[size=x-large] Le millésime 2014 après mise au Domaine Dureuil Janthial[/size]
Nous sommes de retour à Rully, 11 mois après l'itération 2015. Vincent Dureuil nous invite à déguster 2014 en bouteille. "Vous arrivez trop tôt pour goûter les 2015 sur cuves. Ils sont disponibles à la dégustation dans 2-3 semaines."
L'année sera commune mais le lieu différent. Nous descendons à la cave en apercevant au passage les travaux de bâtiments annoncés la fois précédente.
[size=x-large]2016 et ses conséquences[/size]
Lorsque nous évoquons 2016, c'est avec un vigneron visiblement marqué par l'année qui vient de s'écouler que nous échangeons:
- Pouvez-vous nous parler de 2016? Avez-vous été touché par le gel?
- Pfff... il ne manquerait plus qu'il grêle l'année prochaine et ce serait le summum... 2016 fut une catastrophe. Tout a gelé. Et pour les endroits épargnés, nous avons eu une pression incroyables des maladies. Nous sommes usés. On a bossé comme des dingues. Il pleuvait tous les 2 jours. Et au final, on ne fait pas beaucoup de vins, -75%. Mes gars et moi sommes fatigués physiquement, usés, continue Vincent dans un soupir. En discutant avec les anciens, le dernier gel de cette importance remonte à 1965.
- Avez-vous du arrêter le bio?
- Oui, et ce fut la décision la plus douloureuse. On s'est tous téléphoné tous les jours avec les copains. Sylvain Pataille, qui est d'un conseil toujours judicieux, m'a dit: il faut que tu arrêtes sinon tu va tout perdre. J'ai utilisé du phosphanate. La molécule est propre. Jusqu'il y a peu, le produit était considéré comme bio en Allemagne. Ca a été efficace. En 6 heures les vignes ont bien répondu. Mais il va falloir tout recommencer. C'est reparti pour 3 ans. Il devrait exister un joker pour de telles années. Ca fait plus de 10 ans que nous faisions du bio...
- Nous revenons de chez Messieurs Lafarge et Dancer et ils ont décidés d'accepter les pertes mais ne pas arrêter.
- Sur ces appellations, ils ont la latitude des prix de vente plus élevés. Moi, je ne vais pas vendre un Rully à des prix délirants.
- Oui et puis il y a la propriété des terres ou plutôt son absence qui peut jouer la double peine. Quelle est d'ailleurs la proportion ici?
- J'ai 17ha en fermage sur les 25. Et par endroits, nous n'avons rammassé qu'un sceau. Inutile de vous dire que l'on ne paie pas grand chose avec... Nous sommes en pertes sur 3 ans
La tristesse est vive et bien présente. Nous décidons d'embrayer sur la dégustation pour aborder un millésime plus positif.
"Vous allez pouvoir comparer 2014 après la mise, le vin est comparativement plus en place et plus sec."
Rully Mézières
C'est parfaitement sec, une matière sensible et de la largeur.
Rully 1er cru Vauvry
Des similitudes avec son prédécesseur. Une pincée d'épices en plus et un supplément de substance.
- La parcelle, celle de Grésigny et celle de Margotés n'ont pas gelé en 2016 mais elles ont été mises à rude épreuve de la maladie. Je n'avais jamais vu de mildiou sur les pampres. Avec 2016 c'est fait.
- Thomas Pico a arrêté la commercialisation de 2014 pour la reprendre en 2017. Avez-vous envisagé une telle solution pour la trésorerie?
- Je l'étale sur 2 ans. Ce qui me chagrine, c'est qu'avec 2016, beaucoup vont devoir arrêter, partir.
Rully 1er Meix Cadot
Un vin clair, d'une belle portance et finesse. C'est frais, un peu moins tendu mais d'un toucher délicat.
Rully 1er Chapitre
Une présence plus large dans le bas de la bouche. Du tilleul, des fleurs blanches. Le haut est plus aérien. Le vin se goûte sur le bout de la langue et une pointe de clou de girofle termine la partition.
