Vu l'enthousiasme de certains contributeurs, Matthieu en chef de file, quant à ce domaine, je jette mon dévolu dessus pour notre dégustation du lundi avec un pote, après avoir fortement apprécié la verticale chez Louis Sipp la veille (CR à venir ...
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Michel nous reçoit sur le coup de 14 heures, en toute simplicité, nous parle du millésime en cours ... Même si les années précédentes ont permis de faire de la réserve, celle-ci est douloureuse : après avoir été relativement épargné par la grêle, le vignoble, comme partout, est dévasté par le mildiou. En particulier l'Eichberg, sur lequel les vendanges vont être "vite expédiées" : rendement prévus ... inférieurs à 10 hecto à l'hectare !
Nous nous lançons ensuite dans la dégustation de la majorité des références du domaine, à commencer par :
Crémant d'Alsace, 100% Chardonnay, 2017
L'utilisation de raisins très murs permet de s'abstenir de dosage sans aucunement craindre un profil strict et maigre.
L'ensemble est joli, fin, avec une bulle particulièrement fine mais très abondante (peut-être trop à mes goûts), sur des goûts de chardonnay pur et floral.
Bien
Pinot Blanc, 2017
Un vin plus en texture qu'en arômes, le nez présente un peu de coing mais sans plus là où la bouche propose un joli gras et une légère sensation fumée.
Pas énormément de tension ou d'allonge. En revanche on pressent que c'est le genre de blanc qui doit facilement marcher en accord avec beaucoup de choses.
Assez Bien
Muscat Caroline, 2018
Cette cuvée mérite amplement la réputation que Matthieu lui fait : on fait le grand écart de l'opulence aromatique par rapport au pinot blanc (évidemment me direz vous), c'est d'une fraicheur et d'une évidence de muscat absolument éclatante, toutes les fleurs y passent, la bouche est aérienne, sèche, évanescente, ravissante de pureté sur un profil ultra précis de pèche blanche, de rose, de lilas, de bergamotte, de menthe fraiche, de raisin frais, touche concombre, c'est abominablement rafraichissant avec une minéralité d'ardoise qui sous-tend le tout ... on en boirait comme un thé glacé.
Très bien
On entre dans les Riesling.
Je dois admettre, en préambule, que j'en attendais beaucoup.
Pour être honnête, c'est sans doute ce qu'on a le moins bien gouté sur cette dégustation.
Les facteurs explicatifs potentiels sont :
- Des questions de goût, tout simplement, mais aussi ...
- La fatigue de la soirée très arrosée de la veille
- Le fait que contrairement aux autres références, il a ouvert les bouteilles au moment de les servir, donc aucune préparation possible
- Le fait qu'on ait encore les Kirchberg de Ribeauvillé de Louis Sipp en tête, qui nous ont fait forte impression mais qui ont eu une voire des dizaines d'années pour se poser ...
- Et donc le fait qu'en comparaison ces 2019 sont forcément encore très jeunes
Cependant je fais confiance à ces facteurs explicatifs pour en acheter quand même, persuadé que leur potentiel me sautera au visage quand je les re-dégusterai dans de meilleures conditions.
Les notations sont plutôt mises en potentiel perçu et sont clairement à prendre avec du contexte.
Riesling Drei Exa, 2019
Relativement fermé au nez, on repère néanmoins sans trop de problème le citron vert mûr.
La bouche est en deux temps : l'entrée ne se fait pas sur le fil du rasoir mais plutôt sur la maturité, alors que la seconde partie de bouche amène la finale vers quelque chose de beaucoup plus resserré et calcaire, avec une tension bienvenue.
Bien + / Très bien -
Riesling GC Pfersigberg Hertacker 2019
Très intéressant et original, ici on sort des marqueurs du cépage pour rentrer dans quelque chose de plus terroir (j'imagine) : c'est d'une légèreté diaphane, étherée, complètement minimaliste. On semble être sur un profil terpénique léger de fleurs fraiches, de saké, d'eau de roche. L'empreinte calcaire est moindre que sur les autres, moins de mâche, mais plus de finesse sans doute.
Très bien
Riesling GC Pfersigberg Ortel Vieilles Vignes 2019
Profil plus classique, le nez ramène sur des territoires plus connus où le citron vert pétrole un peu et l'aération réveille de très jolies notes d'ortie, de menthe fraiche, de résine.
La trame calcaire est beaucoup plus décelable en bouche, jolie empreinte, jolie longueur. Plus citronné, plus d'acidité, plus nerveux.
Très bien
Riesling GC Eichberg 2019
On suit une progression logique : c'est plus fermé aromatiquement mais bougrement machu, avec un forte trame minérale, empreinte calcaire et saline sur la langue en fin de bouche, on se rapproche d'une sensation tannique fine. A ce niveau c'est d'ailleurs celui dont le toucher de bouche se rapproche le plus des Kirchberg (secs) de Louis Sipp dégustés la veille. A attendre certainement. En l'état plutôt un vin de texture et de promesses qu'autre chose.
