Villa d'Este Wine Symposium
Édition 2016
Verticale Grands Échézeaux / La Tâche du domaine de la Romanée Conti
Romanée Saint Vivant, 2011
Belle robe brillante, sur un pourpre de jeunesse très profond.
Nez très jeune et assez marqué par la vendange entière, quand la rafle répond à des senteurs délicates de petits fruits rouges enrobés dans un élevage au boisé fumé très élégant.
Bouche nerveuse en attaque, sur une acidité qui propulse une matière assez délicate au joli velouté un peu bridé toutefois par une pointe amère à partir du milieu de bouche.
Finale longue et qui laisse une sensation de réserve de puissance sans charge tannique.
A attendre.
Échézeaux, 2010
Robe grenat assez claire.
Nez pointu et assez discret, sur un léger fumé qui s'ouvre lentement à l'aération sur un ensemble d'un classicisme très élégant quand les notes de fruits rouges (framboise, fraise des bois) répondent à un végétal mentholé sans une once de verdeur. Beaucoup de classe émane du verre !
Bouche d'une grande densité et énergie en attaque, sur une concentration naturelle évidente qui concilie un caractère élancé d'une grande capacité de relance à une densité de jeunesse qui signe une réserve de puissance et de potentiel certains.
Les goûts sont francs, compromis de notes bien mûres qui s'expriment sur le pamplemousse rose et d'un végétal mentholé très agréable.
L'acidité et les tanins se dissocient un peu sur la finale en créant un point de fermeté.
A attendre pour gagner en fondu mais le charme aromatique est déjà présent.
Très bien.
Grands Échézeaux, 2005
Robe grenat violacée assez profonde.
Nez sérieux, assez serré, où une petite réduction sur le poivre gris prend un peu le pas sur des senteurs de fruits noirs frais.
Bouche à l'attaque voluptueuse, sur un volume pulpeux d'une belle maturité parfaitement mobilisé par une acidité très agréable.
Le grumage en bouche libère une aromatique jusqu'ici assez en retrait, sur le coulis de fruits rouges, la grenade et des goûts mentholés.
La présence et l'impact tactile sur le palais comme l'impression de puissance maitrisée signent le grand millésime et lance une finale d'une grande persistance mais qui doit gagner encore en complexité et en ampleur aromatique.
La qualité des tannins est en revanche superlative !
Très beau potentiel.
La Tâche, 2005
Superbe robe, à la fois riche et profonde à cœur mais sans noirceur et éclaircie sur l'extérieur du disque.
Nez plus dense et plus précis que sur le Grands Échézeaux, plus intériorisé aussi mais d'une grande netteté. Alors qu'il présente assez peu de fruit, il laisse une curieuse impression de sécurité, comme si tout était là mais tapi et attendant de se libérer.
L'attaque en bouche est d'une immédiate ampleur veloutée qui tapisse le palais sans le fatiguer. Le milieu de bouche se resserre ensuite autour d'une présence tannique certaine dans un ensemble puissant illustrant parfaitement l'expression du gant de fer dans une main de velours. L'intégration de l'acidité est idéale, apportant une fraîcheur et une mobilité parfaite à cette structure puissante d'une texture et présence magnifiques.
Ne lui manque là encore que plus d'expression et de complexité aromatique pour apporter un plaisir immédiatement plus gourmand et moins intellectuel.
Un vin superbe de présence et de trame mais qui doit être attendu pour détendre sa concentration naturelle et gagner en évidence.
Un futur monument. Mais il va falloir être patient...
Grands Échézeaux, 1990
Robe sur un tuilé éclairci à l'extérieur du disque mais profonde à cœur.
Nez très agréable, sur un léger torréfié d'évolution, sur le cèpe séché, la cendre froide et de superbes notes de menthe fraiche et de groseille qui apportent une sensation de fraicheur.
Bouche délicieusement fraiche, d'un naturel d'expression remarquable, sur une acidité pointue qui lance une matière fine et soyeuse.
Les goûts sont brillants de complexité, sur un ensemble où la rose répond au tabac et des notes de thé à la menthe dans un ensemble remarquable de fraîcheur et de franchise.
Finale plus verticale, avec un petit retour tannique, toujours sur ces goûts fruités et mentholés qui se prolongent longuement.
Délicieux !
La Tâche, 1990
Robe aux atours similaires au Grands Échézeaux mais un petit peu plus sombre.
Nez complexe mais qu'il faut aller chercher, sur de délicates notes de pot pourri qui répondent à un léger végétal (menthe poivrée, foin séché) et des senteurs torréfiées.
L'attaque en bouche est monumentale, d'une pulpe géniale et dont la douceur affiche une maturité remarquablement contenue par une acidité désaltérante. Whaaaaaaou !
Le vin concilie idéalement douceur et fraicheur dans un ensemble à la fois puissant et frais, sur des goûts délicieusement épicés.
La fin de bouche est en revanche marquée par un retour tannique important, comme si le vin se resserrait telle une poigne et qu'il vous signalait qu'il lui faut encore du temps pour se libérer totalement et polir ses derniers angles.
Superbe !
Pour avoir discuté de la dégustation le lendemain matin au petit déjeuner avec Aubert de Villaine, il semblait partager la perception tannique sur certains vins et l'imputait à la météo et aux basses pressions qui régnaient sur Cernobbio ce samedi soir.
Grands Échézeaux, 1981
Robe évoluée et un peu inquiétante, sur un marron trouble souvent signe de fatigue.
Nez plus rassurant de complexité, au beau bouquet tertiaire où des notes chaudes (cabosse) répondent à des senteurs de feuilles mortes et d'herbes séchées avec une présence de fruits rouges encore notable.
