Saint Luis Rey - Regios 2001
Minuit passé, une envie de volute me saisit. Trois quarts d'heure de pédalage nocturne à griller les feux et me voilà aux Champs. La vitole que j'ai en tête n'y est pas. Un jeune préposé aux allures chics me conseille ce bout-là. Le cigare est dur, un chouïa souple. J'hésite…on me rassure…je fais confiance.
Retour à domicile…J'allume. C'est bouché ! C'est parti pour le carnage ! Je coupe en deux et choisis l'extrêmité. Le tirage contre toute attente devient possible.
Ne connaissant pas ce cigare en version fraichement roulé, je n'ai pas de repère. D'autant que j'ignore aussi le registre aromatique des vieux cigares de manière générale. La fumée parait âcre. L'impression demeurera mais la suite révèle quelques notes cacaotées, un certain boisé de feuilles mortes, de fougères. Il n'y a pas un gros volume de fumée mais c'est assez rassasiant. Derrière cette acreté mêlé d'un trait acide, je perçois des subtilités difficiles à nommer, lesquelles me paraissent propres à l'âge. Mais je dois avouer que dans les conditions barbares où je l'aborde, je suis vite écoeuré.
Le lendemain, la partie tête supposée nouée et infumable est mise en route. Bonne surprise, la combustion se fait correctement ! Je découvre un nouveau monde du cigare.
Le tirage n'est pas pas sautillant, musclé ou évident comme sur "un jeune". Il s'exprime comme le lourd navire qui amorce "Mort à Venise". C'est une immobilité intense qui avance de l'intérieur, comme un nuage qui champignonne tranquillement. La chose est comme dématérialisée, la substance suspendue. Elle dispense des arômes qui infusent de plus en plus intensément. La palette est plutôt monochrome mais l'insistance de l'encens nicotiné avec des relans de cacao doux persistent très longuement. Un grand calme, intense.
Combustion très lente donc, régulière. Pique un peu niveau acidité vers la fin mais sait préserver sa légèreté. On reste sur un beau cuir terreux, de cèdre avec du fruité. Peut-être y a-t'il un point commun à faire avec le panatela de Por Larranaga (un vague souvenir, mais la comparaison reste oisive).
Très intéressant finalement !