Il s’agit donc du premier acte de notre virée en Bourgogne présentée
ICI
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Nous sommes accueillis par Catherine Buisson mais Patrick Essa, en prise avec deux dégustateurs à la cave, ne tarde pas à nous rejoindre. Louis, le fils qui est de retour au domaine depuis peu, restera également avec nous une partie de la dégustation.
Le maître des lieux nous a donné un grand nombre d’informations techniques sur le travail de ses vignes et sur ses choix de vinification, a répondu avec amabilité et précision à nos nombreuses questions, mais ce sont surtout ses objectifs et sa philosophie qu’il a voulu expliquer.
Je reprends ici ce qui est l’aboutissement d’un long processus en plusieurs étapes, chacune étant source d’erreurs : Patrick Essa a dit A et j’ai compris A’ ; j’ai compris A’ mais pris des notes succinctes A’’ ; j’ai noté A’’ mais j’écris tellement mal que j’ai du mal à me relire
et trois jours après je relis A’’’ ; et si je lis A’’’, je dois le traduire en bon français A’’’’, ce qui peut expliquer des écarts entre A et A’’’’ …
Mais je compte sur Patrick pour corriger ce qui est trop éloigné de ce qu’il a dit.
Le domaine exploite 6.5 ha en propre (4ha sur Meursault), les vignes lui appartenant à 90%. Il vinifie et élève la valeur de 2 ha en achats de moûts ou de raisins. Catherine Buisson et Patrick Essa ont plusieurs fois refusé d’augmenter cette surface afin de rester à taille humaine. Seule une petite partie de négoce leur ont permis d’élargir leur gamme, mais toujours en recherchant des terroirs de grande qualité pour produire des vins haut de gamme. 26 cuvées différentes sont donc vinifiées au total au domaine.
Un objectif recherché est la concentration dans les vins, obtenue notamment par de faibles rendements de récolte, eux-mêmes favorisés par une forte densité de plantation (11300 pieds / ha sauf exceptions signalées plus bas, encore à la hausse). Cela permet de maintenir plus longtemps des lies fines dans le vin, elles-mêmes entraînant l’amélioration de la rondeur et des arômes du vin, et limitant le risque d’oxydation.
Un autre objectif est d’avoir une gamme homogène avec chaque cuvée qui soit le reflet de son terroir : les vinifications sont donc les mêmes quelle que soit la cuvée.
Les blancs sont élevés 12 mois en fûts (environ 15 % de fûts neufs, le reste en fûts de un à quatre vins) puis 5 mois en cuves.
Les rouges sont élevés un peu plus longtemps en fûts, environ 15 mois.
Les fûts sont utilisés, dans la vision de Patrick Essa, pour une micro-oxygénation du vin plus que pour lui donner des arômes boisés. C’est pourquoi il demande des chauffes moyennes et lentes à ses tonneliers, adaptées en fonction du tonnelier et du type de cuvée visée.
En termes de clarification, le collage est évité quasiment systématiquement et la filtration est réalisée a minima. Si elle est réalisée, c’est surtout pour améliorer la précision des arômes. Une façon de l’éviter est de réaliser des élevages longs, 16 mois ou plus.
Quelques mots sur les derniers millésimes ?
En 2018 les rendements ont été maîtrisés (< 40 hl/ha pour les rouges), ainsi que les degrés alcooliques (13° en moyenne).
2019 est plus compliqué avec des rendements inférieurs d’un tiers (29 hl/ha en moyenne sur les blancs !) en raison du gel de début avril et de grains de raisin de faible taille, mais le résultat en qualité est très prometteur, en blanc comme en rouge.
J’invite le lecteur curieux à aller sur
le site du domaine
pour avoir de plus amples précisions, notamment pour ce millésime 2019.
Nous démarrons donc la dégustation avec les blancs 2018, prélevés sur cuves. Il s’agit naturellement de vins non finis et il conviendra de les goûter après mise en bouteilles voir après quelques années de garde pour se faire une meilleure idée du potentiel de chaque vin.
Bourgogne-Aligoté - 2018
Une densité de plantation exceptionnelle sur les nouvelles parcelles (17 000 pieds / ha) et le même soin apporté à la vigne en cave en font un aligoté extraordinaire au sens propre. Patrick adore travailler sur cette parcelle car il a une superbe vue sur tout le coteau de Meursault.
C’est le fruité intense et la concentration du vin qui m’ont marqué. En termes d’aromatique (poire) autant qu’en structure de bouche, on a l’impression d’avoir un chardonnay dans le verre. Je lui ai seulement reproché un soupçon de manque de fraîcheur, que je n’ai pas retrouvé sur les autres vins de la gamme alors qu’on aurait pu s’attendre à l’inverse mais c’était le premier vin dégusté !
