[size=x-large]Le millésime 2014 au domaine Hubert et LaurentLignier[/size]
S'il y a bien un domaine qui a attiré notre attention l'année dernière avec le millésime 2013 c'est celui d'Hubert et Laurent Lignier. Nous avions tous hâte de connaître l'évolution avec l'itération 2014.
Rappelez-vous notre visite il y a quelques posts, nous indiquions que le fondateur du domaine n'était jamais loin. Nous avons eu l'immense plaisir de converser de courtes minutes avec lui.
D'autres vignerons nous ont dit qu'Hubert Lignier est l'un des derniers avec Gérard Mugneret à être encore dans les champs. A l'invitation de Laurent à nous accompagner pour la dégustation, il s'efface avec grande modestie et laisse place à son fils et aux vins. "Oh non vous savez, j'ai quelques réparations à terminer." Des légendes, on vous dit qu'il en existe encore en Bourgogne.
Nous entrons dans le bâtiment gauche abritant la cuverie. Nous nous y attardons un moment avant de descendre. Les cylindres sont nombreux et de tailles variées.
- Nous avons des cuves de 10hl ou 15hl. Elles servent pour les petites parcelles. Les Baudes par exemple ou le Pommard « En Brescul », acquis en 2013 avec 6 amis en GFV. La surface pour ce dernier est de 40 ares.
- Quels sont vos rendements?
- Cela dépend des vignes. 20 hl sur le Morey Vieilles Vignes jusqu'à 40 sur le village où la taille est en cordon.
- Nous croyons apercevoir une cuve de rosé.
- Nous faisons un Bourgogne rosé depuis 2012. C’est une discussion avec Thierry Broin qui m’a décidé à récupérer les raisins de tri. Il fallait trouver un nom. Nous l’avons appelé la cuvée du grand cèdre. C’est essentiellement un rosé de presse. Il y a eu une petite saignée en 2015.
[size=x-large]Parlez-nous du millésime 2014[/size]
- 2014 se laisse approcher chez beaucoup.
- Nous avons eu de bonnes conditions et une année un peu au-dessus de la moyenne en volume. Nous avons débuté les vendanges le 17 Septembre avec Chambolle Musigny les Bussières.
- N’est-ce pas un climat de Morey?
- Si, il existe sur les 2 villages. La pression Suzuki fut forte et particulièrement sur les Bussières, en raison des arbres environnant. Nous avons du enlever 180 kilos de raisins fruitiers. Et la seule solution pour s’assurer qu’il n’y ait plus risque fut de brûler l’ensemble. En 2015, nous avons fait installer des pièges à moucherons, notamment autour du Clos la Roche. Le vendeur de matériel agricole m’avait dit « Tu verras, c’est efficace et indispensable. » Bien entendu, nous n’en pas eu besoin
2014 est encore au 3/4-4/5 en fûts. Seuls les appellations régionales, les Pommards et la Justice sont déjà en bouteille.
Morey Saint Denis, Trilogie
- Les malo ont été les plus tardives.
- Comment cela se fait-il? La cave est peut-être un plus froide dans cette partie?
- Oui, il passe de l’eau en dessous. Nous avons d’ailleurs du concéder une dizaine de centimètres de profondeur en moins lors de la construction. Nous ne souhaitions pas risquer d'avoir les pieds dans l'eau.
- Vous nous l’aviez évoqué l’année dernière, vous avez actualisé le nom.
- Oui puisqu’il s’agit de l’assemblage de Chenevery à 60%, Clos Solon à 15% et de très vieilles vignes sur les Porroux à 25%.
C’est frais, léger, fluide, sur des notes de cassis. La finesse est fort appréciable. C’est friand et l’ensemble possède une digeste verticalité. Je ne retrouve pas la finale sur le bout des papilles perçue sur 2013. Le vin est de fort bonne facture néanmoins.
B+ voire
TB-
Gevrey Chambertin les Sevrées Vieilles Vignes
"Nous avons un peu plus d'un hectare."
La bouche est nette, légère, gouleyante avec une fin acidulée. Comparativement à 2013 ,les épices sont moins présentes. Le niveau d'appréciation se rapproche du Morey sur 2014.
B+
Pommard
- Nous n'avons pas évoqué le CO2 jusqu'à présent. Le regardez-vous? Quels sont en général vos niveaux?
- En ce moment sur le Pommard il est à 1000. Nous le calons habituellement à 700 pour terminer à 650. Cela nécessitera un nouveau soutirage. Nous le ferons avec une lune descendante.
- Appliquez-vous d'autres principes de Bio Dynamie?
- Seulement ce qui nous semble approprié
. Dans le cas du soutirage, j'ai constaté que le vin était moins trouble pendant la période citée.
