CR:Jérôme Giroud : l'exemple à suivre.
Jérôme Giroud, de la Cave Le Potier à Chamoson, vient d'être sacré pour la deuxième fois meilleur producteur du Valais par les auteurs du guide « vin de passion » (au rang desquels on compte notre ami Pascal), à paraître prochainement. C'est amplement mérité car les vins de Jérôme Giroud figurent assurément parmi les meilleurs que l'on peut trouver en Valais, et ce sur l'ensemble de la gamme.
L'homme n'en est pas à ses débuts puisqu'il fait son 23ème millésime. Mais ça ne fait pas 23 ans qu'il fait de très grands vins ; une révolution intellectuelle quasi copernicienne sur le travail de la vigne et le contrôle des rendements a permis à Jérôme Giroud d'entrer un jour, il y a quelques années, dans le panthéon des faiseurs de grands vins.
Jérôme Giroud n'est pas de ceux qui rigolent avec les vendanges en vert : pas question de faire le moindre compromis ; même ses employés rechignent parfois devant son acharnement à limiter les rendements au maximum pour les cépages difficiles. Jérôme Girond coupe également, pour plusieurs cépages, l'humagne notamment, la partie inférieure de la grappe, ce qui favorise une plus grand homogénéité de la maturité des baies. S'il a un secret, c'est bien le contrôle acharné des rendements. Ses humagne sont les meilleurs, et de loin, de ceux que j'ai pu boire.
Je ne suis pas assez connaisseur de la question controversée des vendanges en vert et des coupes systématiques ; je connais les arguments d'Anthony Barton et de Jean Gautreau et je n'ai pas moi-même un opinion définitive sur la question, mais ce que je peux dire, c'est que compte tenu de la densité d'encépagement en Valais, de l'âges moyen des vignes (une quinzaine d'année ou moins, à quelques exceptions), de l'hygrométrie et des conditions climatiques, la limitation des rendements s'impose à tout producteur valaisan qui veut faire des grands vins.
La puissance aromatique, la structure, la typicité sont magnifiées lorsque les rendements ont été adéquatement limités. Les vins de Jérôme Giroud en sont la preuve éclatante. Je n'ai jamais bu une telle série de vins magnifiques chez un seul producteur et je n'ai jamais rencontré un viticulteur si attaché à une féroce limitation des rendements. Il est difficile de ne pas y voir une relation de cause à effet. Les résultats sont là et récompensent la discipline que Jérôme Girond impose à ses vignes.
L'homme est modeste mais sait que ses vins sont bons. Il en connaît aussi les raisons et ne ménage pas ses efforts pour convaincre ses pairs de se montrer moins parcimonieux dans les vendanges en vert. Couper un peu, c'est bien, mais pour faire de très grands vins, il faut couper plus. En Valais, même parmi les meilleurs producteurs, peu semblent encore disposés à le faire avec la sévérité qui s'impose. Cela se ressent dans la qualité, forcément.
Rares sont les vins valaisans, tant en blanc qu'en rouge, qui présentent la concentration, la puissance, la structure, la richesse et la typicité aromatique des vins de Jérôme Girond.
Dans la dernière éditions du guide Vin de passion, on trouve une longue et insructive interview de Jérôme Giroud
Les vins
La qualité de l'ensemble de la gamme est impressionnante.
La dégustation confirme ce qui a déjà été dit des millésimes 2000 et 2001. Un très beau millésime 2000 en rouge, avec beaucoup de fruit et des beaux tannins mûrs ; les blancs un peu en retrait mais avec de très belles réussites dans les vins élevés en barriques. En 2001, les blancs sont grands à très grands, avec des rouges qui manquent un peu de structure et qui présentent parfois un peu de verdeur.
Fendant Pierre de Soleil 2001
Issu de vieilles vignes situées sur le beau terroir calcaire de Trémazières. Seul le 60% du vin a fait sa FML.
Un beau fendant frais, sur les agrumes, riche, marqué par le terroir, puissant mais élégant, un peu de CO2.
Johannisberg de Chamoson 2001
Cépage sylvaner issu de vieilles vignes. Le vin a fait toute sa FML, 3,5 d'acidité.
Très petite récolte, le résultat est là . Un johannisberg typé, presque aérien, sans sucre résiduel et donc sans côté poisseux ou excessivement flatteur, mais avec beaucoup de typicité, le sylvaner est magnifié par la patte de Jérôme Giroud.
Chardonnay 2001
A noter que ce vin n'est pas passé en barriques. Nez beurré, bouche riche et élégante, belle acidité, de la puissance, du gras, un beau chardonnay valaisan, ce qui n'est pas courant.
Pinot blanc 2001
Sans FML
Nez encore un peu fermé, pur, typé sur le cépage, belle bouche très structurée, avec du fruit. Un vin de gastronomie à servir à table, sur des produits de la mer. Attendre que le vin prenne encore un peu de bouteille.
Petite Arvine 2001
Sans FML, 7,5 d'acidité, pas de sucre résiduel.
Cette petite arvine est l'une des plus grandes que j'ai bue.
Le nez est un enchantement et la bouche est un poème.
