Philippe Ricard, un toulousain grand amateur de vin et ... de photos a visité le domaine Marcel Richaud à Cairanne:
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DOMAINE MARCEL RICHAUD
Présentation : formation et historique du Domaine
Marcel Richaud et sa femme ont véritablement pris en main le domaine famillial vers la fin des années 70.
Débuts difficiles, ingrats, que connaissent beaucoup de débutants ambitieux et vaillants : marchés locaux, démarchages en tout genre, se faire une place fut un parcours qui commença bel et bien au niveau le plus modeste.
Ils commencent à bâtir le caveau actuel environ 10 ans après.
Grace à leur succés, ils financent de gros travaux d’agrandissement qui débutent en 1999 pour être pleinement opérationnels à compter du Millésime 2002.
Ainsi équipés, ils peuvent aujourd’hui exprimer pleinement tout leur talent et élever leurs vins dans un espace parfaitement dédié.
Nature de l’encépagement et du sous-sol
Sur environ 40 ha, l’encépagement se répartit ainsi :
- rouges : principalement grenache, puis mourvèdre, syrah, carignan, cournoise.
- blancs : principalement bourboulenc, clairette et roussanne, puis marsanne, viognier et grenache blanc.
La nature des sols est relativement complexe et diversifiée avec, pour résumer, une formation sédimentaire , des limons, des argiles, du sable et des galets, le tout datant du Miocène.
Pour Marcel Richaud, c’est la compréhension des terroirs (sol, texture, exposition, pente, micro-climat, aérologie, flore environnante) qui détermine le choix du cépage.
Travail à la vigne : taille, travail des sols, traîtements, effeuillage, vendanges au vert
Les travaux à la vigne restent assez classiques : taille courte en hiver, labour systématique sur l’ensemble de la vigne (la sécheresse locale rend l’enherbement peu pertinent), produits de contact uniquement pour les traitements, aucun désherbant chimique, respect des surfaces foliaires (effeuillage à la demande), vendanges au vert quand nécessaire.
L’objectif idéal est de respecter au maximum l’équilibre et l’harmonie de la plante : l’idéal serait un interventionnisme minimal.
Nombre de grappes par cep, densité et rendement à l’hectare
Pas d’objectif particulier quant aux nombres de grappes par cep : c’est l’équilibre de la plante qui le détermine principalement.
Dans le même ordre d’esprit, la recherche du rendement minimum n’est pas une obsession : un rendement moyen de 35hl/ha environ, selon le Millésime, semble être à ce jour ce qui correspond le mieux tant à la vigne qu’au vigneron !
Philosophie de vinification
Avant de vinifier, l’essentiel est de comprendre que l’important, c’est la matière première.
Ce principe prévaut aussi au domaine.
Les vendanges sont toutes manuelles, avec un premier tri sur pied, puis transport en caisses dans les périodes de chaleur, un second tri en cave, un éraflage à 100% (sauf pour les fonds de cuve)
Pas de levurage, d’acidification, de chaptalisation, ni de sulfitage en vinification.
Des cuvaisons courtes (8 à 15 jours), sous contrôle précis de température (pas trop de chauffe), pas trop d’extraction, quelques macérations carboniques isolées (1 cuvée de syrah, 1 de grenache, 1 de carignan).
L’assemblage a pour principe de faire en sorte que les cépages et les terroirs s’expriment pleinement.
Les vins ne sont ni filtrés, ni collés et une légère stabilisation (environ 1,5 g/hl de soufre, dépendant du Millésime et des cuvées) est effectuée au moment de la mise en bouteilles.
Les vins sont tous élevés en cuve bêton, sauf 20 à 30% des Cairanne, en barriques (pas de bois neuf) et 80% de l’Ebrescade, en barriques et demi-muids (toujours pas de bois neuf).
Existe aussi une cuvée marginale de Cairanne rouge sans soufre, correspondant environ à 5% de la production totale, répondant à une demande de la clientèle et au plaisir de Marcel Richaud !
