Villa d'Este Wine Symposium
Édition 2016
Verticale Meursault Les Rougeots et 1er cru Les Perrières du domaine Coche-Dury
C'est avec grand plaisir mais aussi beaucoup d'émotion que je retrouve Jean-François et Odile Coche ainsi que leur fils Raphaël qui porte dorénavant sur ses épaules la destinée du domaine.
Quand François m'a appris qu'il avait convaincu la famille Coche d'être présent à l'édition 2016, j'en ai eu le cœur serré.
Car dans mes projets insensés, ceux que l'on fait les soirs de causerie au coin de l'âtre chez les amis, quand on a le rouge aux joues, la panse distendue et le sourire heureux propre au convive repu, il y avait un peu de ça, la beauté du lac de Côme, la magie de la Villa d'Este, la famille Coche. Et Alain.
J'aurais tant aimé partager ce moment avec Al', lui qui connaissait si bien la famille et depuis si longtemps.
Tous ces beaux évènements vécus au bord du Lac de Côme aurait peuplé de mémorables anecdotes nos longues soirées à venir sur les rives de l'étang.
La vie en a décidé autrement. C'est la vie...
Mais revenons à des choses moins personnelles et donc autrement plus intéressantes pour tous !
L'intégralité des postes ouverts à l'inscription ayant été comblée, je ne pourrai vous raconter cette dégustation avec l'exigence de minutie habituelle.
Peut-être que des lecteurs présents ce jour là dans la salle (David, c'est le moment de te lancer ! ) viendront compléter mes impressions d'ensemble.
Le rapport très précis de Kevin Shine et Kelly Walker sera également très utile aux plus anglophones d'entre nous.
De par mon amitié avec François Mauss et les siens, j'ai toutefois eu la grande chance d'assister au protocole de mise en place des postes de dégustation et de pouvoir goûter les vins.
Si je ne pourrai produire un rapport aussi détaillé et illustré que lorsque je suis assis à table, concentré, carnet de notes ouvert et plume affutée, l'exercice m'aura néanmoins permis de vérifier où en étaient certains millésimes et ce, sur plusieurs bouteilles du même vin, ce qui a toujours comme grand mérite de lisser les éventuels écarts de moins bien sur certains bouteilles.
L'esthétique de la mise en page et la précision de la description y perdront ce qu'une forme d'état des lieux du millésime concerné y gagnera peut-être.
Mais avant de parler des vins, je tiens à signaler l'incroyable qualité de l'organisation mise en place par François et Thomas Mauss, assistés par l'équipe de sommeliers de la Villa d'Este !
Il faut avoir vu le protocole mis en place, incroyable de précision et d'expertise et qui débute par l'acheminement des vins depuis le domaine selon les recommandations du vigneron.
Certains demandent une mise au repos en cave sur place, à température parfaite, plusieurs semaines auparavant, d'autres comme Raphaël Coche jugent que les vins se goûtent mieux juste après le transport.
Le protocole d'ouverture de plusieurs dizaines de flacons (de 4 à 6 bouteilles du même vin selon l'audience du moment), plusieurs heures avant la dégustation si nécessaire, la validation par le vigneron ou représentant du domaine, toute cette mécanique de précision digne d’un stand de F1 suffirait déjà à impressionner le plus blasé des dégustateurs.
Mais c'est le ballet du service des vins sur 50 à 90 postes de dégustation qui force véritablement le respect !
Chacun se voit attribué une bouteille numérotée ainsi qu'un nombre de rangs de tables prédéterminé correspondant à ce qu'il doit servir. Charge à lui de retrouver le cru sur le set de dégustation du poste et de verser la quantité requise pour tenir le nombre de postes prévus.
Pierre Richard du service, s'abstenir !!
Quand vous avez en main un Perrières 1996 ou une Tâche 1990, s'agirait pas de rater la cible, de culbuter la table ou de se mélanger les pinceaux en remplissant le verre d'à côté et de jouer au bonneteau pour camoufler son erreur .
Mise en place par les équipes de Villa d’Este
Et là où la chose devient comme miraculeuse, c'est que lors de votre arrivée sur le poste de dégustation, les vins sont toujours d'une température de service absolument parfaite pour les mettre en valeur !
Ajoutez la qualité des verres, la présence d'une bouteille d'eau, d'une miche de pain, d'un crachoir et, phénomène absolument primordial pour goûter libre de toute influence exogène, le silence absolu exigé par le Président Mauss, quitte à hausser le ton parfois, et vous comprendrez combien ces moments de dégustation sont des instants rarissimes comme il n'y a peut-être pas d'autres sur la planète.
Et le pire, c'est que ça aurait presque l'air facile quand on voit les Mauss gérer leur affaire.
Mais quelque chose me dit qu'ici aussi, comme Nadia Comaneci à la poutre à Montréal, la maitrise apparente est le fruit du travail et de l'expérience passée...
On passe aux vins ?
Meursault, Les Narvaux, 2011
Un vin qui m'a impressionné par sa densité et sa puissance résiduelle à ce niveau de cru mais surtout sur ce millésime !
