Dégustation verticale de Clos Fourtet, en présence de Monsieur Tony Ballu, directeur général de la propriété et lui-même propriétaire du Château Pierre de Lune, Saint-Emilion Grand Cru.
Les verres des six millésimes étaient déjà servis au moment du commencement de la dégustation qui a duré environ 1h30. L’ordre de dégustation des verres fut du plus jeune millésime (2009) au plus ancien (2000).
En préambule, Monsieur Ballu a présenté la propriété et ses caractéristiques historiques et géologiques. Je n’ai pas pu prendre note sur cet aspect. D’un point de vue purement viticole, Clos Fourtet se distingue par une faible proportion de cabernet franc, correspondant à 5% des vignes de la propriété. 85% des vignes est composé de merlot et 10% correspond au Cabernet Sauvignon. La faible proportion de cabernet franc s’explique par la volonté de l’ancien propriétaire, André Lurton, pour qui «
un bon pied de cabernet franc est un pied arraché », dixit Tony Ballu. Autant dire qu’il n’appréciait pas ce cépage. Une partie a été arrachée car étant de mauvaise qualité et ce n’est qu’en 2011 que ce cépage a fait l’objet d’une replantation.
Clos Fourtet 2009:
D’après Tony Ballu, pour ce qui est du suivi de la vigne, «
ce fut un plaisir toute l’année », le cycle végétatif ayant démarré tôt. Le débourrement a eu lieu fin mars. La pluviométrie a été importante après le débourrement, «
ce qui était une bonne chose ». Clos Fourtet connaît un déficit hydrique chronique, mais le plateau calcaire emmagasine l’eau. L’été 2009 a connu seulement deux jours avec une température de 36°, alors que le cycle de la vigne se bloque à 35°
Pour Tony Ballu, « l
e seul défaut de ce vin qui ne se sent pas, c’est l’alcool (14,5°), car la matière est opulente ». Le rendement a été assez faible : 34hl Pour une fois, l’intégralité de la production de cabernet franc (5%, voir ci-dessus) a été utilisée dans ce vin.
Mes impressions:
La robe se présente de couleur rubis d’intensité moyenne. Le nez est complexe composé d’arômes fruités (fraises des bois), de mine de crayon, de poivron vert, de caramel, végétal (foin coupé), de boisé (chêne), de vanille fine, légères épices (cannelle) et une touche florale.
L’attaque est ronde, l’évolution se développe sur une matière tannique imposante, mais très bien domptée Un vin très concentré et riche doté d’une puissance contenue à ce jour.
J’ai appris à cette occasion que Clos Fourtet 2009 a été réévalué par Rober Parker à 100/100. J’ai donc dégusté le premier 100/100 de Parker de ma vie. Ca, c’est fait. Heureusement qu’on me l’a dit, parce que je ne m’en serais pas rendu compte. Un très bon vin, excellent même, mais qui me conforte dans l’opinion que le seul jugement qui compte, c’est le mien et que l’avis de Parker n’en est qu’un parmi d’autres, et tant pis si mon avis n’est pas pertinent : c’est mon goût qui importe.
Clos Fourtet 2008 :
Un millésime plus «
galère » que le 2009 d’après Tony Ballu et très tardif, lié notamment aux pluies répétées. Le débourrement a eu lieu le 10 avril (à comparer avec celui de fin mars pour 2009). «
Cette galère a continué tout au long du cycle » : la véraison a eu lieu courant août. Comme ni août, ni septembre n’ont été terribles, les vendanges ont été tardives, du 9 octobre au 20 octobre. Pour Tony Ballu, il s’agit d’un vin classique. «
Avec un pH bas et une acidité haute, il a tout du profil du vin de garde. Le millésime a pu être sauvé grâce à l’enherbement qui absorbe l’eau : dans un premier temps c’est le sol argilo-calcaire qui absorbe l’eau et lorsque cette absorption n’est plus possible, la restitution de l’eau se fait en premier lieu à l’herbe et non pas aux ceps, de sorte qu’il n’y a pas eu d’excès hydrique. »
Mes impressions:
Robe variant du grenat vers le rubis. Un nez composés d’arômes de fruits noirs concentrés dont émerge le cassis, d’œillets, de vieux-bois, de fumé
L’attaque est souple-ronde. Un vin moyennement corés et à la structure moins imposante que le 2009. Un vin d’abord assez facile, mais on sent une acidité présente. Une grande finesse de grains pour un bel équilibre d’ensemble et pour couronner le tout une belle fraicheur.
