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Verticale Grands Echézeaux/Richebourg, Domaine de la Romanée Conti.
WWS, 10 novembre 2012
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[size=large]Dans l'air règne depuis ce matin comme une excitation certaine et un diffus sentiment de respect.
L'arrivée d'Aubert de Villaine au milieu de dizaines d'invités pour la conférence pendant laquelle il présentera le Domaine de la Romanée Conti impose naturellement un impressionnant silence.
Y'aurait-il bien un mystère, une magie Conti, celle-là même qui vit un jour naitre cette anecdote racontée par M. de Villaine et qui illustre bien la mythologie du domaine ?
"
Un courrier parvint un jour à Vosne en provenance des USA, comportant une lettre et quelques cailloux accompagnés d'un peu de terre.
Un amateur américain racontait que, se promenant dans le vignoble, il osa s'aventurer par dessus le muret de la Conti pour prélever une poignée de la terre de la parcelle mythique.
A compter de ce moment, toutes les catastrophes possibles s’abattirent sur lui : sa voiture de location refusa de démarrer, son avion de retour faillit s'écraser, des soucis de santé affectèrent ses proches.
Craignant d'avoir déclenché ainsi une malédiction par ce geste sacrilège, il demandait au domaine de bien vouloir rendre à sa terre d'origine ces quelques cailloux maladroitement prélevés, cause de tous ces ennuis.
Ce qui fut fait."
L'histoire ne dit pas si les ennuis du monsieur s’arrêtèrent alors... (
)
***
Un petit mot sur l'impeccable protocole de service lors du WWS.
La pièce est tenue à température très fraiche afin que les vins ne se réchauffent pas trop vite.
Chaque vin est servi dans un verre adapté, positionné sur un napperon étampé d'un numéro. Impossible d'inverser un vin !
Une bouteille d'eau et une miche de pain accompagnent chaque dégustateur.
Des fiches correspondant aux vins servis sont prêtes à être noircies.
Un dernier point, remarquable et essentiel : François Mauss insiste avec une salutaire autorité sur la nécessité de silence absolu pendant la dégustation et ce afin que chacun puisse se faire un avis, en fonction de ses goûts, son expérience, sa lecture personnelle du monde du vin et ne pas se voir parasité par l'enthousiasme débordant d'un dégustateur volubile, les doutes hululés bien fort d'un sensible aux bretts ou encore la pression inhérente à l'avis donné par un grand sommelier ou un critique prestigieux.
Et pour avoir vu le maître des lieux à l'oeuvre, je peux vous dire que la ronflée en cas de non respect des règles vaut le Cap Horn un soir de tempête sinon des risques d'excommunication.
Tout cela pour vous dire que l'ambiance est monacale, studieuse et quelque part... un peu impressionnante pour moi !
Allez, on se lance... goûtons !
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Domaine de la Romanée Conti, Grands Echézeaux, 2009
images.glop.fr/OlivL...
La robe est grenat foncé, sur de nets reflets brillants.
Le nez est fin, peu ouvert, sur des notes de petits fruits rouges (fraise des bois) mâtinée d'un trait végétal et de senteurs poivrées et boisées (cacao).
La bouche me semble bien fermée, présentant une acidité importante avec un boisé présent. Le fruit n'est que peu accessible.
Le réchauffement et l'aération dans le verre détendent un peu cet ensemble très monobloc et assez peu amène en l'état pour révéler un côté mentholé type After Eight assez surprenant.
Les tanins sont de grande qualité mais le vin me semble d'une jeunesse qui impose la patience.
Domaine de la Romanée Conti, Richebourg, 2009
images.glop.fr/OlivL...
La robe est bien plus sombre et concentrée que le Grands Echézeaux, sur des notes sombres qui m'évoquent l'aubergine.
Le nez est très fermé, ne transparaissent que des senteurs grillées.
La bouche attaque sur un volume impactant, d'une concentration là encore plus forte que sur son prédécesseur.
L'aromatique du vin est totalement fermée, s'exprimant en l'état uniquement sur des notes épicées et boisées.
L'aération et une longue présence en bouche révèleront un compromis intéressant entre des goûts fruités (framboise) et végétaux (fougère).
Mais il faut grumer le vin longtemps pour aller les chercher.
Le vin est puissant, assez strict, sur une finale fraiche marquée par une masse tannique importante qui lui donne un côté viril et presque austère en l'état.
Il semble urgent d'attendre !
Domaine de la Romanée Conti, Grands Echézeaux, 1999
images.glop.fr/OlivL...
La robe est dense, sans trace notable d'évolution.
Le nez attaque sur des senteurs épicées et une pointe tertiaire qui m'évoque le léger sous-bois.