Très bien
Avant d'enchainer sur les PG et les Gewurzt on goute les PN, qui se sont bien présentés.
Pinot Noir, 2019
Simple mais lisible et techniquement irréprochable, on a une jolie acidité qui porte un joli fruit rouge net, brillant, avec une petite épice style graine de moutarde.
C'est très net et inattaquable mais ça ne raconte pas plus d'histoires que cela.
Bien +
Pinot Noir "Les Rocailles", 2017
Et là on change de classe complètement. On arrive à un stade de 4 ans où il commence à s'ouvrir parce que le nez, porté par les barriques d'Armand Rousseau peut-être, propose un joli profil sérieux de Pinot Noir élevé et assez extrait, que ne renieraient pas certains coins de la Côte de Nuits. La bouche confirme qu'on est sur du haut niveau, avec une très belle floralité et un toucher de bouche d'un équilibre parfait, c'est tannique et machu mais jamais trop. A attendre encore mais très joli potentiel dans ce Pinot Noir sérieux et classe.
Très bien +
On revient donc sur les deux derniers cépages blancs nobles :
Je ne me souviens plus de mes impression sur le Pinot Gris Les Prélats outre que c'était bien fait et plus lisible que bien des PG, mais ça ne me fait pas grimper aux rideaux.
Par contre quelle surprise que le
Pinot Gris GC Eichberg, 2017
Là on entre dans un profil de vin que je n'ai juste jamais rencontré auparavant, le nez est explosif sur des nuances de vieux rhum ambré ou de très vieux whisky de grain, avec un mélange entre vanille, solvant, aneth, ananas, noix de coco, sucre glace. La bouche continue cette expérience assez enchanteresse avec une attaque riche mais nerveuse sur des impressions similaires style pina colada et notes patissières avant de se resserrer sur la trame sérieuse et minérale de son terroir, évitant l'écueil de la lourdeur.
Une curiosité assez unique, je suis obligé d'en prendre une pour regouter ça un jour !
Très bien (+)
On enchaine sur les Gewurzt :
Gewurztraminer Wahlenbourg 2018
Je n'étais pas attentif au moment où il servait et je pensais qu'il avait skippé le Wahlenbourg pour nous servir directement le Pfersigberg.
Et quand je plonge mon nez dedans je n'y vois évidemment que du feu et je me dis : "En effet, y a du niveau !!"
Ce n'est qu'après qu'on me dit que c'est le simple Wahlenbourg, ce qui du coup m'impressionne assez bien je dois dire.
Gewurztraminer de superbe facture et de grande netteté, le nez est explosif sur la rose rouge sanguine, l'hibiscus, la framboise fraiche, le litchi bien sûr.
La bouche prolonge ces sensations avec un joli gras et pas trop de richesse, l'équilibre demi-sec est vraiment bien réussi.
Vraiment super pureté et netteté dans ce Gewurzt qui, à 12€, est un excellent rapport qualité-prix.
Très bien
On finit donc sur le
Gewurztraminer GC Pfersigberg 2018
Il annonce que malheureusement la bouteille est ouverte depuis un peu longtemps et qu'il ne se présente pas totalement sous son meilleur jour.
Il n'a pas de nouvelle bouteille fraiche sous la main à ouvrir.
Pas grave, on prend quand même ...
On sent bien la différence avec le Wahlenbourg, l'aromatique est moins caricaturalement Gewurzt même si quand même très opulente mais ici sur d'autres fruits tropicaux, on a clairement des nuances de fruit de la passion et de mangue. La bouche est pour moi un peu riche, un peu large, moins nette que le précédent. C'est très bon dans l'absolu mais on a moins l'impression de pureté que sur le Wahlenbourg. Sans doute une question de bouteille, donc. En l'état il m'apparait être un moins bon rqp que le précédent, même si ses qualités techniques sont manifestes.
Très bien
Au final une super expérience !
Ce qui fait l'ADN commun du domaine c'est, finalement, sans doute un sens manifeste de la pureté, du minimalisme, de l'expression la plus évidente des potentialités du raisin. Les équilibres de richesse sont toujours maitrisés, à aucun moment on tombe sur quelque chose de lourd.
Un grand merci à Michel pour sa présence et sa disponibilité.
C'est parfois très formatteur et enrichissant d'entrer dans une dégustation en pensant qu'on va être bluffé par A, B ou C et ressortir enchanté par X, Y ou Z.
Je repars avec :
- Pour en avoir été immédiatement convaincu : Muscat, PN Rocailles
- Pour avoir aimé leur exubérance maitrisée même si ce ne sont pas les vins que j'ouvre le plus au quotidien : Pinot Gris GC Eichberg, Gewurztraminer Whalenbourg
- Pour la confiance que j'ai en ces bouteilles qui me parleront certainement mieux dans d'autres conditions : Riesling Drei Exa, GC Pfersigberg Hertacker et GC Pfersigberg Ortel VV