Le sans soufre n’a jamais été un objectif, mais correspond à son obsession de recherche, de curiosité, de renouvellement, qui se traduit plutôt aujourd’hui par ses quelques risques sur le sulfitage léger, qu’il assume parfaitement lors des quelques accidents comme pour ses Cairanne rouges 2003.
Que recherchez vous dans vos vins ?
Humainement, la réponse est simple : la sincérité.
Techniquement, c’est l’harmonie, l’équilibre, la fraîcheur.
Je pourrais rajouter également le plaisir immédiat, la douceur de texture.
Quel(s) Millésime(s) retenez-vous en particulier ?
Par goût personnel, 1996, 1999, 2001.
Quels conseils de service donneriez-vous ?
Carafage de 1 heure environ, notamment pour se débarrasser du CO2 persistant dans quelques cuvées.
Température de 15 à 16° maximum pour les rouges, 10 à 12° maximum pour les blancs.
Enfin boire les vins dans leur jeunesse est le plaisir personnel de Marcel Richaud qui n’ambitionne pas de faire des vins de garde.
Quels sont les vins que aimez ou aimeriez avoir dans votre cave à la maison ?
Le côté bon vivant éclectique de Marcel Richaud est ici évident puisqu’il est difficile de l’arrêter dans son énumération !
Que ce soit pour des mythes ou des vins sympas, tout y passe : Chermette, Lafon, Leroy, Marcoux, Montrose, Ostertag, Ormes Sorbet, Pithon, Sélosse…et j’en oublie des tas !
Quel est votre plus grand souvenir dans un verre ?
Impossible de donner une réponse précise à cette question !
Marcel Richaud aime le vin, aime les vins : son plaisir est dans l’instant, pas dans le passé et il ne saurait citer un seul verre…
A vos yeux, quels sont les hommes et les femmes qui comptent aujourd’hui dans l’univers du vin ?
Marcel Richaud est à l’écoute permanente d’un certain nombres de personnes qui comptent vraiment pour lui.
Trois catégories :
Les vignerons : rien n’est plus important à ses yeux que le retour de ses collègues, notamment de ses amis. Denis et Daniel Alary, Marcel Lapierre, Pierre-Marie Chermette, Eric Michel (Cros de la Mûre), Antoine Arena et bien d’autres encore comptent beaucoup pour lui et ses vins.
Les journalistes : Bettane, Desseauve, Dovaz, Morel sont des hommes dont il apprécie la finesse du jugement.
Les amateurs : la fidélité et l’amitié sont parfois possibles même avec des amateurs passionnés que peuvent être ses clients. Ainsi Bertrand Le Guern, bien connu des internautes et chez IVV, est devenu un ami proche dont le conseil est aujourd’hui important dans l’assemblage de ses vins ! Même sans l’exclusivité de l’amitié, la critique du client est de toute façon toujours la bienvenue.
Ce qui vous énerve…
L’homme n’a pas vraiment le profil du gars qu’on énerve facilement.
Mais contre les institutions agricoles ou syndicales actuelles, on sent qu’il y a matière à irritation…
Enlisement, conformisme, sclérose, lourdeur, les qualificatifs en disent long sur sa pensée !
Où en est la réforme des AOC ?
Où en est la réécriture des décrets ?
Rien n’est pire pour lui que la médiocrité, mais il le pense sincèrement : c’est elle qui prédomine, c’est elle qui commande…
A refaire, vous seriez vigneron ?
Réponse évidente : oui !
C’est une belle vie, faite de travail mais de satisfactions.
« J’aime cette vie : elle est faite pour l’homme ».
Anecdote :
Alors que je venais juste récupérer mes bouteilles de l’année, j’ ai passé 3 heures au domaine, admirablement reçu d’abord par une employée du Domaine, puis par Marcel Richaud lui-même.
La sympathie fut telle qu’avant de partir, le maître des lieux m’emmena dans la réserve de bouteilles d’où il tira 6 bouteilles et 2 magnums presque au hasard.Ebrescade 94, 96, 2000, Cairanne sans soufre 2005, vieux Cairanne 1989, cuvée spéciale de syrah, je suis reparti gâté.Et lui est reparti manger en courant, une bouteille sous le bras, manière de « soigner sa grippe ».