L'aération verra apparaitre quelques minces notes de figue fraiche et de framboise.
La bouche attaque sur un corps délié et un équilibre élégant entre une matière droite et une jolie acidité.
Le vin s'exprime sur une aromatique discrète, des notes de pivoine et de framboise, avec une touche boisée épicée assez forte.
Les tannins sont parfaitement bien intégrés et la finale est agréable, d'une grande fraicheur.
Un vin assez fermé qui ne s'offre pas totalement.
Domaine de la Romanée Conti, Richebourg, 1999
images.glop.fr/OlivL...
La robe est très dense, quasi noire.
Le nez est totalement renfrogné, presque muet.
La bouche attaque sur des goûts mentholés et poivrés qui m'évoquent irrésistiblement la vendange entière. Encore une fois, le fruit semble masqué.
La présence tactile est en revanche remarquable, sur une texture serrée, puissante, construite autour d'une superbe acidité et d'un corps volumineux tenu par des tanins de qualité superlative.
Si le vin ne s'exprime pas beaucoup sur son aromatique, il renvoie une énergie incroyable qui met du temps à s'installer en bouche pour tapisser totalement le palais.
La finale est d'une très grande longueur, là encore impactante de présence tactile.
Un superbe vin, strict et classe et au potentiel certain.
Domaine de la Romanée Conti, Grands Echézeaux, 1979
images.glop.fr/OlivL...
On plonge dans les millésimes !
La robe est très claire, finement orangée et tuilée.
Le nez est envoutant, complexe, d'une finesse extrême. Je ressens des notes d'humus et de café torréfié au repos puis l'aération révèle une étonnante note fruitée qui m'évoque le fruit de la passion ! L'ensemble est d'une grande cohérence mais difficile à retranscrire.
La bouche est en dentelle et s'élance lentement, à un rythme paisible qui exigerait à table un met fin afin de ne pas l'écraser.
Les goûts sont délicats, sur le pamplemousse rose, l'humus, les fleurs séchées et un très fin cuir.
Le vin est fin, guilleret en bouche notamment par la présence d'une acidité et de tanins parfaitement intégrés à un corps sans faiblesse.
La finale est très longue et d'une grande délicatesse.
Très beau vin !
Domaine de la Romanée Conti, Richebourg, 1979
images.glop.fr/OlivL...
La robe est très claire, sur des notes saumonées, l'extérieur du disque est totalement dépigmenté.
Le premier nez est marqué par de puissantes note de crème moka. Le réchauffement révèle un ensemble qui se rapproche du Grands Echézeaux, sur des senteurs tertiaires de feuilles mortes et toujours cet étonnant pamplemousse rose.
La bouche attaque là encore lentement. D'un premier abord difficile qui me fait craindre la fatigue, la présence en bouche décompresse curieusement le vin qui se lance et révèle d'aussi délicates que délicieuses notes de roses fanées.
Là encore, le vin pourrait sembler fragile mais sa longueur en bouche parle pour lui, offrant une finale complexe et d'une grande fraicheur.
Beau vin mais manquant peut être un peu de fond.
Je lui ai préféré la présence plus concrète et cohérente du Grands Echézeaux, superbe d'élégance.
Domaine de la Romanée Conti, Grands Echézeaux, 1966
images.glop.fr/OlivL...
La robe finement tuilée semble plus concentrée que les 1979.
Le nez présente un ensemble nettement tertiaire, sur des notes de mousseron et de café froid.
La bouche semble évoluée, sur une attaque joliment suave, avec des goûts de boutons de rose, de framboise épicée et toujours ce léger côté champignonné.
Le vin manque toutefois de corps et surtout d'énergie pour surmonter un creux en milieu de bouche.
La finale fraiche tombe bien vite.
Lors du débriefing, Arnaud Mortet me confie sa certitude que ce vin est affecté d'un léger bouchon.
Domaine de la Romanée Conti, Richebourg, 1966
images.glop.fr/OlivL...
La robe semble plus jeune, plus sombre et chatoyante, avec la présence d'un léger dépôt.
Le nez est énergique, ouvert et complexe, sur des notes agréablement florales de rose et de légère réglisse (Philippe Bourguignon parlera lors du débriefing de violette !).
La bouche est remarquablement vivante, sur un compromis brillant entre des notes fraiches de pivoine et framboise, un superbe trait végétal et mentholé et un volume charnu qui apporte suavité et gourmandise.
Les tannins sont absolument somptueux, à la fois bien présents par le côté vertébral qui donne de la verticalité au vin et imperceptibles par le toucher de soie qu'ils apportent.
Le vin est magnifique de présence et d'équilibre et s'ouvre sur une finale fraiche de grande classe.
Délicieux !
Domaine de la Romanée Conti, Bâtard Montrachet, 2007
images.glop.fr/OlivL...
