[size=x-large]LPV75 à la découverte du domaine Jérôme Galeyrand pour Claudius[/size]
Claudius ayant réclamé ici quelques fois des avis sur le domaine (il doit faire pas loin de la moitié des posts
), mes camarades parisiens et moi nous sommes décidés à aller voir sur place pour essayer de mieux connaître ce domaine peu commenté ici.
Une virée sans un retard de ma part n’aurait pas été une virée comme les autres. Je m’en excuse de nouveau auprès de Jérôme. Il faut dire que : RDV 10h45 à Gevrey en partant de Paris à 7h45 avec bouchon et un crochet obligatoire en banlieue, c’était ambitieux. 4 heures plus tard, nous arrivons avec nos plus plates excuses sur le lieu où Jérôme élève ses vins. Une petite maison au fond d’une cour avec une cave enterrée. Je savais déjà où se trouve le lieu de résidence de Jérôme
«- La logistique n’est-elle pas trop contraignante avec cette cave ailleurs qu’au domaine ?
- Un peu, et encore la cuverie se trouve à un 3ème endroit. Et les vignes du domaine s’étendent de Marsannay jusqu’à Comblanchien, une vingtaine de kilomètres d’ici. Avec le tracteur qui roule approximativement à 20-25 km/h, je mets une heure. Cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour autre chose. Je suis néanmoins régulièrement à Paris. En dehors de cela je fais un salon pro avec mon agent mi-Avril en Loire (sa région natale) et bientôt la Paulée de Berne. »
[size=x-large]Le millésime 2014[/size]
Heureusement mes camarades Podyak et Nol étaient à l’heure et ont pu déguster les 2014 sur fûts. Ce sera un bon prétexte pour qu’ils viennent poster leurs impressions ici. Mais comme je ne balance pas les copains, ça ne va peut-être pas leur mettre la pression… comment ça je l’ai déjà fait
?
« - 2014 semble avoir été plus généreux en terme de volume. En avez-vous bénéficié ?
- Le domaine peut faire 110 pièces potentielles. En 2014, nous en faisons 104. Donc oui. »
[size=x-large]Un jeune domaine[/size]
« - Vous n’êtes pas de la région comment en êtes-vous arrivés à faire du vin ?
- Lorsque je suis arrivé en Bourgogne en 1994, je n’avais jamais bu de vin de la région. Je ne connaissais ni le Pinot Noir ni le Chardonnay. Je suis venu pour des raisons professionnelles. J’ai été muté en remplacement d’une personne
En 1996, j’ai l’opportunité de travailler avec Alain Burguet. Il faisait partie des « Mousquetaires » qui faisaient changer les lignes de la production bourguignonne. A la fin de chaque journée de travail, c’était travaux pratiques. Nous descendions en cave pour goûter et tenter d’identifier les vins. En 2 mois je me suis surpris capable de reconnaître un vin.
De 2000 à 2001, je travaille à la vinification chez Roblet
En 2002, chez Vincent Géantet en même temps que je m’installe. »
«- Quelle est la répartition de vos ventes ?
- 50% export avec un peu de marché américain et 50% en France. 20% de clientèle privée et 30% de grossistes. »
[size=x-large]Les travaux dans les vignes et la vinification[/size]
«- Quelles sont vos pratiques culturales ?
- Nous travaillons en bio dans les vignes depuis 2010. Nous demanderons peut-être la certification un jour.
- De la bio D ?
- Nous faisons un essai ce printemps. »
L’égrappage s’effectue à hauteur de 50 à 70% pour conserver le complément en vendange entière.
[size=x-large]De l’opportunité de croître[/size]
«- Avec la crise de volume et les difficultés que peuvent subir certains domaines, n’y a-t-il pas des occasions d’étendre la superficie depuis un ou deux ans ?
- Il y a 10 ans, les vignerons avaient le choix des parcelles. Aujourd’hui nous n’avons plus ce choix. Ma dernière acquisition de Gevrey Chambertin remonte à plus de 2 ans. Aujourd’hui nous serions contents de pouvoir avoir même une Côte de Nuits tant le prix du foncier a explosé et a rendu inaccessible les terres. Dans les zones de grêles en revanche, cela tend à baisser. Cela intéresse moins de gens.
- Il semble que l’action des canons anti-grêle soit étendu à la Côte de Nuits. Cela devrait tempérer l’impact.
- Nous allons voir avec la mise en place des filets. Les discussions avec l’INAO sont longues. Cela ne crée-t-il pas un microclimat par exmple? En parlant de grêle, 2004 fut catastrophique. Il a grêlé 3 fois et dans tous les sens. Les rebonds et les tourbillons faisaient remonter les morceaux de grêle verticalement. Je n’avais jamais vu cela.»
[size=x-large]Le millésime 2013 en bouteille[/size]
La mise a commencé en décembre après 1 an de fûts. Ces derniers sont renouvelés à hauteur de 20% tous les ans. « Je travaille avec Meyrieux et je teste un autrichien, Stockinger. Ils ne marquent pas. »
Nous goûtons un
Bourgogne rouge 2013
De l’acidité, un peu d’épaisseur et d’âpreté. Du fruit et une belle vivacité.
AB
Jérôme évoque alors rapidement l’historique des millésimes et de ses volumes :
2002 : fut beau
2003 : j’ai été obligé de faire de la vendange en vert. Demi-récolte donc.
2004 : sur 1 ha, j’ai fait à peine 15 pièces.