J'avais gardé un souvenir difficile de la dégustation après mise où les vins goûtaient très mal, stricts aromatiquement et d'une austérité d'abord assez compliquée à apprécier.
Là, le vin propose un nez délicat mais franc, sur des senteurs de fougère, un tout petit grillé agréable, rien d’exubérant mais où tout est bien en place.
Mais c'est la bouche qui propose une tenue vraiment très intéressante, sur un caractère effilé et droit, à l'acidité haute mais bien intégrée à un corps d'une vraie concentration.
Si l'équilibre reste néanmoins celui d'un millésime assez froid, sur une trame tendue, aucune note végétale de sous-maturité type Suze, si courante sur ce millésime, ni acidité revêche ne vient brutaliser le palais.
En toute transparence, je n'attendais pas ce vin à ce niveau.
Très bien.
Meursault, Les Rougeots, 2009
Changement total d'équilibre avec un vin finalement moins à mon goût, sûrement par l'effet de séquence où le côté solaire du millésime a tendance à ressortir alors que bu seul, l'équilibre serait vraisemblablement lu comme plus fin. Les millésimes chauds sont souvent très réussis au domaine qui parvient à tempérer les excès de chaleurs et d'opulence. En gros, jamais vu de vins mollassons ou exotiques chez les Coche !
Ce Rougeots 2009 possède une ampleur de corps sans débordement et surtout une forme de générosité immédiate, sur un équilibre agréable, d'une texture large mais sans opulence qui fait qu'il offre déjà beaucoup de plaisir et que je ne suis pas sûr qu'il ne faille pas en profiter tel qu'il s'offre en l'état.
Son aromatique est franche et gourmande, sur des goûts de poire enrobé dans un élevage fin parfaitement maitrisé et le vin possède une belle présence en bouche, sans forcément offrir une très grande capacité de relance. Mais je voudrais bien le revoir à table où sa gourmandise pourrait bien faire merveille.
Un très joli vin de plaisir.
Meursault, Les Rougeots, 2007
Retour vers un vin plus classique des expressions du domaine, sur un nez fin, droit, compromis de notes d'agrumes et de senteurs minérales type pierre humide.
Bouche rythmée, tonique, d'un joli déroulé traçant grâce à une acidité pointue et bien enrobée dans un corps sans faiblesse.
On peut peut-être lui reprocher un petit manque de complexité aromatique, le vin s'exprimant très sur le minéral, manquant un peu de fruit et de floral pour ajouter plus de charme à sa très jolie texture effilée, fraiche et nerveuse à la fois.
Très belle finale d'une grande présence et franchise.
Très bien.
Meursault, Les Rougeots, 2005
Attention, bijou !
3ème fois que je goûte ce vin et encore une fois, il m'impressionne à ce niveau d'appellation.
Ce qui le différencie de ses prédécesseurs, c'est sa puissance !
Assez ouvert aromatiquement, d'une complexité ouverte et qui allie le minéral finement grillé à une générosité de fruits (citron confit, fleurs blanches) remarquable, c'est vraiment son impact et son équilibre en bouche qui vire au remarquable.
Le vin frappe d'entrée par sa présence qui tapisse le palais, sur un gras sans une once de mollesse car immédiatement propulsé par une acidité mûre absolument parfaite.
Le vin concilie une forme d'évidence gourmande qui le rend facile à lire et à apprécier avec une réserve d'extraits secs et donc de puissance assez rarement ressentie sur un vin blanc, en particulier sur un village et qui impacte littéralement le palais.
Là, on est pile dans ce qui fait la spécificité des blancs du domaine selon mon expérience : leur puissance à cœur qui ne vire jamais dans l'excès de poids, de largeur ou d’esbroufe.
Comment le domaine parvient-il à conserver dans l'intégralité de la gamme un côté cristallin et désaltérant à ses vins, toujours construits autour d'une esthétique fuselée et aérienne basée sur la fraicheur et l'acidité en maintenant un noyau d'énergie et de vinosité redoutable qui peut s'avérer totalement ébouriffant dans les meilleurs millésimes !
La finale de ce 2005 est celle des plus grands vins, conciliant une persistance remarquable à une irrésistible envie de se resservir !
Superbe !
Meursault, Les Rougeots, 1999
Quelques petites variations au nez entre les différentes bouteilles avec plus ou moins d'intensité, allant du classicisme total de la maison, sur le sésame grillé à des notes plus légères et moins fraiches, voire légèrement métalliques.
En revanche, la bouche était toujours d'une grande cohérence, à mon avis vraiment prête à boire, sur un équilibre gras/acidité très agréable et une présence pleine et qui semble presque paisible à côté de la puissance et du potentiel de réserve du 2005.
Un très bon vin mais qui confirme ma préférence pour Chevalières sur ce millésime par son côté plus nerveux et élancé.
Très bien.
Meursault 1er cru, Les Perrières, 2008
Nez assez serré, presque discret, sur la pierre humide, des notes d'agrumes et un côté mentholé frais.
Bouche étonnante, ultra tonique, presque acérée mais aussi assez fermée aromatiquement. L'ensemble produit est d'un tranchant redoutable qui manque un peu de confort en l'état et en dégustation seule.
