Champagnes Benoit Marguet - Une horizontale 2014
Benoit Marguet est un homme posé. Qui sait où il va, où il veut emmener ses vins. Qu'ils soient issus de son domaine ou de sa son activité de Négoce Haute Couture certifié bio. Voilà en résumé ces 3 belles heures passées à Ambonnay.
Un petit groupe de professionnel du vin (caviste ou sommelier...) et une paire d'amateurs ont été conviés par Benoit pour leur présenter cette -grande- gamme de Champagne 2014.
Nous voilà d'abord là où tout se joue : le hangar viticole. Deux chevaux, un infuseur, un dynamiseur, du matériel du travail du sol, un tracteur enjambeur moderne : tout nous est montré, expliqué, sans fard et avec passion, précision plutôt. Le clou pour moi de cette factuelle présentation : un local à produits phytosanitaires qui sent les herbes sèches, les huiles essentielles. Il faut dire que la biodynamie est ici pratiquée avec des notions complémentaires de vibration, d'énergie, mot qui revient souvent dans le discours. Parfois techniquement hors de l'habituel mais engagé, toujours.
Nous revenons au cœur du village (au sens propre, juste en face du Clos d'Ambonnay de Krug pour vous situer) pour découvrir le nouveau chai, entièrement remodelé et modernisé au dessus des caves voutées plus que centenaires. D'abord le pressoir pneumatique, tout en haut, si, si, au plafond, permettant ainsi de mettre en cuve par gravité..puis d'entonner..par gravité..Et hop : 2 opérations de pompage évitées. Utile quand on veut limiter l'usage de sulfite dans la vinification...Au fond de chaque cuve, une pierre dynamisée. 5 cuves : 5 éléments. Pas de hasard ici me dis-je... Des vins vivants nous assure Benoit.
Impressionnante série de fûts..
Le vigneron insiste sur les intentions. On doit traiter la vigne avec une bonne intention. Travailler le vin en y croyant positivement ..et jusqu'au service du vin : "un sommelier peut influencer un vin s'il ne le sert pas avec passion, avec une bonne intention" ajoute -t'il enfin. Cela vous parait un poil hermétique ou initiatique ? Pas tant que ça au final lorsque l'on est sur place. Je me dis que le vin étant tout sauf un produit alimentaire utile, autant y consacrer du temps et de l'argent avec intention, non ? Allez, place AUX vins, car ils seront nombreux. Et si jeunes, sachez les attendre un peu !
Un beau lieu d'accueil...
*
Shaman Rosé 2016 : un rosé sans prétention pour mise en bouche ? Surement pas car il restera un mes préférés, j'y reviendrai. C'est un Champagne Rosé d'assemblage, volontairement pâle, au nez sur le bonbon anglais, alliage de vineux et fruité en bouche.
Il reste oncteux malgré la finale vive. 70% chardonnay et 30 % Pinot Noir. Je vais noter les vins en pensant à la remarque de notre hôte qui je crois n'est pas fan de cette pratique...
Je le comprends mais passe outre, c'est pour moi plus simple pour les mettre dans un ordre de préférence ce jour. 15.5 et presque prêt à boire.
Série 100% Chardonnay Grand Cru :
*
Chouilly 2014 : Lieux dit Plumecoq non revendiqué. Nez vanillé subtil sur les fleurs blanches, le jasmin. Une pointe d'oxydation porte la dégustation. peu dissert en l'état, patit de passer après le Rosé. 15.
*
Cramant 2014 : Lieux dit Bateau non revendiqué. Plein, droit; boisé discret, une infusion de plantes (sauge, pointe végétale). plus long mais moins ouvert que le Chouilly. Me plait beaucoup. 16.
*
Trépail 2014 : Commune à l'est d'Ambonnay. Robe un peu plus marquée, un nez puissant, une pointe de pomme et de beau végétal (tilleul..), des amers nobles. A revoir dans 5/10 ans ! 15.