La robe est sur un jaune paille teinté de reflets gris vert.
Le nez est puissant, très élégant, sur des notes de fruits jaunes (pêche blanche) bien mûr, un côté floral et un grillé fin.
L'aromatique est évidente et maitrisée.
La bouche est monumentale de puissance et de volume parfaitement contenu.
Le vin tapisse rapidement le palais sans jamais verser dans l'excès de gras ni la lourdeur.
Les goûts sont complexes, sur le beurre, le pain grillé, la guimauve et les fleurs blanches.
La présence est bouche est tout bonnement gigantesque, sur un volume très large via ce corps plein et à la fois élancé par une superbe acidité.
Le vin est aussi puissant que droit et sa finale est exceptionnelle de persistance.
Elle m'accompagnera de très longues minutes après la dégustation.
Vin hors norme, monumental !
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Des vins bus au sortir de la verticale:
Domaine de la Romanée Conti, Echézeaux, 2006
La robe est grenat foncé.
Le nez est ouvert, élégant, sur des notes de petits fruits rouges et un très beau côté floral (pivoine).
La bouche est d'une gourmandise redoutable, d'une grande suavité immédiate, notamment par un fruit très pur.
Le toucher de bouche soyeux et une belle acidité totalement intégrée à un corps rond et délicat rend le vin absolument délicieux.
La finale appelle irrésistiblement à se resservir !
Superbe !
Domaine de la Romanée Conti, Romanée Saint Vivant, 2001
La robe est sur un beau magenta brillant.
Le nez est absolument somptueux de classe et de présence. Le vin jaillit du verre pour offrir un ensemble d'une élégance superlative, sur la gelée de fruits rouges (framboise, figue fraiche), un boisé dont la présence est au service du fruit et un trait végétal qui lui donne un cachet génial.
Mais c'est la bouche qui me met une claque monumentale, d'une suavité idéalement équilibrée par une acidité parfaite et vivifiée par des tanins classieux.
Le vin semble d'une maturité absolument parfaite, offrant une matière incroyablement suave et pourtant d'une fraicheur idéale.
Les mots semblent bien pauvres pour transmettre ce qui s'exprime alors comme une véritable émotion.
La finale est extraordinaire d'évidence, de longueur et de bonheur gourmand.
Un bijou !
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Bilan:
Quelles conclusions personnelles tirer d'un évènement aussi rare et face auquel, vous vous en doutez, j'avais beaucoup d'attentes et au moins autant de craintes ?
Allais-je savoir comprendre ces vins, ne risquais-je pas de trop exiger d'eux ou de leur accorder une tolérance démesurée vis à vis d'autres vins moins réputés ?
Je ne vais pas vous mentir, je pense n'avoir jamais autant travaillé du chapeau et du palais avant comme lors de cette dégustation ! (
)
Est-ce l'âge des vins, très jeunes et marqués par l'élevage pour les 2009, plutôt fermés pour les 1999, le plongeon dans l'univers plus tertiaire des pinots de plus de 25 ans pour les 79 et les 66? Mais je reconnais que je suis sorti perplexe.
J'ai longtemps cherché le fruit, la tendreté, la féminité du pinot lors de la verticale, revenant sans cesse sur les vins en espérant les voir évoluer, se métamorphoser vers plus d'évidence et de plaisir immédiat.
Certains gagneront beaucoup au réchauffement dans le verre, pas forcément au nez mais en présence en bouche. D'autres resteront austères, sans aucune immédiateté d'accès, exigeant presque un effort intellectuel pour en comprendre les qualités.
Force est de constater lors du débriefing que la diversité des avis est frappante. Certains, dont je fais partie, voit en Richebourg un vin plus masculin et en Grands Echézeaux un vin plus féminin. Pour d'autres... c'est strictement l'inverse !
J'ai adoré le Batard 2007 alors que Jérôme y a ressenti un boisé excessif...
Encore une fois lors de ce WWS, la diversité des avis, aussi expérimentés qu'ils soient, est incroyablement patente !
Je vous avoue avoir vécu avec un soulagement certain et un bonheur inouï les deux moments de plaisir évident que furent la dégustation de l'Echézeaux 2006 et plus encore de la grandiose et émouvante Romanée Saint Vivant 2001.
Pour tout vous dire et je conclurai là dessus, au moment où j'avalais la dernier goutte de St Vivant, je n'ai pu m'empêcher de penser : "si les 8 vins de la verticale avaient été aussi fantastiquement charnels que celui là, je crois que je finissais en pleurant..." ! :
C'est chouette, le vin quand même...
Oliv
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Crédit photos
F. Mauss - WWS
O. Duha
©Canio Romaniello[/size]