[size=large]C'est donc le ventre joyeux et l'esprit clair que je peux entamer un après midi qui s'annonce riche.
Je décide de m'éclipser quelques temps pour une petite balade digestive dans le somptueux parc de plusieurs hectares qui entoure la Villa d'Este. Cette inconsciente tentative de limiter l'expansion naturelle de mon tour de taille va juste me prouver combien mes grandes heures sportives sont derrière moi !
Ouais ben rigolez pas ! J'voudrais vous y voir à arpenter un chemin qu'on vous annonce pour joggueur et qui s'avère rapidement plus proche de l'alpinisme pour cador de la grimpette que de la promenade digestive pour professionnel de la descente.
Ah di djiou, j'ai bien cru que j'allais y laisser un poumon, aussi à l'aise dans la montée qu'un rhinocéros faisant du ski nautique !
Va vraiment falloir que j'arrête de fumer, moi...
Comment ça, je fume pas ? Ah mince...
C'est donc ahanant comme une vieille loco que je presse le pas pour rejoindre un séminaire qui m'intéresse beaucoup, l'amateur à Livret A que je suis se sentant vraisemblablement plus concerné par son sujet que par les matinales problématiques d'investissements pour millionnaires en mal d'opportunités financières.[/size]
images.glop.fr/OlivL...
Évolution de la consommation de vins dans la haute restauration
Antonio Santini (Restaurant Dal Pescatore – Canneto sull’Oglio) & Philippe Bourguignon (restaurant Laurent – Paris)
[size=large]Le monde change et il n'y a pas de raison que celui du vin échappe au phénomène.
Antonio Santini et Philippe Bourguignon peuvent chacun revendiquer d'un recul de plusieurs décennies et témoigner ainsi via le prisme de la restauration des (r)évolutions qui ont pu jalonner leur parcours dans le monde du vin.
Le point commun patent entre les deux pays réside dans les volumes consommés à table !
Alors qu'il était d'usage en Italie au début de carrière de M. Santini de servir un vin par plat (donc 5 vins), la consommation s'est réduite à compter des années 90 à une bulle et un vin, blanc ou rouge, pour accompagner le repas.
L'apparition des demi bouteilles puis du vin au verre a constitué une réponse à cette restriction des possibilités en partie imposée par l'envolée des prix mais également par les législations routières, en particulier pour les établissements situés hors des plus grandes villes.
Le rôle du sommelier a subi une vraie révolution, passant d'un univers où les références en cave étaient moins nombreuses et les clients moins curieux, où le vin était en Italie le plus souvent servi à des températures de salle. Il faut avoir écouté M. Santini narrer avec une faconde toute italienne la sublime anecdote d'un pari face à un client interloqué par l'annonce des température de service sur la carte des vins et qui prétendait que le vin rouge qui lui était servi était à moins de 10° alors qu'il était à 16° ! Du temps du chambrage à l'ancienne en bord de fourneaux...
Le professionnel a de plus en plus souvent affaire à une clientèle plus instruite, curieuse mais aussi parfois pénible à gérer quand elle nie le travail de conseil du sommelier en étudiant la carte des vins smart phone sur la table et en analysant les grands noms ou les tarifs à l'aune des notations des autres.
Si le sommelier doit vendre une carte qui participe de l'équilibre financier de l'établissement, le rôle pédagogique du professionnel est aussi d'éduquer sa clientèle à des horizons géographiques ou gastronomiques qui lui sont inconnus.
Le témoignage des décennies de carrière de Philippe Bourguignon prend alors tout son intérêt.
A ses débuts il y a 40 ans, la formation à la sommellerie n'existait pas et le vin était acheté par le personnel de salle et hormis le sommelier du Grand Véfour, la constitution des cartes était choses prises en main par des personnalités aussi fortes que René Lasserre, André Terrail ou André Vrinat.
On débutait comme caviste à rouler les fûts et mettre en bouteille les cuvées du restaurant était un passage obligé avant d'espérer accéder à la salle.
Le déséquilibre des cartes était patent, majoritairement constituées de vins de Bordeaux, proposant quelques bourgognes de grands négociants, très peu d'alsace ou de vins du Rhône. Quelques établissements conseillés par Raymond Baudouin, le créateur de la RVF, mettaient à leur carte des vins de vignerons qui se révèleront bientôt les étoiles de demain.
Les achats en primeurs étaient compliqués car s'effectuaient au tonneau, limitant par la même le nombre de références possibles sur la carte.
La clientèle était peu curieuse, privilégiant peu ou prou toujours le même vin, quasi toujours un Bordeaux et restait à table jusque tard dans l'après midi.
Les températures de service étaient élevées, souvent dépassant les 20° et la verrerie inappropriée ou, au mieux, très banale. A noter que c'est la création du verre Inao qui constitua la vraie révolution, inaugurant une démarche qui mène aux créations multiples que l'on connait aujourd'hui.
1976 et le Jugement de Paris fait exploser les frontières jusqu'ici limitées aux vins hexagonaux et les années 80 voient l'émergence d'un jeune avocat américain dont l'influence considérable va initier une demande mondiale et donc une hausse des prix.
Alors qu'il était d'usage de commander les premiers crus par 120 cols et les seconds par 600, la présence des très grands vins se réduit comme peau de chagrin.
Une anecdote qui en dit long : avec son salaire de jeune sommelier au Laurent, Philippe Bourguignon parvenait à s'offrir une caisse de chaque premier (au prix de quelques efforts tout de même). En 2009, alors qu'il est Directeur de l'établissement, pas besoin de vous faire un dessin...
Les premiers s'éloignent et laissent la place aux supers seconds puis à des vins comme Haut Marbuzet ou Sociando Malet.