Un vin frais, plus vertical que ses prédécesseurs. La finale est également acidulée.
B+
- le Pommard a été acquis via un GFA.
- Vous avez eu d'autres croissances de ce genre il me semble.
- Nuits-Saint-Georges les Poisets est une nouvelle parcelle. A 800 mètres au Sud de Nuits-Saint-George, au pied des « Cailles ». Nous l’avons achetée avec des amis également via un GFV en 2010. Et Très Girard est issu d'achats. Fin 2013 nous avons repris toutes les vignes issues de la division.
Chambolle Musigny les Bussières
Laurent prélève sur les tonneaux et procède à l'assemblage. "Nous arrivons à 20% de fûts neufs. C'est une parcelle au Nord du village, près de Morey-Saint-Denis."
Le nez présente un beau volume. Le fruité se mets également bien en évidence au palais. L'acidulé débute dès le temps du milieu. C'est salivant, sur la groseille. Et la matière montre une pâtine arrondie, souple et serrée.
TB
[size=x-large]La reprise des vignes[/size]
- Vous évoquiez avoir récupéré des vignes. Pouvez-vous nous l'expliquer? Je pensais qu'elles ne vous appartenaient plus.
- Vous connaissez un peu le contexte?
Nous répondons à Laurent en tâchant ne pas ressasser un moment qui n'a pu qu'être difficile:
- Oui, un peu. Et nous avons cru comprendre qu'elle est repartie.
- J'en ai lu des choses fausses(...), soupire Laurent sans s'apesantir sur les textes en question. Et il reprend: Mon père louait les terres à mon frère. La location a pris fin en Octobre 2013. Nous avons donc pu tout reprendre, à l'exception des hectares acquis en propre par Romain.
- C'est plutôt une bonne chose pour vous.
- Oui.
Nous avons cru entendre un certain soulagement, comme la conclusion d'un épisode compliqué à vivre.
Chambolle Musigny 1er cru les Baudes
- Les vignes sont situées entre les Sentiers et Bonnes Mares. Le vin est élevé en partie en 350l.
- Pour quelle raison?
- Il y a moins de surface de bois en contact ainsi. Et par rapport au volume produit, c'est intéressant sur un fût neuf. Le soutirage va le réveiller. Il permettra d'atteindre un meilleur équilibre d'oxydoréduction.
Une belle expression: aérienne, fine, salivante, acidulée, fruitée. La matière possède une juste accroche. Je goûte un léger perlant.
TB-
Le choix est tellement vaste au domaine que Laurent s'interroge. "Que puis-je vous faire goûter? Ah si, je sais"
[size=x-large]L'impact du fût neuf[/size]
"Je n'aime habituellement pas goûter sur seul fût neuf mais on peut regarder ensemble comment le bois marque respectivement 3 cuvées, même si ce sont deux tonneliers différents: Billon et François Frères." Il faut dire que nous sommes presque mal habitués
, tous les vins goûtés jusqu'à présent sont déjà bien bons en l'état. Avec les jeunes contenant que nous apercevons, une grille de lecture plus adaptée doit être utilisée.
Chambolle Musigny 1er cru les Baudes
en fût Billon
Le bois marque ici de manière relativement acceptable. Cela demeure rond. Le fruit est en retrait. L'épaisseur passe cependant un cran supérieur par rapport à ses prédécesseurs. Les tanins se goûtent davantage.
B+/TB- le potentiel est fort intéressant.
"Nous avons 25% de fûts neufs sur ce 1er cru. Il pourra être perceptible jusqu'à 7-8 ans." i.e. les tanins amèneront le vin au moins aussi loin.
Morey Saint Denis 1er cru les Chaffots
en fût François Frères
"Pas loin des Combes, un terroir plus frais malgré un versant orienté vers le Sud." L'attaque est longuement délicieuse. Le toasté, plus présent, pertube un peu l'aromatique. Ce qui est parfaitement normal à ce stade.
B+ à revoir une fois assemblé.
Clos de la Roche grand cru
en fût François Frères
Le toast est moins marqué. Le vin est plein, d’une remarquable constitution. Une sacré matière et une grande délicatesse à la fois. C’est long et persistant, sur le fruit frais et pas sur l’acidité. Un grand vin potentiel encore dans ses langes.
Excellent
Quelle série! Peut-être avec un effet de surprise passé par rapport à l’année dernière, 2014 peut sembler un seizième de ton moins avenant au même moment. Il n’y a pas cette même finale récurrente avec un fil tendu au bout de la langue, un peu moins d’acidité. Pourtant le mot acidulé revient souvent. Il est peut-être un peu plus court. Le fruit prend néanmoins une place plus grande et c’est loin d’être déplaisant.
