Visite du Domaine Clape, référence incontestée de Cornas
Après notre escapade sudiste au domaine Trevallon, revoilà notre Cercle Rhône Vallée dans les terres qui l’ont vu commencer cette fabuleuse aventure de découvertes et de partages.
Direction Cornas donc, et le fameux domaine Clape. Personne ne voulait rater ce grand rendez vous en ce premier samedi de septembre. Le temps est gris, nuageux, menaçant, mais il nous permettra malgré tout de mener à bien notre escapade.
Le village de Cornas
Présentation de l’AOC Cornas :
L’appellation s’étend sur 105ha, exclusivement sur la commune du même nom.
Les vignes sont très majoritairement plantées en coteaux, souvent très abrupts (jusqu’à 60% de pente !!), exposées au sud ou au sud-ouest. L’altitude varie de 250 à 350m.
Sur la gauche, les côteaux des Reynards
A noter qu’une partie de l’appellation (terres de plaine proche du village) est menacée par un projet de lotissement, que rejettent bien entendu les vignerons.
Au nord de Cornas se trouvent l’appellation Saint Joseph, au sud celle de St Peray.
Les sols sont majoritairement granitiques (au nord, on trouve une dizaine d’hectares sur sols argilo-calcaires), et peu profonds. Ces sols ont peu de capacité de stockage en eau, avec des risques forts de stress hydrique(s) (ce qui ne sera pas le cas cette année….), et les racines plongent rapidement dans la roche granitique qui est assez friable.
L’appellation est composée à 100% de syrah, avec un rendement maximal autorisé de 40hl/ha.
Les plus vieilles vignes ont entre 110 et 120 ans.
Le Domaine Clape, référence incontestable en Cornas :
Après s’être tous retrouvés sur la place du village de Cornas, nous partons en direction de la cave du domaine, en plein village. C’est Pierre Clape qui nous reçoit. Le courant passe de suite, la visite peut commencer.
Première halte pour discuter
C’est Auguste Clape, père de Pierre Clape, qui vers la fin des années 40 commence l’aventure viticole sur le domaine de sa belle famille. C’est la naissance du Domaine Clape. Le premier millésime date de 1949. Les vignes situées au départ dans la partie basse de l’appellation, grimpent petit à petit les coteaux. Dès 1955, le domaine commence à mettre en bouteille une partie de la production, le reste étant destiné au négoce. C’est seulement en 1968 que l’intégralité de la production sera consacrée au domaine.
A noter que très tôt le domaine s’oriente vers la recherche de finesse et de fruit, s’éloignant des standards de la tradition de rusticité et d’extraction bien connus de l’appellation.
Pierre Clape
En 1988, Pierre Clape prend le relais du Domaine. Le domaine s’agrandit avec de nouvelles plantations et achats de vignes, tout cela en coteaux bien sur.
Le domaine reste néanmoins de taille humaine, puisqu’il compte aujourd’hui 8,5ha : 5,5ha en Cornas, 2ha en Côtes-du-Rhône et St Peray, et 1ha en VDT.
Olivier, fils de Pierre, est déjà là pour prendre la relève.
Nous partons donc dans les vignes, arpenter ces fameux coteaux. Nous partons tout d’abord derrière le village. En admirant les coteaux de Reynards, la discussion technique s’engage.
Ici la syrah est conduite sur échalas. Les vignes de moins de 30 ans sont en sélection clonale, avec la recherche de la plus grande diversité possible. Depuis 5 ans, la sélection massale est préférée, grâce au partenariat avec le pépiniériste vauclusien Laurent Berillon.
Le porte greffe utilisé est le 3309C, à part quelques vieilles vignes sur Rupestris ou Jacquez.
Les densités de plantation varient entre 8000 et 10 000 pieds/ha.
La vigne est conduite en petits gobelets, taillés à 2*2 yeux. L’ébourgeonnage et la vendange en vert permettent de bien maîtriser les rendements, qui tournent aux alentours de 35hl/ha.
Les traitements sont limités à l’utilisation de soufre et de cuivre. Une partie de ceux-ci sont d’ailleurs menés par hélicoptère par un groupement de producteurs.
Le casse tête majeur reste bien sur le travail du sol. Un désherbage chimique est réalisé le plus tard possible et des essais de travail du sol sont réalisés (motoculteur, enherbement qui fanerait tôt dans la saison, désherbage thermique). Pour l’instant rien ne se dégage vraiment.
A noter aussi la tenue du feuillage, si caractéristique de l’appellation : le pont végétal. Cette technique permet d’augmenter la surface foliaire, favorisant ainsi la synthèse de composés phénoliques et aromatiques, mais aussi de créer un écran végétal favorisant une inertie du sol. Ce dernier aspect permet de lutter contre le phénomène de stress hydrique et de blocage de la vigne. Sous les feuilles, le sol reste plus frais et les variations climatiques sont beaucoup plus faibles.
Le fameux échalas avec son pont
Nous redescendons au village et partons en direction du nord de l’appellation. Pierre Clape se fait un plaisir de nous montrer les différents terroirs et les différentes parcelles. La discussion est très intéressante.
