Pour l’élevage en fût, Guillaume a retenu les tonneliers Meyrieux et Rousseau (chauffe à cœur) en raison de leur rendu et du marquage maîtrisé du vin. L’élevage en fûts dure entre 16 et 20 mois. La proportion de bois neuf varie entre 33% sur les villages et 80% sur le grand cru. Ces tonneaux peuvent servir jusqu’à 3 vins.
L'opération de dégazage a lieu au soutirage final, à partir de janvier. Pour cela, les vins chutent d’un mètre de haut. Et la fin d’élevage se passe en cuve dans le but de lisser les tannins. Preuve que notre vigneron fait toujours attention à la température, il veille à ce qu’elle soit de 18°C au moment du soutirage pour la baisser à 15°C au moment de la mise.
D’autres éléments de travail nous serons distillés, verre à la main, au moment de goûter les 2013 et donc plus loin dans ce compte-rendu.
Nous lui demandons si les faibles volumes de ces dernières années n'exposent pas financièrement des domaines dans la région. Il pensait que ce serait le cas mais aucune mutation n'a lieu. Le corollaire est qu'il n'y a pas non plus d'opportunité pour s'agrandir. Remarque personnelle: comme quoi le principe économique qui dit qu' il existe en temps de crise des possibilités d'acquisition ne semble pas s'appliquer ici. Ou bien peut-être est-ce parce que ce n'est pas la crise en Bourgogne. Une discussion le lendemain avec Alec Seysses lors d'une dégustation nous confirmera d'ailleurs ce que l'on pouvait déjà pressentir: "c'est l'âge d'or de la Bourgogne". Nous y reviendrons ultérieurement dans le topic adéquat.
Le domaine Tardy n'a pas attendu ces derniers millésimes s'étendre. Il a eu recours à un Groupement Financier Agricole (GFA) pour exploiter une parcelle qui leur permet de produire le Grand Cru des Echezeaux. Les propriétaires laissent à Guillaume l'usufruit de ces vignes en échange de la moitié de la production. Cela fait rêver
«- N’avez-vous pas été tenté de vendanger plus tôt compte tenu des faibles volumes sur les derniers millésimes ?
- Non pas spécialement. Le vent assez chaud fin Août/début septembre est venu sécher l’humidité et a même retiré un peu de jus et concentré les grappes. Nous avons ainsi vendangé le 13 Septembre.»
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Nous venons avec un a priori sur 2013. Nous avons parfois pu lire les uns les autres, par ci par là que le millésime serait en deçà de 2012 à la même époque. Guillaume nous dit que ce fut un millésime « de viticulteur et de vigneron » mais qu’il s’est avéré finalement plutôt bon et nous allons bien comprendre son propos en dégustant sa gamme en fin d’élevage
Bourgogne Hautes Côtes de Nuits ‘Cuvée Maëlie’
Mes impressions: Un léger perlant se fait sentir. Le vin reste ici cependant net. Il est fruité, acidulé et assez aérien. La toute finale serre un peu. L’un de nous le partage avec le vigneron sans qu’il ne s’en offusque. « J’écoute toutes vos remarques ». Elle sera bien la seule. Un peu d’aération et réchauffement du verre font leur office, tout comme le vin devenu plus plaisant encore. A la frontière entre
AB+ et
Bien-. Oui je sais ça commence haut dans mon échelle habituelle de notation.
O_G: Le nez et net et précis, fruité avec une pointe de grenadine. La bouche accroche un peu et porte une finale verte et aérienne à la fois.
Fixin ‘La Place’
Le vin a été sulfité il y a un mois de cela.
Mes impressions: Quelle finesse ! c’est simultanément gourmand et très féminin. Cette délicate attaque enrobe les tannins que l’on ne commence à percevoir qu’en milieu de bouche. Et ce sont ces derniers, parfaitement maîtrisés dans leur matière et leur perception qui persistent et étirent le vin en longueur. Ils sont comme encapsulés dans une bulle d’un doux tafta fruité. Nous ne le savons pas encore mais nous venons de percevoir le fil rouge de la dégustation, le style Guillaume Tardy. Sur le Fixin ici, l’ensemble est léger, en haut de bouche. La matière est peut-être moins « épaisse » que les nectars qui vont suivre. Largement
Bien.
O_G: Le nez est un poil terreux et légèrement réglissé. La bouche est croquante, aux tannins soyeux. Beau fond de verre sur la fraise.
Guillaume ne laisse rien au hasard. Il aperçoit une flaque au sol dans le fond de sa cave. Il va voir pour mieux revenir « Ce n’est que de l’eau. Il ne faudrait pas qu’un fût ait fuit. Le pire est lorsque cela arrive à l’arrière d’une rangée et qu’on ne l’aperçoit que trop tard ». Cette attention au moindre détail me rappelle un grand régisseur croisé l’été dernier
.
Chambolle-Musigny 'Les Athets
Les 6 fûts seront assemblés en cuverie pendant le mois de Janvier.
Mes impressions: Le vin est remarquable dans son unité. L’attaque est ronde et un soupçon plus large que le Fixin. On retrouve ensuite cette trame légèrement tannique dans un second temps. C'est concentré mais toujours fin. « C’est une danseuse », pas un bûcheron.
Très bien-.
O_G: Robe + dense. Nez un poil réducteur (comme la plupart des vins ils deviennent plus lisibles après 5 minutes d’aération en verre). Aromes de fruits frais et de fraise, murs. La bouche est concentrée aux tannins très doux, sur un ensemble pourtant incroyablement digeste. La finale fruitée est élégante et les armes fruités font un retour sur l'avant de la langue.
Sur les difficultés rencontrés sur le millésime 2013: "Les machines ne passaient pas partout. Il a fallu chausser de longues bottes et porter des épandeurs de plus de 30 kilos sur le dos pour aller traiter".