Bien +(+)
Bourgogne-Chardonnay - 2018
Pour la première fois cette cuvée est issue de vignes uniquement sous Meursault car celles de Puligny qui leur étaient associées ont été vendues, car jugées pas assez qualitatives. La densité de plantation est de 16 000 pieds / ha pour les nouvelles parcelles. Le rendement est de 42 hl/ha, soit à peine plus que pour des Meursault villages voire premier crus d’une bonne année.
Comparé à l’aligoté, le vin gagne en intensité et en complexité avec l’apparition d’arômes grillés et d’une tension proche d’une certaine minéralité.
Bien ++ / Très Bien
Meursault – Vieilles Vignes – 2018
Je note pas mal de grillé au nez qui me fait penser à un élevage plus poussé mais Patrick me dit qu’exceptionnellement il n’y a pas de fûts neufs sur cette cuvée cette année et qu’il s’agit de réduction.
En bouche la matière bien mûre est parfaitement contrebalancée par une belle acidité.
On est clairement monté d’un cran.
Très Bien +
Meursault – Les Tessons – 2018
Il s’agit sans doute du meilleur lieu-dit non classé en Premier Cru.
Le nez intense fait preuve d’une belle complexité avec des agrumes, de la poire et d’élégantes notes florales.
En bouche, ce sont la finesse et l’allonge qui sont remarquables.
Encore un saut qualitatif !
Très Bien ++
Meursault – Vigne de 1945 – 2018
Il s’agit d’une parcelle située sous Les Charmes, dont la production a été isolée des Vieilles Vignes car c'est une très très vieille vigne.
Le nez superbe annonce un jus de grande qualité. Celui-ci se signale en bouche par une belle minéralité, jusque dans la longue finale saline.
Très Bien ++
Meursault Premier Cru – Les Charmes – 2018
Le nez explosif, toujours sur la poire, fait apparaître un boisé sensible. On le retrouve en bouche mais fondu dans une matière irréprochable bien tendue par une bonne vivacité.
Un vin qui m’a paru moins prêt, et c’est bien normal pour un Premier Cru, mais prometteur.
Très Bien +(+)
Meursault Premier Cru – Bouches Chères – 2018
Le nez est moins intense mais très élégant, sur des arômes floraux tout en finesse et un beau fond fruité.
La bouche est à l’avenant, d’un profil droit et aérien, avec une finale très dynamique et saline.
Très Bien ++
Meursault Premier Cru – Les Cras – 2018
Le nez est également d’une grande finesse, sur un fruité étincelant.
La bouche allie une matière riche et concentrée à une superbe minéralité, avec de beaux et fins amers en finale.
Très Bien ++ / Excellent
Meursault Premier Cru – Goutte d’Or – 2018
Le nez puissant s’exprime sur une aromatique complexe et étonnante par ses notes épicées et crayeuses.
La bouche est serrée, racée, presque tannique, dotée d’une grande finale saline.
Très Bien ++ / Excellent en pensant à son avenir radieux mais certainement moins plaisant jeune (dans trois à cinq ans) que Les Cras.
Nous descendons dans les caves pour déguster les rouges encore sur fûts.
Une des quatre petites caves communicantes
Bourgogne-Pinot noir – 2018
Un vin vinifié avec environ 30 % de vendange entière et 30 % de fûts neufs.
Une aromatique très gourmande, une belle structure, des petits tanins vigoureux et une belle acidité : on a affaire à un Bourgogne du niveau d’un Village.
Bien ++ / Très Bien
Volnay Premier Cru – Santenots – 2018
On retrouve ces même belles caractéristiques, mais chacune étant exacerbée : fruité pur, concentration, tanins structurants, grande fraîcheur.
J’ai beaucoup aimé !
Très Bien ++
Corton – Clos du Roy – 2018
Un nez et une bouche très serrés, voire comprimés, mais avec des tanins bien arrondis.
Très Bien + à ce stade mais un vin qui devrait bien s’ouvrir en se libérant de sa gangue puis aller loin.
Et pour finir, un autre Grand Cru nouvellement arrivé dans la gamme, sur 2019 :
La Chapelle Chambertin – 2018
Le nez puissant livre un fruité énorme, habillé d’un élevage classieux.
La bouche allie avec bonheur puissance et finesse, et sa persistance est exceptionnelle.
Excellent
En guise de (belle) conclusion, Patrick nous annonce que son fils Louis reprend la direction du domaine dès la vinification du millésime 2019. Il a bien l’intention de le laisser libre de ses choix, comme lui-même a eu une grande liberté venant de son beau-père, qu’il a d’ailleurs plusieurs fois remercié car lui ayant apporté une base de travail, ses différentes parcelles, formidable. En effet chaque génération a quelque chose à apporter et il faut faire confiance aux jeunes. Une belle philosophie !
Un grand merci à Patrick, Catherine et Louis Essa pour leur accueil très sympathique, la richesse et la sincérité de leurs propos comme de leurs vins.
Jean-Loup