La traditionnelle photo du clos qui cette fois sera à l'image de l'année, plutôt grise.
Sylvie Esmonin nous annoncera d'emblée que ce fut le millésime le plus difficile de sa carrière.
Il est même probable que son père n'en ait pas connu de tel.
Les aléas climatiques bien connus de tous se sont succédés mais il y a eu en plus sur la partie nord de Gevrey un orage très violent le 02 juin.
Elle a choisi de rester dans les limites autorisées pour les traitements en bio et a donc subi des pertes importantes liées au mildiou.
Par contre contrairement à 1968 qui était une année pourrie mais avec plein de volumes, le travail à la vigne ainsi que la relative clémence du mois de septembre ont permis de rentrer une vendange 2021 faible en volume mais avec des raisins rescapés de qualité.
Elle garde bon espoir pour réaliser des cuvées qualitatives mais bien évidemment avec un nombre très restreint de bouteilles disponibles.
Charles (Garfield) nous a rejoint.
Nous aurons l'occasion de partager nos impressions le temps d'une dégustation en espérant pouvoir un jour partager plus longuement autour de notre passion commune.
Il est temps de descendre d'un étage pour goûter au millésime précédent et vérifier si 2020 est le nouveau grand millésime annoncé.
La vigneronne nous prévient que la plupart des malos ne sont pas faites car elle laisse les choses se faire naturellement.
Une fois n'est pas coutume chez elle, nous dégusterons sur fût.
Charles: "Sur fût (pas évident de déguster, certaines malo n’étaient pas terminées, notes sommaires)"
Côte de Nuit village:
Charles: Nez boisé, grillé, un peu de fruits noirs, trait végétal. Assez bien
Sylvain: Ce sera la seule cuvée ayant terminée sa malo. On goute sur un fût neuf.
l'élevage est bien entendu perceptible mais les tannins ne me gênent pas. Ils ne sont pas hérissés et la bouche n'est pas astringente.
il y a déjà un beau volume, j'aime de plus en plus cette cuvée provenant essentiellement de Brochon et semblant bien aimer la dernière trilogie de millésimes chauds.
Gevrey-Chambertin:
C: Le nez est également boisé, avec plus de fruit rouge, pas de trait végétal, grosse acidité, finale astringente. Assez bien +
S: La malo n'est pas faite du tout. Un vin assez "primaire" avec beaucoup de fruits rouges. Plus de structure en bouche mais effectivement une fin de bouche qui sèche un peu.
Gevrey-Chambertin VV:
C: J’ai nettement préféré celui-ci ou les tanins sont plus souples, l’élevage mieux intégré, on sent que tout n’est pas en place mais le potentiel est la. Bien +
S: La malo est en partie réalisée, c'est probablement ça qui explique qu'il se goûte mieux que le précédent. Beaucoup de structure, un vin qui présente un potentiel intéressant. Comme tous les 2020, il possède également une robe très profonde. 2020 ne sera pas un millésime de mini jupes.
Clos St Jacques:
C: L’elevage est présent au nez mais pas en bouche ou on a une finesse de texture et une longueur + persistance impressionnantes, c’est pareil que les précédents, pas en place, mais très prometteur. Très bien / Très bien +
S: On se regarde tous et s'il fallait ne ressortir qu'une seule caractéristique, ce serait la longueur qui semble interminable.
Je ne crache jamais un CSJ et je profite d'une rétro déjà magnifique. On perçoit rarement des tannins aussi soyeux en élevage.
Le 2015 m'avait déjà fait cette impression sur fût puis en bouteille l'année suivante, donnant l'impression que des vins comme ça sont toujours très bons, le temps leur permettant simplement de gagner en complexité.
Sylvie nous dit que le 2015 doit probablement être fermé actuellement et qu'il est préférable de ne pas y toucher.
Gaétan lui dit qu'il a bu un autre 1er cru 2015 récemment et qu'il était excellent.
Nous passons maintenant aux millésimes précédents en bouteilles.
Gevrey VV 18:
C: le fruit est bien là (framboise notamment) avec une grosse matière, c’est large, finale poivrée et tanins un peu asséchants, l’élevage doit se fondre. Bien
S: De la cerise noire, un trait d'épices mais surtout un volume XXL. C'est puissant, presque trop à ce stade. Il va falloir attendre.