[size=x-large]Et le millésime 2015?[/size]
- Nombre de vos confrères étaient satisfaits des conditions météorologiques, moins des rendements.
- Nous sortions de 2014 où les rendements étaient effectivement un peu supérieurs. Avec 2015, il a fait chaud tôt.
- N'avez-vous pas eu de grillure? On nous en a rapporté sur les jeunes vignes en Loire.
- Un peu mais finalement pas tant que cela. Le raisin s'est développé dans la chaleur. Seul la Justice a beaucoup souffert. Le sol y est sableux et il a bien moins plu. Les feuilles ont tourné jaune. Il était dès lors plus difficile d'atteindre la maturité nécessaire. Les degrés y ont atteint 11,6 alors qu'ils étaient de 13 ailleurs. L'état sanitaire fut très bon. Nous avons mis deux personnes au tri. C'était presque non nécessaire. Il a en revanche fallu aller chercher la matière, les tanins riche et mûrs, nous avons pigé 2 fois par jour. Et le niveau d’acidité tartrique fait aboutir à un bel équilibre. Voulez-vous goûter un 2015?
Morey Saint Denis 1er cru Vieilles Vignes 2015
2/3 Façonnières, 1/3 Chenevery.
Impressionnant d’épaisseur, de presque mâche et en même temps d’accessibilité. Cela promet.
- Des projets? Nous en avons plein le projet d'agrandir le bâtiments par lequel nous sommes descendus vers les caves. Nous sommes un peu à l’étroit. Les cuves de 10hl ont été descendue en cave pour faire du préfermentaire à froid de façon naturelle.
- Ne souhaiteriez-vous pas également refaire le bâtiment à droite en entrant?
- Si bien entendu, je songe y mettre les bureaux. Les travaux à prévoir sont conséquents. Il faut niveler le rez-de-chaussée, refaire les poutres, etc.
Gevrey Chambertin la Justice 2015
- Vous aviez évoqué un faible taux d’alcool. J’imagine que vous avez du chaptaliser, un peu comme en 2013 dans la région.
- En effet, nous l’avons monté à 12,8°C.
Il faut chercher le nez. Les arômes paraissent moins épais. En bouche c’est gourmand, d’une bonne facture. Seule la toute fin nous rappelle un peu de sous-maturité. Pour le reste, aucune impression de chaptalisation.
B+
[size=x-large]Des millésimes plus anciens[/size]
Parce que la générosité est une constante chez Laurent, il attrape plusieurs demi-bouteilles.
- Avez-vous constaté un vieillissement plus rapide en demi?
- Oui et les bouchons sont les mêmes.
Vin mystère n°1
Un nez qui champignon. Des fruits rouges confits. Une bouche fraîche, un peu végétale. La finale s’étire et elle serre.
B+
Gevrey Chambertin les Sevrées 2011.
« Nous avons eu beaucoup de coccinelles et de pince-oreilles. Il a fallu faire un tri strict. »
Vin mystère n°2
De la fraise, de la griotte. C’est envoûtant. Une petite sucrosité gourmande. La conclusion assèche un peu et part sur un registre différent. Le vin devient plus vertical, crayeux; preuve d’une notable complexité.
TB-
Gevrey Chambertin la Justice 2009.
Vin mystère n°3
La bouteille est poussiéreuse, un peu terreuse.
« J’ai ramené ça de la cave de mon père. »
La robe est évoluée mais elle demeure très brillante, d’un vif éclat. Au nez: du sous-bois, de la truffe, de la fraise confite, de la fraise fraîche, du lard fumé, … ça n’en finit pas. Splendide. La bouche est au diapason. De la fraise, du graphite, un merveilleux soyeux et un port altier. En réveillant un peu le vin, la finale révèle de la groseille.
Grand vin l’autre immense vin rouge du séjour. Une grande claque aller et retour. C’est pour ces moments là que nous vivons notre passion.
Morey Saint Denis 1er cru Vieilles Vignes 1986.
Nous avons eu la démonstration in situ que des vins entièrement égrappés savent défier le temps. Et le pire, c’est qu’il en avait encore sous la pédale.
Nous ne remercierons jamais assez Laurent Lignier de nous avoir ainsi accueillis. Il n’est jamais avare dans ses explications ni dans le partage de ses vins et de ses réflexions. Nous étions avertis cette fois-ci. Rien n’y fît, nous fûmes de nouveau happés. Il ne fait aucun doute que le domaine tutoie à nouveau les sommets. Et nous vous confirmons que la profession de "grand vigneron" se transmet de père en fils
Je profite également de cette tribune pour remercier également Stéphanie. Même si nous ne l’avons pas croisée cette fois-ci, sa grande efficacité a rendu notre visite impeccable.
Edit précisions apportées par le domaine