Typée sur le cépage avec les otes iodées-salées habituelles, cette arvine est d'une structure extraordinaire. Ce vin n'est pas passé en barriques, mais il est si étoffé qu'on pourrait penser qu'il a connu l'élevage. Une arvine sèche, avec une matière énorme, de la longueur, de la puissance, beaucoup d'équilibre et de typicité. Que demander de plus. Un seul bémol : je n'en ai que deux bouteilles !
comparée à la Sélection Excelsus de JC Favre et à celle de Chappaz du ême millésime, elle est plus concentrée et se donne plus en puissance.
Humagne blanc 2000
Elevé en barriques
Un vin très parfumé, élégant, bouche de noix de coco, beaucoup de gras et d'élégance. Le boisé est encore un peu dominant et demande encore un peu de patience. Un très bel humagne blanc. Un vin à découvrir pour les qualités aromatiques propres à ce cépage autochtone, ici joliment exprimées.
Opale 2000 Assemblage (60% petite arvine, 20% pinot blanc, 20% humagne blanc)élevés en barriques
Le bois domine encore, le vin vient d'être mis en bouteille. Bouche énorme, arômes complexes, le mariage de la petite arvine, qui donne au vin structure et caractère, de l'humagne blanche, qui lui apporte élégance et séduction et du pinot blanc qui lui donne vivacité et noblesse, fait de ce vin l'un des beaux vins d'assemblage blancs valaisans.
Dôle
Composée à 80% de pinot noir, 10% de garanoir et 7% de gamaret, cette dôle manque un peu de structure et de charme ; La bouche est souple et manque de tannins. Elle présente une certaine verdeur. Un vin à boire sur le fruit.
Gamay Vieille vigne 2001
Nez fruité, baies des bois, notes fumées et épicées. La bouche est joliment définie, avec du fruit et sans la verdeur coutumière des 2001 belle structure.
Pinot noir 2001
Récolté à 90° Å“chslés, pour éviter les notes cuites que l'on trouve souvent dans les pinots valaisans. Nez ouvert, puissant, bouche étoffée, de la fraîcheur, belle acidité. Une réussite dans le millésime.
Gamaret & Garanoir 2001
Nez de raisin surmûr, un peu confituré, la bouche est joliment définie, très savoureuse. Un vin de séduction, un peu new style. Je lui ai trouvé une légère astringence en fin de bouche.
Muscat Eceptionnel 2001
Ce muscat porte bien son nom. Il est tout simplement le plus grand muscat du Valais que j'aie bu à ce jour. Produit à raison de 400bt (n'essayez pas d'en obtenir, tout est vendu), il est tout simplement fabuleux. On est bien loin des muscats effilés aux bouches évanescentes. Le nez est bien là , hyper-puissant, explosif, complexe, fruits exotiques, et la bouche est immense : du gras, de la structure, de la longueur, beaucoup de charme et de richesse. On s'attend à ce qu'elle tombe, comme cela est ordinairement le cas avec les muscat, mais elle dure et n'abdique pas. Bravo pour ce muscat hors-norme.
Humagne rouge2001
Ce vin n'est pas passé en barriques
Nez de sous-bois, d'humus, de sapin, beaucoup de fruit et de caractère, un concentraion moyenne, mais belle puissance en bouche pour le millésime. La rusticité habituelle de l'humagne est ici maîtrisée. Le vin est un peu chaud, les tannins sont fins et séducteurs. Une réussite dans le millésime. Jérôme Girond est l'un des rares producteurs à savoir exprimer magnifiquement ce cépage. Ce n'est pas compliqué, dira-t-il, il suffit de couper comme il faut et le résultat sera là …Ce vin n'atteint cependant pas la splendeur du 2000. 2001 n'entrera asurément pas dans les annales en rouge
Syrah 2001
Ce vin n'est pas passé en barriques
Grande réussite dans le millésime, robe presque noire, bouche dense, concentrée, grande matière, beaucoup de fruit mûr, belle longueur. La meilleure syrah valaisanne 2001 goûtée à ce jour. Le sécateur a aussi passé par là …
Onyx 2000 fût de chêne
Assemblage de cépages rouges en barriques
50% syrah, 30% merlot 20% gamaret & garanoir
le fruit mûr éclate tant au nez qu'en bouche. La robe est très sombre, le vin concentré, pulpeux, fruité, avec des magnifiques tannins fins, denses et très serrés, sans astringence, élevage de classe, un très grand rouge du Valais.
Syrah 2000 fût de chêne
Issu de vignes de 15 ans d'âge, cette syrah présente le mêmes caractéristiques de concentration et de puissance que l'Onyx. Le nez est magnifique, la bouche somptueuse, l'équilibre est presque parfait. Grande réussite. Grand potentiel.
Merlot 2000 fût de chêne
Ce vin est dans le style des deux précédents, avec la typicité du cépage en plus. Il n'est pas courant de pouvoir boire de bons merlots vinifiés en monocépage en Valais. Heureux seront donc ceux qui auront la chance de pouvoir tremper leurs lèvres dans un verre de merlot 2000 de Jérôme Giroud. On aimerait cependant un peu plus de race et de minéralité.
Un grand bravo à Jérôme Giroud pour la qualité de ses vins et un grand merci pour la belle dégustation qu'il nous a faite. Un grand moment qui restera gravé dans ma mémoire. Jamais auparavant je j'avais goût une telle quantité de grands vins chez un seul producteur valaisan.
cordialement
Yves Z