mais euh, là, c'est pas pareil !" fusent de tous côtés, y'a du scandale dans l'assistance !
Bon, sur ce coup là, force est de reconnaitre que l'Alain a un peu graissé la patte de l'arbitre de touche et qu'on frôle l'incident de jeu !
Un membre de l'équipe des cochophobes en perd ses nerfs façon Mc Enroe et crie aux balles neuves en fouillant dans sa housse !
Il nous en sort une bouteille dont la chaussette peine à cacher un curieux goulot ! Kézako ce machin là ?!
La robe est telle de l'eau, avec une épaisseur notable qui laisse de belles larmes sur les parois du verre.
Le nez est très curieux, sur des notes que je n'ai jamais ressenties sur un vin, à la fois végétales (herbe fraichement coupée), d'agrumes (yuzu) et quelque chose qui m'évoque dans un premier temps l'oxydation. Les vapeurs d'alcool sont notables à l'aération.
La bouche est tout aussi indéfinissable, attaquant sur une rondeur quasi douce et une acidité surette totalement inédite pour moi.
L'aromatique finement anisée et végétale à la fois est fortement perturbé par un alcool assez présent.
Je suis perdu et visiblement, je ne suis pas le seul.
Il est pas un peu flingué, ton vin, Nico ? C'est du raisin ce truc ?
A un reflet dans son regard, j'ai un flash ! Oh le salopiot, il a pas osé ?!!
Me revient tout à coup le souvenir d'un Saké partagé avec Jean Philippe ! Du saké, je suis sûr que c'est du saké !
Bingo !
Je pense que cet alcool de riz a pâti de son absence de mise en situation et qu'il aurait sûrement mérité une préparation afin de ne pas passer à côté de ses qualités potentielles.
A revoir.
Domaine Étienne Sauzet - Bâtard Montrachet - 2004 & Domaine Coche Dury - Corton Charlemagne - 1996
Sandre de l'étang de Chapelle Naude en croûte d'olives noires
La robe du premier vin est sur un jaune paille léger.
Son nez est massif et lourd, terriblement marqué par des notes d'élevage qui s'expriment quasi uniquement sur le caramel au lait.
La bouche présente une matière grasse, terriblement monolithique en l'état et toujours autant monopolisée par le bois.
Le vin semble huileux et son équilibre est bien trop flasque pour mon palais qui affectionne plus de tension.
La garde apportera-t-elle ce dont ce vin manquait cruellement ce soir là ?
A revoir.
Le second vin présente une belle robe dorée.
Au premier coup de nez, un grand sourire de satisfaction me fend le visage alors que j'entends les premiers hululements des cochophobes dans le lointain. Je passe en mode autiste le temps de me repaitre de ces belles notes de noisettes grillées et d'orange confite sans voir voler les quolibets et autres "boites à sardine" verbales !.
La bouche attaque sur une aromatique assez serrée, sur de fines notes beurrées et de noisettes fraiches.
Mais c'est la structure du vin, sa texture qui est un vrai bijou. Le vin s'ouvre sur une acidité terriblement élevée qui impacte littéralement le palais.
A ce stade, on peut craindre le déséquilibre mais tout le génie de la mécanique Coche Dury s'enclenche alors.
Comme je l'ai déjà évoqué plus haut, une matière tout aussi énorme que l'acidité est élevée parvient à l'enrober, à la compenser et je ne trouve pas meilleure image pour illustrer mes sensations que celle d'un avion de chasse ou d'une voiture de course en accélération, celle qui vous colle au siège !
Le vin est littéralement fuselé, parfaitement caréné et débarrassé de toute pointe de gras comme j'avais pu encore en percevoir sur le Perrières 99.
La finale est phénoménale de longueur et de persistance sur la langue ! Je sirote avec délectation mon verre à toute petite gorgée, chacune m'apportant une somme de plaisirs égoïstes assez indéfinissable.
L'accord avec le sandre, à la cuisson millimétrique, d'une blancheur nacrée et d'une grande douceur mais plus encore avec la superbe croûte d'olive est remarquable. La texture fondante du poisson tempère la puissance du vin et l'aromatique de son accompagnement d'olive répond étonnamment bien à celle assez neutre et discrète du vin.
Je prends un pied terrible !
Mais bizarrement, mon enthousiasme ne semble pas véritablement partagé, même par certains convives qui ne reconnaissent pas le vin qu'ils ont déjà pu apprécier !
Des mystères de l'aveugle et de la confirmation que... je dois être un effroyable buveur d'étiquettes (mais j'assume de mieux en mieux !
).
Bon, au vu de la ronflée que je me suis ramassé dans le feutré du privé de la part de la patronne, peu adepte des engueulades théorico-vineuses en terre d'amitié, il semblerait que mon autisme de cochophile aurait vite viré en querelle de chapelles façon Hernani revisité avec nos petits punks chéris du bout de la table !
Mes excuses à tous et toutes, les excès de la passion sont parfois un peu sonores...
Domaine des Comtes Lafon - Volnay Santenots du Milieu - 2006 & Domaine Confuron Cotetidot - Echezeaux - 1996
Omelette soufflée aux morilles
La robe du premier vin est jeune, sur de jolies notes grenat qui évoquent le pinot bien mûr.
Le nez est intéressant, d'une évidente jeunesse par son élevage encore puissant qui enrobe de superbes notes de cerise et de fruits rouges bien mûrs.
La bouche est remarquable de tenue et de maturité, son équilibre est irréprochable et les tanins sont imperceptibles tellement ils sont bien intégrés.
Mais il faut reconnaître qu'en l'état, son boisé évident alourdit un peu ce jus d'une grande qualité.