Gevrey VV 19:
C: robe plus sombre, nez sur les fruits rouges également mais l’élevage est bien moins perceptible étonnamment, j’ai beaucoup aimé ce vin avec une grosse densité et en même temps une qualité des tanins qui sont très fins, la rien n’accroche, finale un peu vanillée mais pas dérangeante. Très bien
S: Framboise, groseille, griottes, c'est frais, c'est gourmand. Des tannins soyeux pour un vin tout en élégance qui est déjà séducteur au possible. J'en ai pris un magnum et je regrette de ne pas en avoir une 75cl de plus pour se donner rendez-vous avant 10 ans.
Clos St Jacques 18:
C: je trouve qu’on retombe un peu dans ce que je reproche au millésime 2018, c’est très démonstratif mais dans le style Rhodanien quoi, trop d’épices et poivre à mon gout, le vin est très large d’épaule mais manque un peu de finesse a ce stade comparé au 2020 et a celui qui va suivre. Bien +
S: J'avais mis XXL pour le VV, là on passe au XXXL. Un vin avec beaucoup de corps, assurément un vin de garde. Les tannins restent enrobés laissant l'espoir d'une excellente cuvée mais avec du temps en cave. Je suis curieux de voir comment ce millésime évoluera mais nous avons déjà la certitude qu'il demandera de la patience.
Clos St Jacques 15:
C: ouvert au débotté car on discutait de ce millésime et de la gestion de la série de millésimes solaires de 2015 à 2020. Nez assez discret sur l’humus, petite note de framboise qui pointera le bout de son nez aussi. En bouche on voit qu’on est sur la structure des grands vins de Bourgogne, de par l’élégance, le toucher de bouche et l’allonge, même si l’aromatique est un peu en retrait du à l’ouverture immédiate, je pense que le soir ou le lendemain ce sera une autre affaire ! L’élevage commence à être bien intégré, ce vin a un énorme potentiel, heureux les possesseurs d’un tel nectar ! en l’état, très bien, mais à oublier impérativement en cave 5 ans de plus minimum je pense pour atteindre l’excellence.
S: Légère différence de point de vue avec Charles ou plutôt de point de nez car je trouve le vin déjà bien expressif dès l'ouverture.
Sinon je suis en accord avec ce qu'il a écrit.
Un début d'évolution permet un gain de complexité par rapport à mes souvenirs. La texture est absolument fabuleuse, j'adore ce grain de tannin qui donne à ce vin une structure qui me semble parfaite. Ce CSJ 15 entame sa montée qualitative exponentielle.
On a bien fait de venir
Je laisserai le mot de la fin à Charles:
Un grand merci à Sylvie Esmonin dont j’ai apprécié l’authenticité, la simplicité et la passion qui l’anime pour son métier. Elle n’hésite pas à aborder l’envers du décors, on a parlé de tout et rien avec elle, nourriture, enfants, méandres administratifs, et vin bien sûr, très simplement. Une vraie bouffée d’air frais dans un environnement local de plus en plus vicié, ou le particulier dérange (déjà acheter c’est un privilège, mais déguster vous n’y pensez pas…) , obligeant à faire une pause entre le yacht à Cannes et le chalet à Mégève. En terme de style de vinification, j’ai trouvé les boisés assez marqués, et une extraction probablement assez présente, garantissant une tenue dans le temps comme on a pu l’entre apercevoir sur le 2015 mais les rendant un peu difficiles en jeunesse, un style « classique » je dirais, moins en phase avec les pinots infusés qu’on rencontre de plus en plus.
Et puis merci également à Sylvain et sa bande (Gaëtan, Gérard et co) que je rencontrais pour la première fois après quelques échanges numériques, on ne soulignera jamais assez ce que LPV permet en termes de rencontres et échanges entre passionnés (ou tarés, c’est une question de point de vue). D’ailleurs on se faisait la réflexion que les compte-rendus de visites dans des domaines se font de plus en plus rares sur LPV alors que la saison des dégustations bat son plein, on compte sur vous !