La bouche est magnifique de délicatesse, sur une attaque qui concilie un côté nerveux apporté par une acidité pointue et une suavité certaine qui pose un ensemble d'une grande énergie et finesse.
Si le milieu de bouche ne possède pas la capacité de relance du 1990, sur un côté fin, presque frêle avec une toute petite sécheresse tannique, le vin ne vire pourtant pas au fragile et propose une vraie tenue et allonge, notamment dans ses goûts très complexes qui étirent longtemps leur complexité, sur les fruits rouges et des notes de tabac et fleurs séchées.
Peut-être pas le plus grand vin en soi mais une expression sans faiblesse et toute en délicatesse qui me sied totalement.
Délicieux.
La Tâche, 1981
Robe évoluée, sur un tuilé net et quasi diaphane sur l'extérieur du disque.
Nez au bouquet très intéressant et complexe, qui s'ouvre sur des notes de moka au repos dans le verre pour libérer puissamment à l'aération, comme si les senteurs jaillissaient du verre, des arômes où le fruit (grenade) répond aux notes mentholées, presque sur la menthe poivrée. L'ensemble produit est d'une grande précision et possède un cachet remarquable !
Bouche magnifique, construite sur un équilibre fin comme le Grands Échézeaux mais avec un surcroit de concentration et de réserve de puissance qui apporte au vin un déroulé délicieux. Le côté tactile est remarquable de précision, quand l'acidité pointue se love dans une matière soyeuse et suave, avec une immédiate impression de fraîcheur mentholée.
Le vin se relance encore par la présence de tanins qui lui donnent trame et tenue et font saliver et qui propulsent cet ensemble traçant, au volume presque éthéré et pourtant dont la persistance refuse de s'éteindre.
Finale magnifique de profondeur pour un vin impressionnant de précision dans une grande économie de moyens.
Un vin d'un charme fou !
Grands Échézeaux, 1971
Robe rubis orangée, d'une grande netteté et brillance.
Nez pur, assez délicat mais dont le fruit s'exprime avant les notes tertiaires, sur des sensations de sucre cuit, de compotier de fruits rouges, de notes mentholées qui dominent les odeurs plus évoluées, sur l'humus et la terre fraiche. Me revient immédiatement en mémoire
la monumentale Romanée Conti de l'an passé
.
Bouche à l'attaque délicieuse, sur une petite sucrosité douce assez irrésistible parfaitement équilibrée par une acidité idéale et qui lui apporte tonus et fraîcheur.
Le vin déroule un toucher moelleux et franc d'une volupté certaine, sur une structure là encore d'une délicatesse apparente mais dont la profondeur se prolonge très longuement.
Les goûts en pleine phase avec les senteurs du nez sont un délice, compromis de notes florales et mentholées et d'une complexité tertiaire, sur le tabac blond qui n'épuise pas le fruit.
Seule petite réserve à ce tableau brillant, le retour d'une petite amertume sur la finale qui comme brutalise ce qui s'avérait jusqu'ici une vraie étole de soie. Mais quelque chose me dit qu'il suffirait d'une viande bien apprêtée pour littéralement se pâmer...
Magnifique vin !
La Tâche, 1971
Robe quasi identique au Grands Échézeaux 1971, avec un tout petit peu plus de richesse et de concentration au cœur.
Nez un peu terne, surtout marqué par des notes poussiéreuses.
Bouche fatiguée, sur une acidité stricte qui dévore le vin et assèche le palais.
Les goûts poussiéreux ne sont pas vraiment liégeux mais laissent à craindre un défaut de bouteille.
ED ?
Grands Échézeaux, 1964
Robe brique, sur un orangé translucide sur le disque.
Nez très tertiaire, trop à mon goût où ne transparait que de puissantes notes de champignon de Paris, sans plus aucun fruit.
Bouche à l'attaque douce, au toucher moelleux très agréable et sur une sensation d'acidité assez basse par rapport aux vins précédents et qui fait que le vin semble un peu statique, comme manquer d'assise et de structure.
L'aromatique reste monopolisée par la sensation de croquer dans un champignon de Paris, manquant donc vraiment de netteté et de complexité.
Finale difficile à lire, un peu fuyante et qui s'effondre assez vite.
Sûrement un peu tard pour cette bouteille.
La Tâche, 1964
Robe sur un orangé tuilé très clair.
Nez assez peu avenant, sur des notes un peu fatiguées, entre le caramel au lait, la sauce soja, le bouillon de bœuf, manquant de fraîcheur.
Bouche riche en attaque mais comme un peu forcée, manquant de tenue et d'équilibre, avec une acidité dissociée et des tanins fermes qui créent un effet de sécheresse certain.
L'ensemble manque de cohérence et ses goûts totalement tertiaires me semblent signer une bouteille dont les belles heures sont derrière elles.
Finale brouillonne et asséchante.
Pas de plaisir possible.
Je tire encore une fois comme bilan personnel de cette dégustation combien la garde apporte comme une fusion des éléments d'un vin qu'on ne peut percevoir qu'en mettant les bouteilles en séquence verticale.
Alors que la dégustation seule des bouteilles de moins de 10/15 ans apportent un plaisir indéniable, la marche arrière une fois les vins de plus de 20 ans goûtés n'apporte plus du tout la même lecture, mettant en exergue les saillances des éléments techniques, notamment de l'élevage alors que je ne les percevais pas comme dérangeant lors du premier passage.
Autre élément assez parlant : le marqueur de la vendange entière qui apporte une grande complexité aromatique et comme une fraicheur de structure stylistique assez géniale quand tous les éléments se fondent.
Un grand moment. Un de plus...
Crédit photos
Giulio Ziletti