Vosne-Romanée 'Vigneux'
Mes impressions: Le nez pinote bon. Tout le monde se perd dans ces délicieux effluves de ronce avec baies, de rose fanée et d’une touche de violette/cassis. La bouche porte la désormais signature du domaine. La structure est ici plus verticale et le velouté plus « minéral ».
Très bien.
O_G: Nez de ronce et de violette, robe soutenue. La bouche est marquée par beaucoup de profondeur, jusqu’à une finale harmonieuse qui accompagne l’ensemble de la bouche.
« Dans l’ensemble des tâches qu’un vigneron fait, l’important est le moment de l’action. » Cette dernière ne doit ni être faite trop tôt, ni trop tard. « Cela change tout ».
Au fur et à mesure que la dégustation avance, se dessine le portrait d’un artisan du vin heureux de faire son métier. Au niveau qualitatif goûté, c'est définitivement de l'Art.
Gevrey-Chambertin Vieille Vigne ‘Champerrier’
« C’est un Gevrey fait par quelqu’un de Vosne. Un Gevrey féminin et joufflu ».
Mes impressions: Nous le ressentons et nous dirions même c’est le Gevrey fait par Guillaume Tardy. Les fruits sont expressifs. Quelques épices les accompagnent. Comme ses prédécesseurs, le toucher demeure superbe.
Très bien-.
O_G: Panier de fruits rouges, légèrement terreux. La matière en bouche est importante et ressemble à un épais velours. Très suave, se resserre légèrement en finale.
« Je ne souhaite pas extraire trop de tannins des grains de raisin. Je préfère les compléter avec les fûts. »
A la question de l'un d'entre-nous sur l'importance du nez dans un vin, Guillaume répond qu'il concentre son travail sur la bouche : les textures, les saveurs et l'équilibre. "Si la bouche est bonne, le nez suivra". On devine qu'il souhaite faire des vins bons dès à présent, meilleurs encore dans le temps.
Nuits St Georges Vieille Vigne 'Bas de Combe'
Terroir à la frontière de Vosne, les vignes y résidant ont entre 65 et 70 ans.
Mes impressions: Le fruit est d’une extrême évidence à l’attaque. Géographiquement, une belle matière tapisse le bas de bouche et les papilles lorsqu’une rose aérienne occupe le palais.
Très Bien.
O_G: Nez de cerise griotte et de rose. C’est très équilibré et net, lisse.
« Je vinifie tous mes vins de la même manière. Je favorise la fermentation intracellulaire. Les billes sont quasi-entières, à peine fendues. La fermentation se fait donc dans le grain. Je ne souhaite pas les tannins des pépins. Je libère celui des peaux avec le pigeage».
Les rendements sont habituellement aux alentours de 40hl. En 2012, et ce n'est plus une surprise, ils furent moindres, à 30hl.
Nuits St Georges 1er cru 'Aux Argillas"
Les vignes s'étendent sur 1ha80 en fin de coteau de Vosne Romanée. Le vin est pigé une fois de plus que les autres crus.
Mes impressions: Le toucher de bouche est finement texturé. La matière est plus conséquente. Lorsque l'on écrase le vin entre son palais et sa langue, on a l'impression de briser des microbilles de bonbon et laisser échapper la matière. La finale a un grand goût de "reviens-y".
Très Bien +.
O_G: Fruits rouges et léger réglisse. La bouche est très droite, marquée plus par le toucher que par les arômes, tandis que la finale apporte de la rondeur et un retour du fruit.
J'évoque avec Guillaume comment et avec quelle bouteille j'ai découvert le domaine. Il me dit qu'il avait un 1er cru qui était supérieur encore. Sic! quelle cruelle torture que de ne pouvoir en trouver
Echézeaux Grand Cru Vieille Vigne 'Les Treux'
Les vignes ont plus de 75 ans.
Mes impressions: La groseille, la fraise sont à l'attaque. Ils sont encore plus purs. Une pointe d'olive et un élevage bien intégrés prennent le relais. La douceur et la finesse ponctuent cette fois-ci le second mouvement. C'est un vin plein, d'une belle complexité. Le point d'équilibre se situe en haut de bouche. Guillaume parle de "flottabilité". Sa ligne en est assurément haute.
Excellent-.
O_G: Charnu, au volume élégant. La bouche apporte une vague fruitée suivie par une trame tendue, l’impression générale est celle d’une puissance aérienne.
La série fut exceptionnelle. Les 2013 sont extraordinairement abordables. Ils possèdent tous un toucher fin et délicat, des fruits d'une grande évidence. Il faudra voir ce qu'ils donneront dans 10 ans mais il faudra résister d'ici là pour ne pas les déboucher. Le domaine reste discret, mêmes les professionnels de la région n’ont qu’ouïe le niveau qualitatif atteint. Quelques déjà grands vignerons et personnes averties de la Côte de Nuits respecteraient néanmoins déjà le travail de Guillaume. Je n'en suis pas surpris. Le grand hic, parce qu'il en fallait malheureusement un, c'est que le domaine n'a plus rien à vendre. Vous pourrez toujours vous rabattre sur les rares cavistes le distribuant en France.
Un énorme merci à Guillaume pour le temps qu'il nous a consacré! Ce fut le coup de cœur unanime du long week-end bourguignon que mes camarades et moi avons passé. Nous avons eu à faire à un homme précis, franc, entier, généreux, accessible, plein de bon sens, qui sait les vins auxquels il souhaite aboutir et qui se donne les moyens pour y parvenir en surmontant les contraintes. Maxime sommelier dans un restaurant de renom à Dijon me disait « C’est un futur grand », je ne peux qu’acquiescer.
Edit : surface et année de chaptalisation.