- L'enherbement a été difficile à gérer en 2016. Il a maintenu l'humidité et a propagé les zones de gel. Et nous avons eu de la rosé tous les matins début Septembre. La pression était incroyable. Nous avons fini par débroussailler à la main. Le labour était également compliqué. Le trèfle ne cessait ensuite de se coincer dans les machines. Et le sol meuble ne permettait pas de passer partout. Je vais faire des essais de micro-butage afin de permettre au tracteur de passer. Laisser de l'herbe sur les rangs du bas afin que les chenillettes ne soient pas embourbées. On a du pousser à plusieurs quelques fois pour dégager la machine.
[size=x-large]Les vins en cave[/size]
- Nous entendons de l'effervescence depuis notre arrivée dans la cave.
- Ce sont les fûts qui chantent. Ils sont en fermentation. Nous les remplissons à 200 litres sans quoi cela ferait geyser. Et nous avons une pièce de remplissage pour 11 fûts. Et nous avons des robinets pour remplir les ouillettes.
- Nous sommes allés chez Vincent Dancer et la fermentation de ses 2015 n'était pas complètement terminée.
- 2015 a été rapide pour moi. En 1 semaine c'était fini. Sur 2016 en revanche, c'est plus long.
Rully 1er Margotés
Une amertume plus présente, une matière accrocheuse. L'ensemble demeure sec et tendu.
- Filtrez-vous vos vins?
- Oui. Il est important qu'un vin fasse toutes les étapes. Le passage en bois, la filtration, le collage, etc. J'ai conduit des comparaisons de vins filtrés et non filtrés. Au bout de 10 ans, ceux qui avaient été filtrés étaient meilleurs, avec une finesse plus grande. J'ai filtré de nouveau en 1998. Avec des élevages longs, la filtration passe toute seule. Et ça a l'avantage de nettoyer des bretts. Pour le collage, je travaille avec des plaques de cellulose. Je continue à faire des essais. La préparation est un élément important dans ce procédé.
Rully 1er Meix Cadot Vieilles vignes
C'est onctueux et caillouteux à la fois. Ca file droit dans la bouche. C'est sec, fin et laisse les papilles et le palais très propre. Mon impression et le rang de l'année dernière sont confirmés: l'excellence.
- Ce sont des vignes remontant jusqu'à 1920. Elles sont constantes, toujours moins de 30hl, des degrés entre 13 et 13.5. Elles sont taillées en Poussard. Cela permet d'avoir moins de maladie. Je continue par conséquent cette taille avec un double membre sur les jeunes vignes. 1 courson = 1 année. Je conserve donc un courson pour l'année à venir et une baguette sur l'autre membre pour l'année suivante. Et j'inverse l'année suivante.
- Vous évoquez les nouvelles vignes. Faîtes-vous beaucoup de remplacements?
- L'Esca est une maladie terrible. On doit faire avec.
Puligny Montrachet Corvée des vignes
Une ampleur plus importante, du gras. Un vin également épicé. Une assise
plus grande. Une pointe iodée en conclusion.
Puligny Montrachet 1er cru Champs gains
Une palette aromatique sur la poire et l'ananas. Une présence qui sollicite le haut de bouche. Une fois recraché: nous avons du bonbon acidulé, des épices et une belle énergie.
"C'est une parcelle pas facile à comprendre. Si je vendange trop tard, le vin est mou."
Je confirme. Comparativement à la dégustation sur cuve l'année dernière, les 2014 paraissnt mieux définis ici dans leur netteté, leur matière, leur vivacité et leur verticalité.
[size=x-large]La capacité de vieillissement[/size]
Vincent attrape non loin de lui une bouteille non encore habillée "Vous allez me dire ce que c'est."
Vin mystère n°1
Un nez presque sur l'olive, une légère réduction, un début mielleux en même temps.
Un vin sec, sur la pêche blanche, l'infusion de tilleuls. C'est acidulé et salivant. Il reste quelques notes de badiane. Je tente:
- 2012. Après, vous dire le cru, j'en suis incapable.
- 2012 c'est bien ça
NDLR: Youhou! A vous de bosser les copains, j'ai eu mon micro instant de gloire.. Nous sommes sur Grésigny. On continue?
- Bien volontiers.