*
Le Parc 2014, Ambonnay parcellaire. Zéro Sulfite : Le Parc est la parcelle d'origine du Clos d'Ambonnay, dont le mur détruit a été reconstruit plus bas dans le coteaux, délimitant désormais la parcelle de Krug. Nez flatteur, très sapide, le zéro dosage présente encore ce jeune vins sur des amers, belle longueur, les arômes se développent en bouche. A attendre. 15.5
*
Les Bermonts 2014, Ambonnay parcellaire. Plus large que le Parc, plus profond aussi. Un vin au combien en devenir, car en réchauffant le verre, mon regard croise celui d'un barbu en face qui en fait autant avec un beau sourire...très prometteur (le vin, pas le barbu). 16
Série 100% Pinot Noir Grand Cru:
*
Bouzy 2014 : Jaune prononcé (disons pour un vin de 2014..), on passe ici sur un boisé plus marqué qui épouse le cépage et appelle, que dis-je, crie "gastronomie !". parait déjà irrésistible mais une fois l'élevage fondu, on aura un côté prune-mirabelle de haut vol. Pour sûr. 16.5.
*
Les Saints Rémys 2014 : Ambonnay parcellaire. Mon préféré. Au barbu aussi. Doux, velouté (le vin, pas le barbu), j'aurai parié néanmoins (et aurait perdu) sur un assemblage avec 30% de chardo car bien enlevé en bouche. Superbe de complexité naissante. Au niveau des très belles cuvées de Champagne. 17
*
Les Crayères 2014, Ambonnay Parcellaire : pour la 1ère fois en 100% pinot, c'est puissant mais droit, sur une largeur évidente, une oxydation ménagée en devenir, qui accentuera encore cette force sous-jascente. La pointe mentholée porte la dégustation. 16.
Série Assemblage :
*
Ay 2014 : 60 Pinot Noir, 40% Chardonnay. Nous dissertons un instant sur ce terroir magnifique d'Ay dont seul le manque de vigneron emblématique (mais ça vient..) tient dans en relative discrétion. Puissant, arômes d'infusion encore (verveine, jasmin, reine claude) et une pointe de coing. sapide par son zéro dosage, peut paraître fluet au béotien dans sa jeunessse mais quelle facilité à accorder un tel vin à table...16
Sapience 2009 - Premier Cru
Présentons encore une fois ce tour de force qu'est Sapience. A l'origine travaillé avec des raisins achetés à trois vignerons en "L" : Lahaye (bouzy), Leclappart (trépail), Laval (cumières), ce vin est désormais depuis 6 ans réalisé avec une part de raisins de Benoit Marguet. La volonté des de produire, chaque année, un grand vin de Champagne, au plus haut niveau possible, le tout uniquement avec des raisins certifiés bio.
*
Sapience 2009 De mé-di-ta-tion. Tout est là. Puissance mesurée, élan, longueur et..vibrant, si, si. Une vitalité que l'on ne soupçonne pas sur ce millésime solaire. Du grand artisanat. A mon sens la plus belle cuvée de Champagne "accessible" (si je peux m'exprimer ainsi a près de 160 €). Mais combien de vin dans le monde atteignent ce niveau, surtout quand on sait que j'avais préféré d'autres millésimes que ce 2009 lors d'une verticale de 2006 à 2011...noté 18 histoire de dire que supérieur au Saints Rémys 2014 (j'avais posé 19.5 sur Sapience 2008), mais intellectuellement un monde à part.
Il est temps de regoûter rapidement quelques cuvées.... Malicieux et souriant, Benoit Marguet laisse chacun s'assurer de ses sentiments sur telle ou telle cuvée. Je reviens donc sur Les Saints-Rémys... Comme sur Shaman Rosé, qui avait si bien initié la dégustation.
Un point général : toutes ces cuvées sont sauf erreur non chaptalisées, non dosées, très peu ou pas sulfitées. Exclusif.
A l'exclusion d'une pointe de réduction sur le premier nez du Trépail, aucune déviation aromatique notable, si tant est que celle-ci le soit.
L'extrême soin apporté au travail des vins depuis la cueillette jusqu'à la mise en bouteille semble tenir sur le fil du rasoir ces expressions d'un même cépage dans un même millésime, sur des parcelles distantes parfois de quelques centaines de mètres.
Nous évoquons avant de nous quitter l'organisation des crus bourguignons. Honnit par les champenois historiquement (sacro-saint assemblage), on peut, dans une mesure raisonnable s'en inspirer librement, non ? C'est fait.