Vient de paraitre :
Soif d'Aujourd'hui
. Sylvie Augereau. Antoine Gerbelle
la compil des vins au naturel. 250 vignerons / 300 vins / 100% raisin.
Tana Editions
au passage, en réponse au commentaire de Sébastien Lapaque, intégré à sa critique du livre dans la RVF de Décembre :
Je n'ignore pas que les vins de copains goûteux et naturels ont le don d'exaspérer un certain nombre d'amateurs, mais j'ai bien l'honneur chez moi, dans cette revue, à cette place, de dire que très sciemment, ils m'enchantent.
On est content pour toi Sébastien
que j'ai tant croisé aux dégustions de la cave Augé dont bien des vins m'ont également enchanté
mais il faut remettre les pendules à l'heure en te reprenant au mot : c'est par désenchantement que bien des amateurs, à priori disponibles et curieux de découvertes, s'exaspèrent parfois de se sentir trompés, quand ce coté goûteux, franc et limpide, que l'étiquette ou la réputation du vigneron laissaient promettre, est "dénaturé" au pire par des défauts organoleptiques, au mieux par le gout un peu commun que l'on retrouve trop souvent dans nombre de ces vins. Pas tous, comme voudraient le faire croire ceux qui nous cantonnent dans un clan anti-nature, parce ce que l'on ose émettre des réserves sur des bouteilles qui nous paraissent défectueuses ou pas à notre gout.
Vu l'édito - plutôt mesuré -
de Denis Saverot, sur la fracture présumée entre les "nature" et les "anti nature", il semblerait que le sujet fasse également controverse dans l'équipe de la RVF. Pierre Citerne dans son article
Déviances et terroir : défions-nous des absolutismes. émet des réserves sur
cette fixation sur les déviations du vin qui lui semblent
aussi étroites que fragiles. En rajoutant :
La sensibilité olfactive et gustative est extrêmement variable d'un individu à l'autre, on peut s'en apercevoir tous les jours. Quelques microgrammes de telle molécule aromatique se combinent avec le passé, les manies et les envies de chacun...Défaut pour l'un, qualité pour l'autre : le vin doit demeurer un espace de liberté.. Cette relativité d'un dégustateur à l'autre a souvent été évoquée ici, mais ne transformons pas ce qui relève du bon sens en sophisme : en forçant le trait, quand un vin sent la merde, il ne sent pas la rose !
Sur la même RVF, le débat entre Alexis Goujard et Olivier Poussier autour d'un Pouilly-Fumé d'Alexandre Bain (Pierres Précieuses 2015), retoqué de l'AOC pour son coté oxydé est assez édifiant. En simplifiant, AG est totalement fan de
ce sauvignon parfumé, incroyablement proche du raisin, quant OP discerne une oxydation prématurée qui lui fait dire :
il est comme qui dirait mort né. L'échange d'arguments continue : OP
parvient à reconnaitre le sauvignon, mais en aucun cas à percevoir l'expression du terroir de Pouilly Fumé qui selon lui
doit sentir le caillou, être porté par un fruit éclatant. AG précise que la mention de l'étiquette (vinifié et élevé sans produit oenologique)
est une démarche peu courante à Pouilly Fumé, ce à quoi OP rétorque :
Nous voici aux limites de cet exercice périlleux, l'élaboration d'un vin sans intrants. Je trouve dommage que des raisins sains, issus d'une viticulture biodynamique ne soient pas accompagnés en cave avec plus de précision dans la vinification et l'élevage. Une petite dose de sulfites lui donnerait de l'éclat dans la jeunesse et lui offrirait la perspective de quelques années de garde. Et AG de surenchérir :
la chair gouteuse et la franchise de ce 2015 me plaisent beaucoup. Ce vin semble offrir le meilleur de lui même.. OP peu optimiste sur l'avenir de ce vin, clôt l'échange par le rappel que le 2014 dégusté à l'occasion du dossier des
50 grands sauvignons du monde,
était mort, alors que c'était un fantastique millésime de garde et lui propose la dégustation d'un autre vin..
en pleine forme ! Au final, AG rebouche la bouteille pour la faire gouter une heure plus tard à ses collègues de la RVF où il finit par reconnaitre que
le vin avait beaucoup évolué, offrant des notes de saké...très oxydées.
Que peut-on en conclure ? Des gouts et des couleurs, certes, et la suggestion, comme l'évoque Citerne, que le vin doit demeurer un espace de liberté...mais bon Dieu, sans nous faire prendre des vessies pour des lanternes !! Qu'il y' ait une différence d'appréciation sur des notes oxydatives, passe encore, mais quand un vin se barre en c...je trouve stupéfiant qu'il y' ait des personnes prêtes à le défendre becs et ongles en considérant ceux qui ne sont pas d'accord, comme des adversaires. S'il faut appartenir à un camps, notre choix est déjà celui du
jamais contre, d'abord, ce qui n'exclue pas les désaccords argumentés et l'exercice difficile d'être le moins dupe possible sur toute forme de croyance.
Daniel