Vin mystère n°2
Un début de truffe, de la pleurote, du miel. La couleur est une belle parure dorée. En bouche c'est un bonbon à l'amande.
- Je sèche (bon OK j'ai pas tellement tenté
)
- Margotés 2003. . La fleur avait été en avance. Nous avons vendangé le 10/09. La maturité phénolique était atteinte.
Vin mystère n°3
Notre vigneron s'éclipse un instant au fond de sa cave et revient avec flacon velu. Bon, nous n'en avions jamais vu et nous avons commencé à en plaisanter.
- C'est une bouteille portu(bip), nous lance Vincent comme boutade.
- Nous pouvons comprendre pourquoi
N'avez-vous pas peur que la conservation en pâtisse?
- Goûtez, vous verrez. Bon ça demande un peu de nettoyage lorsque j'amène ça chez des copains. Et il faut faire attention à ne pas boucher les éviers. Ca m'est déjà arrivé. Sinon je mets les bouteille dans une caisse fermée. Ca ne bouge pas.
Du miel d'acacias, de l'ananas confit et rôti. C'est une perception très mûr mais parfaitement sèche. C'est très bon. Nous nous lançons alors:
- 2001?
- Non,
- 1998?
- C'est plus vieux que ça. 1994. Et c'est un Rully village. A cette époque là, il y avait beaucoup de chose faites différemment. Il y avait parfois un peu de botrytis. Le pressurage était moins fin. La mise était plus précoce. Etc.
Impressionnant. Comme quoi il faut laisser une chance aux appellations village de vieillir.
- Vous avez du temps pour goûter les rouges?
- Bien volontiers.
[size=x-large]2014 Rouge[/size]
Rully rouge
C'est iodé avec de l'ardoise. Des cerises et fraises rouges clairs. Une accroche sur la réglisse. A l'aération le nez reprend l'iode du goût.
Rully Maizières
Moins épicé, relativement plus soyeux sur le milieux de bouche. La finale révèle un petit grip.
Rully En Guesnes
De la grenade, de la groseille. Un vin plus strict et vertical
- Avec les faibles volumes, avez-vous renoncé à l'achat de fûts neufs?
- Non, Chassin est sur allocation. Je prends le maximum à chaque fois.
Rully 1er cru Chapitre
Le bas de bouche regroupe un peu de tannins. Les fruits sont moins perceptibles. C'est sobre en son milieu, large sur le pourtour. Un beau volume.
Rully 1er cru la Fosse 2013
"Je ne le fais pas trop goûter en principe. Je ne fais que 3 à 4 pièces par an."
Un nez aérien. C'est suave, d'une belle justesse. C'est fluide, long avec des tannins maîtrisés. Inutile de vous dire que j'ai apprécié.
- Il y a 100% de fûts neufs.
- Et bien ils ne se sentent pas. Comment gérez-vous autant de vins?
- Je me concentre en ce moment sur 2016. Je ne touche pas aux anciens, 2015 en l'occurence.
- Où en êtes-vous jsutement du millésime 2015?
- 2015 est soutiré depuis 1 mois. Nous avons vendangé assez tôt, le 3 Septembre.
- Avec la chaleur, n'avez-vous pas eu trop de maturité?
- Ca a été. Nous avons récolté entre 12,6 et 14.
- Et en terme de personnel, vous devez avoir du monde.
- Pour les vendanges 2016, nous étions 40. Une année normale nous sommes 60. J'adore la période des vendanges, même si c'est une sacré organisation. Je n'aimais pas cela étant plus petit. Je apprécie maintenant beaucoup ces journées, ces soirées, cette ambiance.
La visite s'achève, il est temps de partir. Nous quittons un vigneron qui a retrouvé du peps' en fin de dégustation. Et c'est pour ces moments, ces instants, ces montagnes russes d'émotions que la recontre des vignerons me paraît essentielle: partager notre avis, nos réflexions, les leurs, leurs réussites mais aussi leurs difficultés. Nous, en tout cas, on adore l'entiereté, la sincérité et la transparence de Vincent Dureuil. Je reprends ici la réaction de notre doyen au sortir de la dégustation: "C'est un vigneron fantastique." Je ne dirai pas le contraire.