[size=large] A peine sorti de la dégustation des cépages rares et alors que se déroule la verticale des vins du domaine de la Romanée Conti, je filoche rejoindre le salon Impero où sont présentés les vins des producteurs présents pour la dernière ligne droite de cette longue et belle journée.
Un homme à la démarche gaullienne et à la jovialité bonhomme affiche l'air réjoui de celui qui est heureux d'être en ces lieux.
C'est une mémoire vivante de la Bourgogne ancestrale que je croise, un de ces enfanteurs de morceaux de patrimoine qui font la légende des grands vins, le maître de chai du domaine de la Romanée Conti, l'immense Bernard Noblet.
J'arrive malheureusement trop tard pour goûter l'Echezeaux et la Romanée St Vivant 2009 présentés en dégustation. On peut pas être partout !
Quand je vous dis que Boudu de palace, c'est pas un métier facile, j'espère que vous me croirez ...
C'est aussi ça, le VDEWS, un enchaînement redoutable d'instants uniques tous plus alléchants les uns que les autres, de bouteilles de rêve dont il serait crétin de se frustrer de ne pas les avoir goûtées, de rencontres rares dont les fortuites sont parfois les plus passionnantes.
Essayer de faire des choix est un impératif catégorique et cornélien mais le bonheur vous attend parfois au coin du hasard... [/size]
Alors que se déroule la dégustation de prestige, les vignerons présents ont l'opportunité de faire goûter leurs vins.
Florilège des maisons et des vins qui m'ont convaincu (ou pas) lors de ce dernier moment :
Weingut Dönnhoff
Une série de riesling 2012 !
Le
Roxheimer Höllenpfad Trocken propose un nez fin et pur, sur les fruits blancs.
La bouche est élégante, d'une facilité déconcertante, par un équilibre très agréable entre douceur et acidité. Goûts purs quoique discrets.
Finale tendue, savoureuse et fraiche.
Un vin très facile, droit et généreux dans le plaisir qu'il donne.
Le nez du
Schlossböckelheimer Felsenberg GG Trocken est complexe, serré, fin, sur des notes de menthe et de mandarine.
Attaque franche, avec du fond, sensation de densité, presque d'opulence. L'acidité joue son rôle pour donner de l'allant à ce beau volume.
Finale marquante, sur de beaux amers. Vin avec beaucoup de fond, à attendre.
Le
Niederhäser Hermannshöhle GG Trocken est absolument redoutable de précision et d'évidence. Si le nez est assez fermé, sur les agrumes, la bouche est un laser, une toile d'araignée, un katana, le genre de vin dont la structure semble fragile comme du cristal mais qui tinte avec une précision d'école en bouche en proposant un ensemble qui allie avec perfection tension et puissance.
Vin de structure en l'état mais un vrai bijou ! Superbe !
L'
Oberhäuser Brücke Auslese est un vin fermé, au nez très discret.
La bouche est d'une grande élégance, concentrée, impactante avec un sucre parfaitement intégré à une acidité d'école.
Équilibre dense et tonique sans aucune faiblesse de constitution. Goûts mentholés et d'agrumes.
Finale suave et douce quoique assez fermée.
Un vin très bien né. A attendre.
Gamme magnifique de finesse et de précision.
Chapeau bas au domaine !
KRSMA Estates (Inde)
Joli nez élégant et gourmand sur les fruits exotiques bien mûrs sur le
Sauvignon 2013.
Bouche plus simplette, manquant de fond mais pas désagréable par sa pureté de fruit.
En revanche, le
Cabernet Sauvignon 2012 et le
Sangiovese 2012 sont marqués par des boisés caricaturaux et des amertumes assez rébarbatives.
Il reste encore du travail pour parvenir à équilibrer les vins.
Querciabella (Toscane)
Pas du tout convaincu par le boisé outrancier du
Batàr 2011 comme 2006 (assemblage Chardonnay / Pinot Blanc), au corps pâteux et affreusement écœurant.
Le
Palafreno (100% merlot) est bien mieux en place, sur un fruit noir agréable et une bouche douce, un peu charnue et pommadée mais sympathique sur le millésime 2010, beaucoup plus tannique et nerveuse sur le 2004.
Le
Camartina (70% Cabernet Sauvignon / 30% Sangiovese) est plus frais, plus élégant quoique tout de même lui aussi marqué par un côté assez démonstratif.
Nez frais, sur le cassis et la myrtille, bouche très serrée sur le 2010 à l'acidité puissante, bien plus équilibrée sur le 1999 qui reste toutefois un vin puissant qui appelle la table.