2005 : année normale
2006 : petite grêle
2007 : millésime précoce
2008 : une vraie récolte
2009 et 2010 : deux belles années
2011 à 2013 : c’était plutôt la catastrophe
2014 : une année OK. Un rendement de 45hl
« Lorsque l’on vous demande de faire un business plan et l’une des hypothèse forte est un rendement à 45hl, vous comprendrez qu’on est un peu éloigné de la réalité. »
Côte De Nuits Vieilles Vignes
Des fruits, une légère verdeur qui donne de l’accroche. Il y a jusqu’à 50% de rafle. A attendre.
AB-
Fixin Champs des Charmes
Des petites baies, de la groseille, du cassis, de la framboise et un peu de violette. C’est plaisant. La proportion de rafle est inférieure à 20%.
AB+
Gevrey Chambertin Justice
C’est le déjà bon Fixin en mieux. Le sol est plus profond. Le vin est ouvert au nez. Il a un teint éclatant. Il y a de la tendresse en bouche. La proportion de rafle est également inférieure à 20%.
Bien
- Qu’avez-vous appris en plus de 10 ans à la tête de votre domaine ?
- Dans la cuverie, au début, on est assez interventionniste ; maintenant je laisse faire davantage. Il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas non plus lorsque l’on commence. Je ne savais pas décuver, maintenant oui. Je ne savais pas vendanger, maintenant oui.
- Un de vos confrères nous racontait ses contraintes avec les vendangeurs.
- Il faut s’y prendre tôt. Pour avoir une vingtaine de vendangeurs, je m’y prends le 15 Août pour le 15 Septembre. C’est assez pratique ici. Il y a un bus qui provient de Dijon. Il n’est donc pas nécessaire de loger les vendangeurs. Et une journée commence tôt. 6h30 au domaine pour un début à 7h00 après un petit déjeuner. Une collation à 9h00 et une autre à 11h30. Et à 13h00, c’est terminé. Cela laisse l’après-midi de libre aux gens. C’est assez appréciable. Je m’y prends également à l’avance pour les papiers. Les saisonniers sont convoqués 1 semaine avant pour faire l’ensemble des tâches administratives.
- Comment les recrutez-vous ?
- Il y avait Pôle emploi. J’ai arrêté, cela ne correspondait pas en terme de présence ou de motivation. Je passe une annonce sur le bon coin. C’est un média fantastique. Il me manque des gens à la dernière minute, je passe une annonce et c’est fait dans la demi-journée. Et qui plus est, la population est jeune, efficace et motivée. J’ai toujours un peu d’appréhension à cette période. Non pas que je ne vais pas trouver de main d’œuvre, c’est plutôt l’organisation qui est prenante. »
Gevrey Chambertin En Billard
Comparativement plus floral, un peu plus tanique. Il y a une acidité en pointillé qui revient par vaguelettes tenir le vin en hauteur. C’est frais et un peu minéral, caillouteux. Moins immédiat que son prédécesseur, les années devraient lui faire du bien.
Bien- en l’état. Mes camarades l’ont préféré.
«- Pour continuer sur les vendanges, comment organisez-vous le transport des raisins?
- Par caisses de 30kg. J’affecte 3-4 porteurs en général. »
Gevrey Chambertin Vieilles Vignes les Croisettes
De la verdeur, quelques épices et un côté pierreux, tous sans excès,
NDLR : cf. le CR Dugat et mon appétence changeante sur la rafle et l’égrappage . De la consistance digne d’une classe supérieure. Le nez et la bouche manifestent un peu de rose. Pas encore en place et bien loin de l’apogée qu’on peut lui imaginer.
Bien
« En 2012, la moitié de ma parcelle de Marsannay a été dévastée par les Sangliers. Figurez-vous que les animaux préfèrent les fruits bio aux non bio. J’ai campé dans mes vignes. J’ai voulu installer des clôtures électriques, on m’en a empêché. J’ai appelé les chasseurs pour qu’ils viennent. Ils n’ont pas bougé. J’ai appelé la préfecture et j’ai donné une interview à un journal local pour exposer le problème. Je me suis mis les chasseurs à dos. Les choses ont commencé à bouger. Le préfet a dépêché un lieutenant de louveterie et a ordonné des tirs. J’avais une personne qui surveillait les parcelles en pleine nuit avec pour seul éclairage les feux de sa voiture. Une fois que les sangliers ne venaient plus, ce sont les blaireaux qui se sont attaqués aux vignes. Ils n’avaient plus la menace des sangliers…
- Et les assurances ?
- Les assurances dédommagent au prix du vrac. C’est bien moins que le prix de revient d’une bouteille. Vous comprendrez ma motivation. Maintenant lorsque j’appelle les chasseurs, ils viennent.»
Au final, une gamme homogène dans un millésime où les vignerons goûtés semblent être parvenus à imprimer leur marque. J’y ai perçu un lien de parenté avec les vins des fils Burguet bus en Novembre même si les tanins paraissent un peu plus polis ici et le fruit plus franc. Les prix me paraissent adéquats.
Un grand merci à Jérôme pour son temps, ses histoires, ses anecdotes et sa disponibilité. Il s’est organisé pour que l’on repasse le soir et prenne des flacons. Un vigneron avec qui il est passionnant de converser. Une de ces rencontres qui fait l’intérêt du vin. Je serais curieux de voir ce que Jérôme serait capable de faire avec des premiers crus ou grands crus. Mon petit doigt me dit que cela ne devrait pas être trop mal.