Après tout ce temps, après toutes ces discussions, après toutes ces remarques, tous ces commentaires, toutes ces illusions et désillusions, après tous ces moments de bonheur et après toutes ces déceptions, une question, une seule : ai-je encore quelque chose à dire ou à écrire sur cette passion du vin, ou sur le vin lui-même ? J’ai l’impression que tout a déjà été dit, raconté, contredit, affirmé.
Le prix, les guides, les hiérarchies, le terroir, la biodynamie, les vins natures, les notes : tout ce qui nous divise, c’est finalement tout ce qui nous réunit.
Mais voilà, un demi-tour sur soi-même qui donne ce sentiment d’un « inachèvement achevé », pas un dégoût, non, mais plutôt un à-quoi-bon-finalement. C'est sans doute parce qu'il s'est mis à pleuvoir et que le temps est à la mélancolie ...
Pourtant, il semble que ce petit monde ait bougé un peu depuis plus de 20 ans et que les évidences d’hier ne soient plus celles d’aujourd’hui, remplacées par de nouvelles qui peut-être ne feront pas long feu. Qui sait ?
Est-ce parce que nous avons crié tellement fort et tellement souvent que les coups de bélier ont fini par faire s’entrouvrir quelques portes que l’on croyait fermées à jamais ? Et finalement, même si un peu de fatigue se fait jour, n'est-il pas réjouissant que de nouvelles forces vives poussent, au risque de vieuxconniser notre argumentaire que l’on croyait si novateur ?
Même si ça me ferait très plaisir, Je ne suis pas si sûr que nous soyons pour quelque chose dans ce mouvement finalement : justement persuadé du contraire.
Cependant, j’ai le sentiment que jamais les particularismes n’ont été autant reconnus alors qu’ils étaient vaguement méprisés : la revanche du Saint Pourçain ou des côtes d’Auvergne, c’est pour demain. Pour Marcillac, c’est déjà presque gagné !
Madiran et Cahors, hélas sont arrivés trop tôt, à un moment ou ce retour au particularisme, cet encanaillement n’était qu’un snobisme avant de devenir une réalité. Mais c’était sans doute un particularisme trop « particulier » pour convaincre totalement et le mouvement qui se développe en leur sein consiste à gommer un peu de ces particularités alors que c’est une chance pour d’autres.
La Loire a explosé, boostée par de nouveau talents, Le Rhône Sud semble moins porté depuis qu’un américain a pris sa retraite...
« Faire contrepoids à l’exubérant pouvoir des guides dont l’indépendance n’est pas une évidence » : que reste-t-il de tout ce combat ? Les journalistes du vin sont devenus des businessmen dont le rôle est de dicter quoi acheter à des consommateurs devenus leurs clients. Il n’y a plus d’information gratuite sur le vin ou du moins écrite à des fins de culture. Non : le dessein, c’est de déclencher l’achat ou de l’assurer, voire de le rassurer.
Pour sûr, le consommateur fait contrepoids mais si c’est pour distribuer des étoiles ou des pouces en l’air à chaque apéritif entre amis ou à chaque repas chez Belle maman, cela en valait-il la peine ? D’autant plus que cet avis du consommateur est de plus en plus utilisé comme un argument publicitaire pour booster des ventes.
Finalement, le port du masque est un joli symbole du temps, une nécessité vitale.
Alors, où est-elle l’issue pour que cette passion persiste ? C’est peut-être ça la bonne nouvelle : réduite à l’unique aspect sensitif, j’aurais pu écrire sensationnel, au plaisir et à l’émotion et une fois encore à la tentative de compréhension de ce que le goût vient de la conjonction d’un travail et d’un lieu.
Même si j’ai peur que cela réduise d’autant le nombre de passionnés : l’avenir me semble être aux particularités, à leur acceptation, à leur compréhension et ce chemin, pas mal de passionnés l’ont déjà emprunté et même « empreinté». Le temps nous a obligé à la curiosité, à la découverte, à l’auto culturation quand les canaux officiels de cette culture ont été déserté par leurs généraux. Mais le panel se réduit, parce que marcher sur ce chemin n’est pas aisé. Je conçois que l'on puisse prétendre qu'un tel positionnement est très prétentieux.
La passion du vin est elle donc en train de devenir elle aussi un particularisme ou bien finalement sommes-nous en train de redécouvrir l'essentiel, cette culture qui a conduit à identifier des goûts, de les associer à des lieux, mouvement de mosaïste après une funeste période de tentative d'uniformisation ?