Une gamme de rouge bien faite, assez moderne dans les fruités et les volumes généreusement mis en avant.
Domaine Denis Mortet (Gevrey Chambertin)
Nez de fruits noirs frais, de fumée, de cendres pour ce
Gevrey Vieilles Vignes 2011.
Bouche à l'attaque d'une grande suavité, aux tanins soyeux et gras de très belle qualité et à l'acidité bien intégrée.
Finale sur un élevage très perceptible mais qui devrait se fondre sans souci au vu de la belle matière.
Le
Gevrey 1er Cru Les Champeaux 2011 propose un nez bien mûr, sur les fruits rouges, le pamplemousse et un boisé luxueux.
La bouche offre un jus superbe, là encore aux tannins remarquablement soyeux.
Finale sur un fruit pur et un élevage large mais hyper qualitatif.
De beaux vins taillés pour la garde, à attendre impérativement pour que le boisé se fonde.
Chêne Bleu (Vaucluse)
Joli nez sur
Aliot 2010 (base de grenache blanc), sur les fruits blancs, la pêche, et au grillé fin.
Bouche pleine, sur un volume certain mais bien maitrisé, sans excès de rondeurs. Sensation d'une certaine classe gourmande.
Jolis amers qui permettent d'étirer une finale un peu chaleureuse. Joli vin.
Les rouges sont en revanche beaucoup trop concentrés pour mon palais.
Nez sur le cassis et les fruits noirs compotés. Notes fumées. Bouche charnue à la douceur réglissée et tanins gras sur
Héloïse.
Abélard 2007 est en revanche un vin à attendre encore longtemps en espérant qu'il trouve un point d'équilibre.
En l'état, le vin offre une matière large et douce, presque sucrée en attaque, dont les tanins très puissants permettent de rafraichir un peu la masse.
Finale bien trop large et assez écœurante en l'état pour ce vin à boire à la petite cuillère.
Mon pdf est dans le rouge !
Szepsy (Hongrie)
Beau nez miellé et fin pour le
Uragya 2011.
Bouche aux étonnants goûts de bergamote, agréable par sa fraicheur et son évidence.
Moins convaincu par le côté brouillon et l'élevage assez marqué et peu élégant du
Szent Tomas 2007.
Bouche puissante à l'acidité nette mais aux amers déséquilibrés en finale.
L'
Aszu 6 Puttonyos 2007 propose un nez confit, sur l'ananas et le miel.
Bouche ultra concentrée mais sans lourdeur pâteuse.
Manque un peu de relief et semble toutefois un peu statique en bouche.
[size=large]Le soleil s'est couché sur le lac qui reflèterait sûrement la lumière de la lune si les brumes automnales ne le nappaient déjà de leurs mélancolies.
Chacun remonte dans sa chambre pour se préparer à la remise du prix Lalique et au repas de gala qui clôturent l'évènement.
Après Helmut Dönnhoff l'an passé, le Symposium honore lors de cette édition 2013 un vigneron dont le travail opiniâtre et discret de collecte historique et de refondation du vignoble de Tokaj mérite un tel soutien.
Alors que son nom est annoncé par François Mauss au micro devant une assemblée qui comprend parmi les plus célèbres et influents vignerons du monde, Istvan Szepsy monte sur scène avec l'émotion visible d'un homme plus habitué aux profondeurs sombres de la cave et aux rudesses de la vigne qu'aux hauteurs des podium et aux crépitements des flashs.
Derrière le faste molletonné, les bouteilles prestigieuses et les dorures luxueuses, c'est aussi ça le VDEWS ! Honorer et soutenir le travail d'un vigneron discret et à travers lui la renaissance d'un vignoble tout entier ![/size]
[size=large]Il est temps de rejoindre l'immense salle où sera bientôt servi le dîner de gala.
Les sourires sont sur tous les visages et même si bien évidemment, tout le monde est à la hauteur du moment, c'est à dire sur son 31 au carré, on sent les convives heureux, navigant dans une ambiance décontractée, douce et souriante pour le moins réjouissante. Manquerait plus que des fâcheux qui tirent la tronche, vous me direz !
Rien de guindé dans ces instants, ni gêne ni froideur dans ce que l'on pourrait imaginer vu de l'extérieur comme un pince fesses mondain pour happy few et qui se révèle pour celui qui a le plaisir et les moyens d'y participer comme un moment de vin, hors normes certes mais un moment de vin tout de même, c'est à dire un de ces instants conviviaux où le plaisir de la table ouvrent des horizons heureux.[/size]
[size=large]C'est tout le talent de la famille Mauss et de l'équipe de la Villa d'Este que de savoir instiller cette simplicité joyeuse dans un univers de perfection.
