Verticale du Château Bourgneuf (Pomerol): de 1998 à 2010
Jeudi soir 28/3 fut l'occasion, pour une bande de 7, de découvrir un domaine familial de Pomerol, le Château Bourgneuf.
Ce domaine de 9 hectares d'un seul tenant jouxte Trotanoy. Il n'est pas très médiatisé en France, plutôt connu des amateurs de Pomerol (comme ce cher Neal Martin, dont j'adorais lire les chroniques viniques dans son Wine-Journal, avant qu'il ne soit absorbé par le Wine Advocate).
Les bouteilles ont été ouverte et épaulée à 13h, pour une dégustation prévue le soir même au Sot l'y laisse dans le 11e. Un restaurant très bon, par ailleurs.
Bourgneuf est un vin qui joue plus sur la texture du vin que sur l'architecture de ses tannins. Il gagne à vieillir. Depuis 2002, il est conseillé par Denis Dubourdieu. Et depuis le millésime 2008, Frédérique Vayron a rejoint ses parents dans l'élaboration des vins et imprime sa patte.
D'après ce que je sais, les vins sont élevés avec environ 35% de bois neuf. Et il y a trois type de sols dans la propriété (argile, sableux, graveleux).
Ce compte rendu est fait sur ma dégustation des bouteilles juste après les avoir ouvertes, alors que les autres convives les ont goûtées après une aération lente de 6 heures environ (bouteilles dégagées aux épaules).
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Bourgneuf 1998
Nez sur la prune, la fraise, le sous bois. En bouche, c'est dense et velouté, avec des amers en finale. Il y a une bonne longueur, on décèle de arômes de violette et de réglisse. C'est un vin assez serein.
Bourgneuf 1999
Le nez est plus aérien et évolué que le 98. C'est étonnamment fondu, un vin qui est plus de demi corps, et qui délivre des notes de tabac et de cèdre.
Bourgneuf 2000
On a affaire à un vin plus strict, élégant, sur le cassis. C'est équilibré, avec des notes de rose, de fraise écrasée, des amers en finale,
Bourgneuf 2001
Le nez est plus exubérant, sur le bonbon anglais, la violette, des notes vanillées. C'est un vin charnu, très réussi, élégant, avec même des notes orangées. Il a plus de peps et de dynamique que les précédents. C'est le millésime qui aura fait l'unanimité ce soir là…
Bourgneuf 2002
Retour vers un millésime plus froid, moins causant, plus sévère. On dira que c'est un vin de rigueur, sur le noyau de cerise, la fraise, avec un bonne fraîcheur en bouche, même si les tanins en finale sont encore bien présents.
Bourgneuf 2003
Avec son nez sur la groseille, les oranges, le 2003 est déjà bien évolué, tendre en bouche, avec une finale persistante et solaire. C'est un peu confituré, comme beaucoup de 2003 de la rive droite, mais c'est contrebalancé par un joli acidulé.
Bourgneuf 2005
A l'ouverture, ce vin a un légère marque de déviance, mais laisse entrevoir un beau 2005, avec un nez qui s'affirme comme plus exubérant, sur les fruits rouge et les bonbons. En bouche, c'est à la fois rond et incisif, avec une très belle longueur et un bel équilibre. Je me suis dit à ce moment là que le vin devenait de plus en plus féminin. Malheureusement pour mes convives, 6 heures plus tard, les goûts déviants, de bouchon, ont carrément pris le dessus.
Bourgneuf 2006
Le nez est délicat, la bouche est veloutée, avec sa finale réglissée. C'est un beau vin classique.
Bourgneuf 2007
On se dirige vers un Pomerol toujours plus hédoniste, avec son nez de bonbon et de fruits rouges. En bouche, il y a de la douceur, de la rondeur, un beau fruit qui est enrobé par un élevage bien présent, qui sera d'autant plus marqué avec l'aération lente. On se dit que 2007 a été un millésime "de vigneron" comme on dit maintenant, je trouve que ce vin s'en tire très bien.
Bourgneuf 2008
Le nez est plus évanescent, sur le tabac et les mûres. Les tannins sont domptés. La trame est très belle, serrée, fine. En bouche, il y a toujours cette suavité, avec de beaux fruits noirs et le cassis, et une finale sur les épices douces, le poivre. J'aime beaucoup.
Bourngeuf 2009
Le nez est profond, voluptueux. Il y a un vrai velouté en bouche, presque lacté. Ces marques d'élevage divisent clairement les convives. Je dois avouer que j'aime beaucoup ce style. Je trouve ce vin très équilibré, vibrant. Le fruit est superbe, sur la myrtille et les groseilles, avec des notes de tabac et de clou de girofle. Mais il est certain qu'une fois de plus, ce vin se déguste bien mieux dès l'ouverture qu'après une aération de 6-7 heures.
Bourgneuf 2010
Le nez est plus dense, plus serré. On garde ces trames très fines, avec des notes presque lactées. Les textures sont très belles, les tanins très fins. Les fruits noirs sont très présents. C'est encre très jeune, mais il y a de la précision dans ce vin. Toujours ce mélange, pour moi, de sensualité et de rigueur.
Clairement, les derniers millésimes, de 2006 à 2010, se boivent mieux à l'ouverture qu'après aération, comme si cette opération exacerbait les notes d'élevage. Pour ma part, ces vins même jeunes, je les trouve d'une magnifique promesse, d'autant plus lorsqu'on voit (et goûte) ce que sont devenus les 98 et le 2001. Les trames sont toujours plus précises, veloutées, féminines. J'aime beaucoup ce vin, vous l'aurez compris. Et les derniers millésimes ont une sorte d'exubérance, une palette aromatique, une complexité en bouche, un équilibre qui m'ont ravi.
Cordialement
Frédéric