Bonjour,
Invité par un ami qui se rendait au domaine, je ne me fais pas prier pour rencontrer un vigneron qui divise autant que ses vins et fera ce soir preuve d'une disponibilité et affabilité rare.
Contrairement à ce que laissait penser certains post dont le mien, Pierre Charlot n'est aucunement certifié bio ou autre. il affirme travailler dans un esprit bio, voire biodynamique, mais ne le revendique pas. Cela aussi divise.
Tout le vignoble est travaillé au cheval, je ne connais pas d'autres équivalent en Champagne sans que cela me fasse penser à un avantage ou un inconvénient quand à la qualité de la culture qui en résulte.
Nous commençons par gouter les cuvées effervescentes qu'il produit à la Charité sur Loire, en "Val de Purgis".Loin d'être inintéressantes, ce sont des 2019 dont la jeunesse laisse encore peu de place à la complexité. Faites avec des cépages identiques à la champagne, par un Champenoi idéaliste et avec des méthodes techniques similaires à ces champagnes (brut nature, ici un pari audacieux), je retrouve des sensations connues, la longueur et la matière en moins à ce stade. Si ce n'était le prix qui dépasse les 20 € pour le particulier, ce sont de bons vins que je laisserai vieillir. A re-gouter et chroniquer dans la rubrique idoine, pas la Champenoise....
Champagne Réserve Brut Nature. dégorgement 11/2018, base 2013 et vins de réserve, 75% meunier, 25% chardo :
C'est tout de suite autre chose que Val de Purgis...mais dans un esprit si proche finalement !. Nez très "space" avec ce que nous découvrirons comme une réduction puisque partira avec la longue aération. J'aime ce côté artisan ultime, qui ici comme tout brut nature commence par exprimer une fluidité trompeuse pour revenir sur un fruit et un vineux léger mais assez addictif. Un bon champagne de vigneron mais qui ne bouscule aucune hiérarchie. 14/20.
Champagne Millésime 2010, pur Pinot Noir, brut nature : un gros cran au dessus du Réserve. Belle vinosité, arômes de tilleul, de coing.La matière n'est pas exceptionnelle mais les amateurs vont y trouver leur compte. Issu d'un lieu dit (parcellaire là aussi non revendiqué) et toujours aussi peu sulfité que le reste de la gamme. Le prix sur le net est d'ailleurs assez incroyablement élevé.... Notons que son évolution à l'air est très favorable et j'ai avoué au vigneron que je serai parti sur un 2014 en extra brut, preuve de son insolente conservation. 15.5/20
Champagne Millésime 2010, Chardonnay : pas tant en finesse que le cépage le supposerait, on retrouve un beau vin sur les fleurs blanches mais avec autant de vinosité que son copain en Pinot. Une fine oxydation apporte une complexité bienvenue. La persistance en bouche est bonne et Pierre Charlot a raison de le servir après le Pinot, ce qui m'avait a priori étonné. 15.5/20. Là aussi un tarif..hum..décoiffant.
Champagne 2009 Pur Meunier. Les louanges sur le net sont amplement justifiées. Nous avons là un vin de très belle origine, proche en style de la cuvée Harmony (chez Follet Ramillon) avec plus de peps et une certaine aristocratie. On approche le style de Selosse d'un point de vue rondeur/profondeur sans en avoir la géniale oxydation ménagée ni la matière hors norme.
Issu de ce millésime solaire 2009 si peu conservé en cave (car d'évolution rapide en général), nous avons ici un vin bâtonné et ouillé chaque semaine, ceci explique cela. Le hasard fait que je sais par expérience que cette vinification donne des vins très "à mon gout". On n'y déroge pas ici avec un boisé/vanillé intégré mais perceptible qui rapproche de la Bourgogne avec une majuscule. Le plaisir est proche de la cuvée Grand Vintage d'Eric Rodez ou du Spécial Club 2008 (pur meunier aussi) de Cédric Moussé. Tarif encore plus élevé que les ses 2010, à 100 € voire plus mais là presque acceptables pour un tel vin. 18/20.
Ce millésime 2009 n'a été travaillé par Pierre Charlot qu'en cave car il était encore scolarisé. Le millésime 2010 est donc son premier objet vineux personnel. Si la suite est au niveau cela devrait donner un nom de plus sur la liste des vignerons ambitieux, dans un style épuré rare, mais à gouter avant d'acheter.
Mettre les vins en très petite quantité à la vente à des prix jugés personnellement stratosphériques (mais qui vont avec ses coûts de production précise t-il) est finalement un moyen (sans doute non recherché) de poser question.
Je reste dans l'attente de gouter des vins plus récents car j'ai compris qu'au détour de ces plus de 2 heures d'échanges que ses choix de travail à la vigne comme à la cave sont devenus radicaux et donc par exemple les rendements réduits sur les millésimes récents... un homme à suivre car entre son vignoble expérimental dans la marne, son vignoble Champenois, son vignoble à la Charité sur Loire et d'autres projets encore plus ambitieux que vous lirez sans doute d'ici quelques semaines/mois, voilà un découpage de vie assez singulier, ici encore de l'audace. Je lui souhaite sincèrement de ne pas s'éparpiller et de réussir partout...c'est pas mal parti !