Une dégustation à DISZNOKO
Déguster à Disznoko n’est jamais un moment anodin. J’écris cette phrase qui me renvoie à une histoire personnelle avec cette propriété, mais je pense que cela doit être vrai pour n’importe quel amateur passionné de vin.
Dans cette famille large des amateurs de vin, il y a la petite partie des amateurs de vins liquoreux et Tokaj sonne à leurs oreilles comme le summum de ce qui peut se produire qualitativement sur cette planète en matière de vin et à coup sûr, Disznoko fait partie de l’élite des producteurs qui arbore ce nom sur leurs étiquettes.
Déguster à Disznoko revient donc à peu près pour l’amateur de pinot noir à déguster au domaine de la Romanée Conti ou chez Rousseau, pour l’amateur de nebbiolo, de déguster chez Conterno ou Gaja ou encore Sandrone, c’est-à-dire avoir l’occasion de déguster pour un type de vin donné, ce qui se fait de mieux au monde.
Outre le fait que le mode d’élaboration du Tokaj est unique, outre le fait que le terroir l’est tout autant, il est certain qu’ici, tout est mis en œuvre pour accéder au meilleur possible dans un style qui est propre à la propriété : ici, point de lourdeur ou de rondeur excessive : c’est la pureté et la brillance qui est recherchée, une déclinaison toujours plus verticale qu’horizontale du millésime avec des vins dotés d’une grande profondeur, vibrants, en favorisant toujours la production de Tokaj aszu plus que de vins secs, ce qui n’est pas la tendance actuelle à Tokaj.
Ce n’est donc pas étonnant que les 6 puttonyos ne soient produits qu’en grands millésimes et qu’ils sont davantage une sélection plus drastique encore de la qualité des aszus que réellement un degré de concentration supplémentaire, qui si elle est bien réelle est d’abord due à la qualité exceptionnelle des aszus qui les composent ; la cuvée Kapi en représentant l’aboutissement ultime, elle-même produite encore plus rarement, sélection parcellaire bien distincte. Après 2005, seul 2011 verra cette cuvée mise sur le marché. Ce sera d’ailleurs très bientôt puisque le voile sera levé début septembre à Paris.
Disznoko, c’est une équipe, ce sont des moyens très importants (Axa millésimes) mais c’est surtout le travail de direction d’un homme : Laszlo Meszaros. Tous ceux qui ont eu la chance de le croiser peuvent attester son intelligence évidente, sa capacité d’écoute, sa grande culture, mais aussi sa détermination dans l’idée qu’il se fait du grand Tokaj. En outre, il milite pour l’appellation en général, n’est pas avare de faire la promotion d’autres talents de la région. Un homme de talent, dont la discrétion a priori étonne jusqu’à ce qu’on se rende à l’évidence que c’est davantage de force tranquille dont il s’agit.
Les vins dégustés le 14 août 2015 :
2014 Disznoko Tokaji Furmint Dry : nez de belle pureté sur la poire : bouche très vive, un peu maigre : un vin très apéritif, très vif avec des expressions citrique, et finale saline.
2012 Disznoko Late harvest : beau nez de botrytis très pur. Belle richesse en bouche. Un vin qui exprime déjà la typicité Tokaj : belle vivacité.
2012 Disznoko 1413 Tokaji (Edes szamorodni) : cette super sélection de late harvest est encore plus complexe, plus riche mais se goûte plus sec tant la fraîcheur équilibre. Là encore, c’est le mot pureté qui vient à l’esprit.
2012 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : mise récente : fermé, impression de volatile, boisé. Ce vin encore dissocié possède une grande amplitude : riche, mais très droit, il est extrêmement prometteur.
2011 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : On gagne ici en complexité avec ces notes de champignon si caractéristiques, de l’encaustique. En bouche, c’est encore monobloc, dominé par la cire d’abeille mais la finale est très impressionnante et magnifique.
2010 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : difficile après le 2011 pour ce vin moins précis, plus amylique et moins long. Je l’ai mal goûté ce jour-là avec une note brûlée qui m’a gêné en finale.
2009 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : beau nez complexe pour cette année riche et concentrée : très gourmand, peut-être perçu moins vif, c’est un très bon vin de pur plaisir qui se goûte déjà très bien et qui rayonne comme le reflet de cette année caniculaire.
2008 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : belle robe très lumineuse. C’est un vin bien moins éloquent que le précédent, très réservé, mais qui s’étire en longueur sur une finale épicée. Bien
2007 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : grande complexité aromatique avec cette signature très Tokaj : un vin archétypal sur des notes d’abricot et d’orange amère. Finale longue qui conjugue acidité et belle amertume.
2006 Disznoko Tokaji aszu 5 Puttonyos : le côté archétypal est encore plus marqué avec ce vin qui éclabousse tout de sa magnificence. Classicisme éclatant qui fait entrer dans monde des grands vins.
2008 Disznoko Tokaji aszu 6 Puttonyos : Joli nez de botrytis avec des notes de sous bois, orange amère une fine touche de pétrole : la finale est réglissée : on est de plein pied dans la magie des grands Tokaj à la finale éblouissante. Longueur exceptionnelle.
2006 Disznoko Tokaji aszu 6 Puttonyos : un vin exponentiel, large et brillant : il faut l’attendre mais tout est là pour poser les bases d’un grand vin.
2005 Disznoko Tokaji aszu 6 Puttonyos Kapi : si la structure immense, l’équilibre souverain de ce vin sont toujours là, il est en train de traverser cette phase délicate où il quitte ses atours de jeunesse pour entrer dans l’âge mûr. Il faut donc l’oublier un temps pour qu’il accomplisse sa mue. Il deviendra alors intemporel.
Je savoure à chaque fois la chance que j'ai de vivre de tels moments en même temps que j'ai l'impression de perdre une certaine norme tant le niveau des vins dégustés est immense. L'orientation stylistique semble assez nette avec une part belle donnée au furmint dans les sélections les plus poussées, pour accéder à l'excellence qui caractérise les meilleurs millésimes.