Les premiers vous entourent d'une affection tendre et, dans mon cas personnel, toujours rassurante dans ce milieu qui n'est pas le mien.
Je tiens à exprimer à Marité et François ma très sincère émotion pour l'honneur et la joie qu'ils m'ont faites de me convier à leur table pour ce dîner de gala.
Je n'en dirai pas plus, les superlatifs dégoulinants ne retranscriraient que trop mal ce que je ressens pour cette famille.
Il faut également dire et redire combien le niveau du service est à vous couper le souffle !
Le ballet des serveurs en salle comme l'incroyable précision du travail en cuisine est sidérant de maitrise.
Combien de maisons dans le monde peuvent s'enorgueillir de poser sur l'assiette de 200 convives un soufflé à l'antépénultième seconde avant sa détumescence ?
Fut-il de haut niveau, l'esprit traiteur si commun à des évènements de cette ampleur ne touche aucun plat, les cuissons sont parfaites et le service d'une exceptionnelle précision.
Quand la maitrise se fait simplicité, quand les rouages du travail fourni se muent en excellence et fluidité, on peut véritablement parler d'Art et de Gastronomie.
Un énorme bravo à toute l'équipe de la Villa d'Este, en salle comme en cuisine !
Yababadabadou roucoule le Président à sa turbulente assemblée...
C'est signe qu'il est temps de passer à table !
[/size]
[size=x-large]
Le dîner de gala
[/size]
images.glop.fr/OlivL...
Champagne Piper-Heidsieck, Rare, 1998
Robe dorée claire et à la bulle très fine.
Superbe nez fin, sur les fruits blancs et de délicates notes grillées de la plus haute élégance.
Bouche pleine au volume ample et traçant, sensation de puissance contenue remarquable.
Finale fraîche et très persistante, sur des goûts nobles qui m'évoquent les grands chardonnays sous bois.
Superbe !
images.glop.fr/OlivL...
Astice con fondente di baccalà, ceci e olio al rosmarino
[size=x-small]Homard au fondant de morue, pois chiches et huile de romarin[/size]
images.glop.fr/OlivL...
Weingut Tement, Sauvignon Blanc GC Zieregg, 2011
Robe cristalline.
Nez affreusement marqué par des notes réduites et soufrées et un côté variétal d'incontinence de vieux matou sur bosquet de buis.
Même si la bouche propose un joli volume à l'acidité agréable, difficile de passer outre ce prélude écœurant qui bride toute aromatique.
Un vin que j'avais bien mieux goûté le premier jour.
A revoir.
images.glop.fr/OlivL...
Maison Trimbach, Clos Sainte Hune, 2007
Robe sur un doré léger.
Nez qui démarre finement, sur les fruits jaunes et un léger pétrole et qui gagnera en précision et en ampleur tout au long du repas.
Bouche superbe, à l'acidité d'école (0.7 de sucre !) et au volume à la puissance génialement contenue !
Le vin se pose délicatement sur la langue et alors qu'on le croirait sévère et étique, il prend son envol dans une montée en gamme assez impressionnante.
Les goûts sont fins et francs, sur le pétrole et les fleurs blanches.
Finale acérée et impactante de très grande classe.
L'accord est brillant sur le homard comme sur le risotto au safran.
Superbe vin !
images.glop.fr/OlivL...
Risotto ai pistilli di zafferano e funghi Porcini
[size=x-small]Risotto au safran et cèpes[/size]
Plat absolument génial d'évidence gourmande !
Un grand moment qui vaudrait presque le voyage à lui tout seul !
images.glop.fr/OlivL...
Château Pauque, Clos du Paradis, 2009
Robe dorée.
Nez solaire et assez écœurant de caramel qui bride un ensemble sur la pêche de vigne.
Bouche lourde qui confine à la mollesse, aux goûts fruités primaires assez monolithiques.
Finale statique marquée par des notes sucrées.
Je n'ai pas aimé du tout ce vin.
images.glop.fr/OlivL...
Roberto Voerzio, Barolo Riserva Fossati Case Nere, 2004
Robe grenat foncé.
Nez complexe qui oscille entre les fruits rouges cuits, des notes d'épices (résine) et un boisé assez présent.
Superbe bouche juteuse, au volume sans excès et parfaitement élancé par une acidité parfaite.
Belle finale énergique et franche, sur les fruits rouges et une grande présence tactile, aux tannins encore à polir.