Alain nous écoute, s'éclipse un instant et je le vois revenir de la cuisine, la bouteille toujours sous chaussette mais avec un air contrarié !
Des soucis en cuisine ? Que nenni, c'est juste que le 1996 prévu s'est transformé en 2006 !
Damned ! C'est ça d'avoir une vraie cave d'amateur, que voulez-vous, c'est qu'il fait sombre là-dedans !
La robe du second vin est plus évoluée et claire, sur des notes qui tirent vers la brique !
Son nez totalement à part me rappelle immédiatement la dégustation sur fût vécue l'an dernier au domaine Confuron Cotetidot.
Les arômes sont incroyablement complexes, sur des notes de foin et de fleurs séchées, un côté presque garrigue et de fin jus de viande, de coriandre qui m'évoquerait presque une syrah s'il n'y avait ces petits fruits rouges qui font très pinot. Ça ne ressemble à rien de connu... si ce n'est pour moi les vins du domaine précédemment cité.
J'assume et glisse un mot discret à Alain qui me sort sa tête de joueur de poker pour me répondre sans ciller son habituel "je note !". Je ne suis pas plus avancé ! (
)
La bouche est magnifique et parfaitement à point, construite sur une acidité totalement intégrée à une matière superbe de maturité et de classe.
L'aromatique en bouche est construite sur un très beau et puissant trait végétal qui peut presque devenir perturbant mais qui s'entend parfaitement avec les morilles !
La qualité des tanins bien fondus signale une grande bouteille.
Quel plaisir sur ce vin hors norme !
Domaine Armand Rousseau - Chambertin Clos de Bèze - 1995 & Domaine Armand Rousseau - Chambertin - 1995
Filet de boeuf au charbon végétal, sauce bourguignonne et crêpe vonnassienne
Le premier vin possède une robe de demi corps, sans trace d'évolution forte.
Le nez est complexe et fin, sur des notes plus classiques que le Confuron de petits fruits rouges évoluant vers le tabac et une pointe épicée que j'attribue à un certain âge.
La bouche est structurée sur une acidité assez forte qui apporte structure et fraicheur. Le vin est salivant, traçant et d'une très belle puissance contenue.
Son équilibre est sans faille et son côté tendu et concentré me laisse à penser que ce vin pourrait bien être issu du millésime 1996 et qu'il appelle la table.
Le vin gagne encore en plaisir sur la texture fondante du filet de boeuf et son aromatique terriblement pinot se love dans la sauce au vin à la glace absolument parfaite !
Difficile d'imaginer plus de plaisir que cet accord mais c'est avant d'avoir goûté le second vin.
La robe est à peine plus concentrée que celle de son partenaire mais semble un tout petit peu moins évoluée.
Son nez est assez discret, semblant réserver ses élans.
La bouche présente en revanche un équilibre bien différent, le vin offrant une chair plus importante, une sève douce et apaisante là où le Clos de Bèze semblait plus traçant et terrien. Le Chambertin possède une qualité de tanins somptueuse qui porte véritablement l'équilibre du vin.
Il semble plus jeune que son partenaire de table, avec encore un potentiel qui m'a semblé non négligeable.
L'impression en bouche est impressionnante, le vin est à la fois sphérique et droit, il y a de l'aristocrate en lui !
L'accord avec le plat est aussi évident que magique, aucun des deux ne cherchant à prendre le pas sur l'autre mais renforçant mutuellement les qualités de l'autre, tendreté de la viande et sapidité de la sauce pour le vin, fraicheur et équilibre pour le boeuf !
Un grand vin, un grand accord !
Alors que Camille avait fantastiquement repéré la parenté entre les deux vins, je tombe littéralement de l'armoire quand Alain découvre les deux vins et que j'apprends qu'ils sont issus du même millésime !
J'aurais misé mon dernier denier sur un millésime froid pour le Clos de Bèze et un millésime bien plus charnu pour le Chambertin.
Restons modeste !
Au passage, je prends un pied terrible sur la crêpe vonnassienne, un petit bijou gourmand au délicat goût de beurre noisette !
Un machin pareil, c'est véritablement dangereux ! Va falloir m'inviter à La Chandeleur Bressanne, la cuisinière risque toutefois de le regretter...
Vivement le mois de juin ! (
)
Giuseppe Sedilesu - Perda Pintà Sulle Bucce - 2008
Fromages Piémontais
La robe est ambrée, m'évoquant un porto tawny.
Le nez est redoutable d'originalité, sur des notes d'abricot sec et de fleurs séchées avec un côté mentholé.
De fortes vapeurs d'alcool perturbent néanmoins ce bel ensemble.
Alors que ce nez puissant peut laisser attendre un vin sucré, la bouche est totalement sèche, sans une once de résiduel.
Le vin est gras (par son alcool élevé, je pense), puissant, avec un toucher de bouche presque tannique.
L'aromatique rococo est fidèle à celle du nez et force est de constater qu'elle s'accorde plutôt bien avec deux superbes Cusiè Tabac et Chataigne et un Testun al Barolo absolument phénoménal.
Seule réserve mais vous connaissez mon palais de fillette, la finale ardente limite un peu mon plaisir et la buvabilité de ce vin très intéressant.
Une belle découverte !
Mazette, quelle soirée de folie !
Que rêver de mieux que des amis, une table magnifique et des vins qui nous sont offerts avec simplicité et générosité, pour ce qu'ils sont et pas comme des œuvres d'art ni des lingots d'or.
Non, tout simplement comme du vin, le plus beau vecteur de convivialité que je connaisse.
Un grand moment ! Un de plus !
A suivre...
Oliv
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