Clos Fourtet 2005 :
«
Une année de bonheur » d’après Tony Ballu. «
Un cycle extraordinaire avec une vendange parfaite et une vinification parfaite : toutes les opérations ont pu être faites posément de façon réfléchie ». Les pluies de septembre n’ont pas été gênantes puisque les nuits fraiches ont apporté une maturation de fruit tout en finesse.
Les vendanges ont eu lieu du 26 septembre au 8 octobre.
Mes impressions:
La robe est rubis. Le nez est très discret, voire à la limite de la fermeture. Pour ce qui en sort, on devine les arômes de fruits noirs rouges et noirs (grenadine) et une touche de cacao. L’attaque est franche. Pour le reste, difficile de juger, mais on sent que ce vin ne demande qu’à lâcher les chevaux.
Tony Ballu confirme après-coup que «
le 2005 est un vin qui se referme ; il faut avoir de la patience. On peut escompter ouvrir une bouteille de ce millésime dans 5 ou 6 ans. »
Clos Fourtet 2004 :
La floraison survenue en juin a été incorrecte ; les mois de juillet-août n’ont pas été marqués par un soleil généreux. Heureusement, septembre n’a pas connu de pluie. «
La maturité n’est pas inintéressante, mais le bon mois de septembre n’a pas permis de rattraper le manque d’août ».
Les vendanges ont eu lieu du 4 octobre au 19 octobre.
Ce vin comporte un peu moins d’acidité que ce qu’il devrait. Pour Tony Ballu, ce vin est à boire «
dès maintenant et dans les 2 à 5 ans qui viennent ».
Mes impressions :
Une robe grenat d’intensité moyenne, tout comme le nez (l’intensité, pas le grenat). Un nez où prédominent les épices douces et un aspect résineux, avec en arrière plan la touche fruitée. La palette n’est pas très large.
Un vin assez strict en bouche, à l’image de son nez. Mais il réussit la performance d’avoir un très bel équilibre entre les tannins, l’alcool et l’acidité.
Clos Fourtet 2001 :
Tony Ballu exprime beaucoup de passion pour ce millésime, «
la preuve, j’en ai beaucoup gardé à titre personnel »
Le cycle végétatif a été standard, si ce n’est la chute de 90mm d’eau sur deux jours, puis un arrêt brutal de ces précipitations.
Un millésime marqué pour Tony Ballu par la «
minéralité » et par un commencement d’évolution. Pour Tony Ballu, ce millésime procure beaucoup de plaisir et est «
tant à boire qu’à garder »
Mes impressions:
Premier vin montrant des dignes d’évolution avec au nez des arômes de cerises, des arômes grillés ainsi que des arômes terreux et d’écorce d’orange. Un vin qui conjugue l’élégance et la fraicheur avec des tannins bien enrobés.
Clos Fourtet 2000:
Un millésime «
moderne » d’après Tony Ballu car l’été a été chaud et solaire. Pour lui, ce millésime «
manque un poil d’acidité ». Il n’y a pas eu de souci végétatif, si ce n’est que août a été un peu trop chaud. Les vendanges ont eu lieu du 28 septembre au 13 octobre.
«
Ce millésime 2000 n’offre pas la typicité de Saint-Emilion que peut présenter le millésime 2001 qui a cet aspect minéral alors que 2000 a un aspect solaire ».
Mes impressions :
Une robe partant sur un rubis appuyé. L’intensité au nez est forte. Ce nez est très fruité et éclatant de jeunesse par ses arômes de framboises, groseilles et mures. Pourtant, le second nez fait émarger des arômes secondaires d’humus et de sous-bois, de bruyères. Un vin très velouté à l’élégance certaine.
En conclusion, j’ai constaté une grande homogénéité dans ces millésimes assez jeunes, le 2005 constituant un cas particulier. On retrouve des caractéristiques communes plus ou moins prononcées en fonction des millésimes, telle que la fraicheur, la tendance vers un bel équilibre et un élevage toujours bien maîtrisé.
Belle soirée, belle dégustation, en espérant avoir bien retranscrit les propos de Monsieur Tony Ballu.
Luc