L’année 2008 est très difficile, les pressions du mildiou et de l’oïdium (deux maladies cryptogamiques) ont été fortes. Les pluies aussi, et cela ne s’arrête pas. Nous le constaterons d’ailleurs en partant sous un véritable déluge !
Millésime extrêmement difficile, mais Pierre Clape ne désarme surtout pas.
Une fois la visite du vignoble accomplie, nous partons à la cave. Nous passons au sous-sol, entre les foudres et dans une ambiance assez unique. Une vraie cave à l’ancienne, où la vie se retrouve dans les foudres, mais aussi à l’extérieur, sur les murs, au sol ! Superbe.
Une cave disons, vivante !!
Dégustations sérieuses
Nous attaquons la dégustation et Pierre Clape nous explique la vinification.
Le domaine n’égrappe pas la vendange, utilise les levures indigènes et n’acidifie pas. Les cuvaisons durent en moyenne 10-15 jours avec pigeages et remontages quotidiens.
Apres fermentation alcoolique (FA), le vin est transféré en foudre (de 10, 13 et 7hl) où il fera sa fermentation malo-lactique (FML, transformation enzymatique de l’acide malique en acide lactique, provocant une baisse de l’acidité et amenant de la souplesse au vin, surtout recherchée sur les rouges, beaucoup moins sur les blancs) et sera élevé 20 mois. Après 16 mois d’élevage, les vins sont assemblés, puis remis en foudre. A la mise en bouteille, le domaine ajuste le soufre à 15mg/hl de libre.
A noter que les syrah sont vinifiées par lots, soit par parcelle ou par âge similaire. Ce schéma est reproduit d’année en année.
Cuvées et dégustations :
Pierre Clape nous a préparé une bien belle dégustation.
Nous retrouverons donc les différents lots vinifiés : jeunes vignes, Sabarotte, Côte et Petite Côte, Reynards vieilles vignes.
Ces lots seront ensuite assemblés pour donner naissance aux cuvées.
A noter que depuis 1997, et l’arrivée en pleine production de jeunes vignes, il existe deux cuvées de Cornas : Cornas et Renaissance.
St Peray 07 : marsanne, arômes de poire, fruité, avec une bouche assez ronde.
VDT Syrah, le vin des amis 07 : nez bien expressif
CDR 07 : légère pointe d’acétate, épicé, bouche assez désordonnée, finale un peu sèche.
Cornas 07 (fût) : un peu fermé, léger réduit, bien serré, assez fermé, finale un peu asséchante (à soutirer !!)
Cornas 07, coteaux Reynards : plus marqué bois, plus chaud, mais aussi plus expressif, tanins présents.
Cornas 07 coteaux Sabarraute : plus fermé, rustique, un peu réduit, grosse structure en bouche.
Cornas 07 Petite Côte : plus expressif, pointe acétate, grosse structure.
Cornas 07 Côte : massale de 50 ans. Un peu lactée, rustique, mais grosse présence tannique.
Cornas 07 coteaux Reynards : bien expressif, attaque veloutée, tanins plus fins mais malgré tout très présents.
Renaissance 06 : assez expressif, souple, serré en finale.
Cornas 06 : léger acétate, souple, velouté, structuré, encore très jeune.
Cornas 05 : expressif (petits fruits, épices), souple, rond, grosse structure qui n’assèche pas. Un superbe vin.
Cornas 00 : couleur assez peu évoluée, très expressif, avec peu d’évolution. Bouche plus marquée par le temps, encore bien structurée.
Cornas 98 : couleur assez peu évoluée, nez et bouche plus marqués.
Après cette belle dégustation, nous partons nous restaurer. Dehors la pluie tombe, les rues sont submergées, Jean Louis file vite voir si sa cave n’est pas sous les flots !
Et que dire des vignes que nous longeons, on pourrait presque planter franc de pieds tellement elles ont les pieds dans l’eau, même le phylloxera n’y resisterait pas !
2008 s’annonce très problématique en Rhône Nord, la maturité n’est pas encore là, la pluie ne cesse de tomber… les pires scénarios sont annoncés, on verra bien au final ! Restons optimistes, la partie n’est pas encore jouée.
Nous nous retrouvons donc tous au restaurant (finalement plus de peur que de mal pour la cave de Jean-Louis, ouf !).
Après l’effort, le réconfort ! Patrice, alias Tipat, nous avait préparé un bel échantillonnage des vins de Clape.
Alors dans l’ordre du repas, voilà les vins dégustés :
St Peray 2004
CDR Rouge 2005
Cornas Rennaissance 2005
Cornas 2003
Cornas 2000
Cornas 1999
Cornas 1998
Cornas 1997
Les cadavres, victimes d'un repas entre passionés !
De superbes vins, avec une mention spéciale au Cornas 1999, tout simplement monstrueux !
Et franchement, sur un bon repas, les vins du Domaine Clape passent à merveille !
Une nouvelle fois, notre Cercle nous a permis de réaliser une superbe visite, de découvrir de l’intérieur un domaine mythique, et de partager de très bons moments.