Lors de mon dernier passage au domaine, j'ai eu la chance que M. Bardet soit présent pour la dégustation.
Avant de commencer, précisons que les dégustations avec M. Bardet sont extrêmement intéressantes, généralement abondantes et excellentes, avec parfois la surprise de très vieux millésimes.
Il n'y a pas un domaine où j'ai été reçu si longtemps qu'à mon premier passage ici il y a quelques années. Si vous arrivez l'après midi, n'espérez pas partir avant le soir : vous n'aurez aucune envie de partir d'ailleurs, et habillez-vous bien, car 2 ou 3 heures dans la cave à déguster, c'est froid si vous descendez en tenue d'été.
Le contexte est aussi somptueux. La demeure magnifique, le petit parc se voit de loin car c'est celui où pousse ce magnifique grand cèdre qui domine la commune de Meursault et qui nous sert de repère quand on se perd. Les caves sont tout aussi belles, et on est entouré de vignes avec une belle vue en direction des grands crus. Le tout est équipé par un ingénieur qui a poussé la précision technique pour sa vinification très loin, pourtant, la technique ici est à la fois toujours au service de la tradition, et respectueuse du lieu historique. Par exemple la cave utilisée pour l'élevage est climatisée par un système d'évaporation (à vue de nez en tout cas) qu'on aurait bien pu construire il y a trois cents ans et qui ne se voit pas car il est naturel et intégré dans le style de la cave voutée. Mais tout cela peut être ajusté au demi degré près, car M. Bardet surveille l'évolution de l'élevage avec soin et précision, en fonction de la courbe de densité du vin qu'il observe attentivement et qu'il ajuste pour qu'elle laisse toujours le temps au vin de se développer de manière optimale. Tout cela ne se voit guère, mais c'est un travail d'ingénieur passionné, et probablement un dispositif unique au monde par son équilibre entre technique, tradition et esthétique, qui joue certainement en faveur de la régularité remarquable du domaine.
Venons-en aux vins :
Meursault 2009 et Village 2009 :
Bien que le simple village soit très satisfaisant, tout à fait dans la lignée d'un Meursault (et à vrai dire en général épuisé très rapidement vu le rapport qualité/prix - 9€), la comparaison permet d'identifier l'effet "vieille vignes" car c'est l'âge des vignes qui les différencie surtout. Complexité au nez, texture en bouche apportent au Meursault une profondeur que l'autre n'a pas malgré son élégance fort plaisante.
Meursault 2007 :
Gourmandise séduisante associée à une opulence charmeuse. Belle longueur et intense rétro. Ce 2007 a aussi l'équilibre de la garde.
Perrières 2009 :
Nez assez semblable au Meursault de la même année mais plus serré séduisant et opulent. La bouche a plus de structure, un fruit plus dense, une plus grande longueur.
Perrières 2007 :
Il se distingue du précédent par une rétro sublime et concentrée. Plus mature d'une part, mais peut-être un millésime supérieur aussi (le débat est ouvert).
Clos des Perrières 2009 :
Nez de douceur avec coing, tilleul, pêche, framboise, mûre etc. (défilé de saveurs).
Bouche tout aussi savoureuse, orientée framboise, c'est à dire avec une belle acidité qui supporte discrètement la jolie texture fruitée et la porte à des hauteurs admirables.
Clos des Perrières 2008 :
Vin plus fermé que le précédent, sans doute par une structure plus forte. Une certaine amertume aussi. Si celle-ci se fond, il se peut que dans quelques années, ce vin soit encore supérieur au précédent car il a les qualités d'un Meursault de belle garde, mais à l'heure actuelle il est éclipsé sans aucun doute. A suivre donc.
Perrières 2006 :
Vin beaucoup plus évolué que les précédents. Il semblerait ici que 2006 évolue vite. Beaucoup de charme toujours, avec les arômes profonds, plus lourd du Meursault à maturité, équilibrés par un bouquet fleuri et aérien.
Clos des Perrières 2006 :
Le nez et beaucoup plus serré que sur le Perrières. C'est très beau, pourtant la bouche ne semble pas faite pour vieillir d'avantage. Ce vin serait-il a son apogée? En général le Clos des Perrières vieillit fort bien, donc je ne serais pas pessimiste, en même temps, il ne me semble pas nécessaire d'attendre plus pour profiter de ce vin spectaculaire qui fait un peu plus que son âge, tout en étant superbe et expressif, comme tous les grands 2006 de Meursault.
Clos des Perrières 2007 :
Celui-ci à en revanche les caractère d'un vin de garde. Le nez a déjà beaucoup de profondeur mais est bien moins évolué. La longueur en bouche est très solide, un vin qui a encore beaucoup de potentiel, bien que l'évolution soit déjà complexe en développant le secondaire.
Clos des Perrières 2005 :
Jeune en bouche avec encore du fruit de jeunesse (ce qu'on appelle "le fruit" chez les vignerons) le secondaire se développe mais doucement, la structure reste dominante comme celle d'un vin solide et jeune alors que le bouquet évolue vers la profondeur et la maturité. Cela fait un ensemble assez original, un peu exotique. L'intensité est remarquable. Je lui reproche pourtant une amertume, qui aura tout à fait disparu lorsque nous le regoûtons le lendemain. Je ne suis pas sûr que ce soit une grande année de garde. Il y a une solidité, mais en même temps une originalité qui m'empêche de trop extrapoler. Peut-être qu'on peut bientôt (d'ici un an ou deux) commencer à ouvrir ce millésime déjà beau, plutôt que de le destiner à la longue garde, affaire à suivre.
Clos des Perrières 2003 :
Celui que nous avons goûté ensuite était magnifique, il faisait travailler toutes les papilles dans une symphonie enchanteresse. Je n'ai pas marqué le millésime mais ça devait certainement être le 2003. Probablement le plus beau de la série; le 2003 ici ne souffre pas du tout de la surmaturation présente chez de nombreux domaines (l'élevage très court ayant remédié à cela).
Pommard Clos Blanc 2009 :
La charpente et l'équilibre d'un beau vin de garde.
Pommard Clos Blanc 2007 :
Grand plaisir gourmand, plus facile à apprécier que le précédent sur le moment, mais qui me convainc moins toutefois.
Pommard Clos Blanc 2006 :
Gourmand, il peut être apprécié dès maintenant ou conservé encore un peu.
Pommard Clos Blanc 2001 :
Un vin qui selon M. Bardet était fermé à double tour jusqu'à il y a peu. Aujourd'hui en effet c'est un très beau Pommard, très Pommard. Et ça bénéficiera d'attendre d'avantage.