J'espère avoir l'occasion de revoir ce vin dans quelques années car j'avoue ne pas trop savoir comment il va évoluer, en espérant qu'il gagne du gras et de l'ampleur et prenne en profondeur sans perdre ce rythme en bouche assez impressionnant.
A attendre.
Meursault 1er cru, Les Perrières, 2006
Très joli nez ouvert, sur une franchise de fruit agréable, sur l'orange et les fleurs blanches.
La bouche est de tous les vins celle dont j'ai le moins de souvenir, agréable mais plus statique et en largeur, sans l'impact et la verticalité auxquels je suis habitué et qui me convient si bien.
Je pense que ce vin est à boire.
Meursault 1er cru, Les Perrières, 2001
Nez beaucoup plus frais et fin que le 2006, beau compromis classe de notes minérales et de zestes d'agrumes. L'ensemble fait encore très jeune !
Bouche brillante d'équilibre et de précision, sur une trame tendue dont le corps plein et dense à cœur s'étire très longuement dans une expression tonique et fuselée remarquablement balancée.
Finale longue d'une précision assez redoutable, avec une réserve de puissance vraiment délicieuse.
Excellent.
Meursault 1er cru, Les Perrières, 1996
Le nez est très curieusement marqué par des notes peu avenantes, sur un lacté aillassé qui m'évoque le fromage aux herbes.
Ce sera la seule tache sur ce vin a la bouche remarquable et qui réussit à allier une acidité motrice d'une grande puissance à une matière ample qui tapisse le palais.
Pas besoin de vous dire que le résultat au niveau du toucher de bouche est d'une profonde et d'une capacité de relance qui tient du redoutable !
Dommage que ce nez chafouin abime un peu la perfection de ce vin remarquable.
Très beau tout de même.
Je garderai plusieurs souvenirs forts de cette dégustation.
Tout d'abord, le grand sourire de Jean-François Coche, pas vraiment un homme démonstratif par nature, à son entrée dans la salle et avec son accent si bourguignon, son "aaah, ça sent bon le Meursault" ! Et c'est vrai que ça sentait furieusement bon dans la salle quand tous les postes étaient prêts !
Ensuite et alors que se déroulait le tour de table et que nombre d'amateurs et de professionnels détaillaient leur émotion et écoutaient les explications concises et franches de Raphaël et de son père, je ne perdais pas du regard Odile Coche discrètement assise au fond de la salle et qui profitait de cet instant avec un recul et une discrétion teintés d'une fierté simple, celle des instants qui récompensent les exigences d'une vie de travail et comme la réussite de toute une éducation.
Car force est de constater que l'ambiance chez les participants à la sortie de la salle était incroyable de retenue et d'émotion, comme si cette dégustation avait et allait marquer un cap dans leur lecture des vins blancs de Bourgogne et peut-être d'ailleurs.
J'ai ainsi entendu plusieurs professionnels, habituellement plutôt économes en superlatifs et toujours pointus dans leurs analyses des qualités comme des limites des vins servis, aussi prestigieux soient-ils, venir plus tard interroger Raphaël et JF Coche pour comprendre : "Mais comment faites-vous ? Je n'ai jamais bu un meursault comme ça !".
Réponse de l'intéressé, dans ce phrasé simple et franc qui correspond si bien à l'éthique de la famille :
"Il n'y a pas de recette, juste du travail."
***
Et comme un cochophile n'est jamais rassasié, j'ai profité quelques minutes plus tard de la présence de Raphaël Coche sur son stand pour longuement discuter avec lui, tout en m'hydratant sagement...
C'est que c'est important que de prendre de soin de sa santé si l'on veut durer dans des compétitions de ce type !
Tous les sportifs de haut niveau vous le confirmeront...
Meursault, Narvaux 2014
Nez avenant, délicat et ouvert, sur de jolies notes de fleurs blanches matinées d'un très fin grillé.
Bouche très équilibrée, d'un volume ample et à la fois rythmé, sur une richesse de constitution qui tapisse immédiatement le palais sans l'alourdir.
Les goûts sont fins, en droite ligne des senteurs du nez, très floraux et d'une grande pureté.
La finale est longue, traçante et énergique et d'une grande gourmandise.
Délicieux !
Meursault Caillerets 1er cru, 2012
Pas besoin de faire des phrases, ce vin est le frère ainé du village. Si son aromatique et sa construction de bouche lui sont directement similaires, sa densité, son impact et sa persistance sont d'une toute autre ampleur. La réserve de puissance et là encore, la capacité de relance du Caillerets sont impressionnantes, portant la finale extrêmement longuement sans pour autant lui sacrifier une irrésistible buvabilité.
Superbe vin !
Ouch, c'est qu'en bonne compagnie, le temps passe vite !
C'est presque l'heure du diner et j'ai pas encore chaussé ma tenue de milord, serre kiki, chemise à jabots et chaussures à bouts carrés, moi !?!
Vite, en chambre pour un ravalement d'urgence !
A suivre,
Oliv
Crédit Photos
Armand Borlant