En 1980, Las Cases 1978 est à 52F, Branaire Ducru à 40F. En 1995, le premier est à 255F, le second à 125. Les années 2000 sortent les clous pour le cercueil, Las Cases est à 800F, Branaire à 210F...
Les clients commencent à boire des notes Parker et les hausses de prix grignotent de plus en plus les capacités à croiser ces vins sur table.
Bordeaux s'éloignent des cartes des vins...
C'est la grande période du Saumur Champigny et du Bouzy rouge sur les tables parisiennes, les cartes sous l'impulsion d'agents privés s'ouvrent à ceux qui deviendront les stars bourguignonnes d'aujourd'hui, aux tarifs vite rattrapées par une inflation galopante (120 Chevalier Montrachet du domaine Leflaive et 300 Pucelles rentrés à l'époque pour 12 et 60 aujourd'hui...).
Le champagne remplace le whisky en entrée de repas et le chariot à liqueurs est remisé au grenier. Ne pas boire de vin n'est plus considéré comme une incongruité et des réflexions comme "tu ne bois pas, ça m'arrange" sont régulièrement entendues aux tables du restaurant.
Les vins au verre comme les vins rosés ou nature font leur apparition sous la pression d'une clientèle qui ne conçoit pas de boire autre chose.
Le chardonnay reste la référence en blanc mais le riesling est le cépage des amateurs. Les champagne de récoltants gagnent du terrain mais les liquoreux ne se vendent plus.
Les commandes de demi bouteilles apparaissent, témoignant d'une baisse de consommation et la clientèle devient de plus en plus attentive aux certifications bio.
Dans le rapport sommelier/client, deux attitudes se côtoient.
Alors que le professionnel de l'ancien temps était habitué à des questions comme "quand dois-je boire ce vin que j'ai en cave ?", le sommelier actuel est de plus en plus souvent astreint à répondre à des questions du type "j'ai cette bouteille, dois-je la vendre et comment?" et à constater l'appauvrissement de la clientèle.
Alors vous allez me dire devant ce tableau, on déprime et on liquide égoïstement nos caves avant de plier les gaules ?
Ce serait mal connaître la personnalité ouverte, discrète et généreuse de Philippe Bourguignon.
Alors que l'on pourrait s'imaginer de la part d'un professionnel de son expérience et de son niveau une attitude professorale ou tout simplement figée sur des certitudes, cet homme qui a écrit un des livres les plus intelligents sur les accords mets et vin en remontrerait de savoir être, de sagesse et hauteurs de vue à nombre de sommeliers plus médiatiques aux certitudes vite proclamées.
Le travail du sommelier est une profession de compromis, face aux attentes ou certitudes du client, face aux ajustements à opérer avec les plats du chef également.
Le métier a changé et il est peut être temps de repenser ces cartes vitrines où s'empilent les grands noms statutaires de plus en plus difficiles à vendre pour leur préférer des cartes resserrées, moins prestigieuses de prime abord peut-être mais plus passionnées, resserrant le travail du sommelier sur sa relation avec les vignerons et sur le conseil au client.
Vendre du vin, c'est alors raconter une histoire, un terroir, une vision du monde.
Pour avoir eu la chance de plusieurs fois participer à des repas au Restaurant Laurent, un établissement où l'amour du vin est encore respecté et où l'amateur est toujours bien accueilli, comme celle d'écouter ses débriefings aussi modestes que brillants lors des dégustations de prestige, cet homme à mes yeux incarne la distinction simple et pointue du connaisseur dont la vraie passion du vin ne se résume pas à des certitudes balancées à la face du monde ni à d'obscurs calculs de marge.
Alors que la matinée m'avait provoqué quelques tensions dans la mâchoire à force de serrer les dents, c'est serein, le sourire aux lèvres et le moral au beau fixe que je rejoins la salle Véranda pour la prochaine dégustation qui s'annonce.
Monsieur Bourguignon, merci !
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La dégustation Haut Brion - Mission Haut Brion
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[size=large]On avait dit qu'on se dirait tout, hein ? Donc frustration incluse ? (
)
Vous devez vous dire jusqu'ici : "quel veinard, cet Oliv !" et vous avez raison !
Alors que je prends place dans la salle impeccablement climatisée et me prépare à la dégustation qui s'annonce, je subis comme un petit retour de Karma vicelard du Dieu Bacchus qui doit trouver qu'un rappel à la modération est nécessaire pour m'éviter d'hypertrophier du cigare ou de risquer le burn-out.
Un petit quiproquo dans les cartons d'inscription fait qu'il manque un poste pour un dégustateur. François est tout marri mais je le rassure immédiatement en cédant bien naturellement ma place.
On va quand même pas se filer des regrets avec tous les grands moments qu'on a encore à vivre pendant ces trois jours !
Contrairement à une légende urbaine, n'étant que peu adepte du pipotron, vous n'aurez donc droit, comme moi, qu'au choc des photos.
J'ai longuement hésité à poster car en l'état, je sais que l'intérêt est plus que limité mais si un dégustateur inscrit peut m'envoyer le poids des mots, ce sera avec plaisir que je complèterai le vide, sous copyright bien sûr.
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Château La Mission Haut Brion 2000
images.glop.fr/OlivL...
Château Haut Brion 2000
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Château La Mission Haut Brion 1989
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Château Haut Brion 1989
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Château La Mission Haut Brion 1975
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Château Haut Brion 1975
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Château La Mission Haut Brion 1961
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Château Haut Brion 1961
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[size=large]Navré de cette occasion manquée...
On va essayer de se rattraper au plus vite !
A suivre...
Oliv[/size]