Une grande bouteille d'avenir si l'élevage ne sèche pas le vin.
Très beau sur le pigeon.
images.glop.fr/OlivL...
Petto e coscia di piccione con foie gras, bottaggio e datteri
[size=x-small]Poitrine et cuisse de pigeon & foie gras, potée et datte[/size]
La cuisson du filet est absolument parfaite, son partenaire de bouchée apportant une suavité et une douceur absolument géniale alors que la cuisse confite se grignote à la colle aux doigts dans un moment délicieusement canaille.
Grandiose !
images.glop.fr/OlivL...
Maison Jadot, Corton-Pougets Grand Cru, 2001
Robe grenat clair un peu roussie.
Nez en début d'oxydation, sur le viandox, le vieux bois et n'offrant plus de fruit.
Bouche sans vie ni fond qui confirme la fatigue, sur un ensemble décharné qui n'a plus que son acidité à offrir.
Finale creuse et franchement rébarbative.
Grande déception.
images.glop.fr/OlivL...
Vega Sicilia, Tinto Valbuena 5, Ribera del Duero, 2008
Robe sombre.
Beau nez capiteux, ample, puissant et doux à la fois, sur les fruits noirs, l'orange, un boisé luxueux et baroque.
Très belle bouche charnue et ample mais sans une once de lourdeur.
Texture épaisse parfaitement relancée par une très belle acidité.
Les tanins sont soyeux et totalement intégrés.
Finale fraiche et gourmande qui appelle à se resservir.
Très beau vin, savoureux et franc !
images.glop.fr/OlivL...
Gorgonzola con marmellata di cipolle rosse
[size=x-small]Gorgonzola et marmelade d'oignon rouge[/size]
No comment pour pas vous chanter la Traviata...
[size=x-small]Et un grand merci à Mlle Olivia M. pour son sens du sacrifice ![/size]
images.glop.fr/OlivL...
Szepsy, Tokaji Aszu 6 Puttonyos, 2006
Robe vieil or.
Nez superbe, sur la pêche rôtie, l'orange confite, des senteurs anisées et d'herbes séchées.
Bouche à l'attaque puissante, d'une grande douceur bien tranchée par une jolie acidité.
L'ensemble manque toutefois un peu de nerf pour se relancer et à compter du milieu de bouche, j'eus souhaité un peu plus de tonus et d'allonge.
Un vin agréable, à siroter lentement.
images.glop.fr/OlivL...
Soufflé al cioccolato, salsa arancia
[size=x-small]Soufflé au chocolat, sauce à l'orange[/size]
***
[size=large]Voilà, c'est fini...
Il est temps de refaire sa valise lesté de tant de beaux souvenirs et de grands moments épicuriens.
J'aurais souhaité vous parler plus avant des vins de Tokaj si bien défendus par M. Sepszy, des problèmes rencontrés et des nouveautés développées par l'industrie du verre et ses 25 milliards de bouteilles de vin produites chaque année, du vin en Chine, mieux parler des plats et décrire plus précisément les vins...
J'aurais voulu mieux témoigner de tous ces beaux instants, des petits et des grands vins bus, des rencontres inédites et de tout ce dont je n'ai encore sans doute pas pris conscience...
Mais sincèrement, j'en peux plus !
Comme le silence après Mozart est encore du Mozart, trois jours à la Villa d'Este, ça vous marque pour un moment et ça se retranscrit pas comme on envoie une lettre à la Poste.
Je vous laisse donc imaginer le reste...
L'esprit encore présent aux bords du Lac de Côme, un RER bruyant arrive en gare de Roissy.
Quand yabadabadou rime avec triloulou...
***
Ah si, un petit truc pour conclure puisqu'il faut pas oublier de revenir sur Terre.
A tous les salopiots de Gunthards qui attendaient avec une impatience sadique la groooosse gaffe de ma part, je dis, je clame, je hurle...
Que tchi, Walou, même pas l'ombre d'une petite goutte de rouquin sur les belles nappes blanches de la Villa d'Este ou de moments de panique à la sortie d'la douche !
Bon, y'a bien eu un léger petit incident en montant dans l'avion au retour.
Quand j'vous dis qu'il est cuit, le pauvre routard atteint de levé-d'coude-Elbow et fracassé au Jet - lag...
Un incommensurable merci à François Mauss comme à LPV, son équipe en tête, de permettre à un modeste amateur de vivre tout ça...
J'ai décidément beaucoup beaucoup de chance...
Amitiés à tous,
Oliv[/size]