Ma dégustation à thème du printemps (pas vraiment encore là le printemps !
) portait sur quelques grands vins du Rhône septentrional.
Pour faciliter les comparaisons et limiter le nombre de plats, j'ai repris l’idée de l’an dernier (grandes cuvées de Condrieu 2008), c’est à dire de servir les vins deux par deux.
Pour les blancs, pas de Condrieu car ils étaient à l’honneur l’an dernier.
Pour les rouges, association par millésime, mais mes invités ne le savaient pas …
Pour le dessert, je suis descendu un peu plus au Sud.
Mes commentaires seront succincts car le service est toujours prenant, mais je compte sur Vivien pour compléter …
Allez, c’est parti !
Bourride sétoise (lotte sauce aïoli)
Ermitage « De l’Orée » 1998 de Chapoutier
Un 100 % marsanne de très vieilles vignes (> 60 ans).
Carafage de deux heures.
La robe est d’un bel or brillant.
Le nez est relativement discret mais présente une palette d’arômes intéressante, avec du miel et de la cire, mais aussi de la figue, celle-ci étant pour le moins surprenante !
L’ampleur en bouche est énorme, avec un magnifique gras qui n’empêche pas la fraîcheur de s’exprimer. Une bouche sphérique, d’un grand équilibre, sans trace d’élevage, avec une belle finale saline.
Le mariage avec la bourride est un mariage de cœur.
On commence fort, par un très grand vin qui a encore un avenir long et radieux devant lui : 17,5 / 20.
Hermitage blanc 2009 de Tardieu-Laurent
80 % de marsanne (vignes de 50 ans), 20 % de roussanne (vignes de 35 ans), élevage en barriques neuves et de un an.
Carafage de deux heures.
La robe est or clair.
Le nez est très intense, marqué par un boisé de classe : arômes grillés et toastés, vanille, fruits blancs.
La charpente et la matière de ce vin sont hors norme, avec beaucoup de gras et de volume, mais au niveau aromatique on reste sur un boisé omniprésent et trop monolithique.
Le plat modifie quelque peu les arômes en faisant apparaître de l’anis, une autre composante de la gamme boisée.
C’était clairement un infanticide, et donc il est difficile de noter un tel vin, surtout que le seuil de tolérance au bois est très différent selon les dégustateurs. Pour ma part je mettrai 15,5 / 20 en tablant sur un minimum de 17 / 20 pour dans 10 à 15 ans, sachant que la matière mûre et riche est bel et bien là !
Chaussons feuilletés aux aubergines et au poulet
Saint Joseph rouge 2009 du domaine Gonon
Elevage de 15 mois en foudres et demi-muids.
Carafage d’une heure.
La robe est sombre mais sans plus, avec des reflets de jeunesse.
Le nez, d’une belle intensité, se montre très avenant : mûre et cassis, puis fraise dans un deuxième temps, mais également violette et épices douces.
La bouche est d’une fraîcheur magnifique et d’un fruit éclatant. Ce vin procure un grand plaisir maintenant mais en a sous la pédale et devrait gagner en complexité d’ici 5 ans : 16 / 20.
Le mariage avec le plat est un mariage de raison.
Cornas « Vieilles Vignes » 2009 d’Alain Voge.
Terroir de granit décomposé, macération longue (4 à 5 semaines), élevage de 20 mois dont 20 % de fûts neufs.
Carafage d’une heure.
La robe est très sombre et très jeune.
Le nez est très intense et expressif. J’y trouve des fruits noirs, de la suie, du cuir et des épices.
La bouche s’appuie sur une magnifique charpente et regorge de fruits et de soleil. Les tanins très fins et tapissants lui confèrent une belle densité, la finale dynamique relève l’ensemble.
L’accord avec le plat est superbe, notamment grâce aux aubergines.
Un grand Cornas, à boire dès à présent (personne n’a trouvé l’appellation, cela partait plutôt sur Côte-Rôtie ou Hermitage) ou sur 10 ans : 17 / 20.
Terrine bressane (porc et foie de volaille)
Côte-Rôtie « Les Bécasses » 2005 de Chapoutier
100 % syrah, Côte brune et Côte blonde, cuvaison de 3 à 4 semaines, élevage en partie en fûts neufs.
Carafage d’une heure et demie.
La robe n’est pas très sombre et marque un tout début d’évolution.
Le nez n’est pas causant à l’ouverture de la bouteille, mais s’affirme un peu plus après carafage : les notes animales apparaissent d’abord, avant de laisser la place au poivre et aux fruits noirs.
La bouche a clairement choisi le camp de la finesse et de l’élégance, avec un corps charnu et délié à la fois, un profil tout en longueur. Certes la finale est légèrement asséchante en dégustation pure mais le plat vient l’arrondir et faire disparaître ce léger défaut.
Un vin très apprécié : 17 / 20.
Côte-Rôtie « Champin le Seigneur » 2005 de Jean-Michel Gérin
90 % syrah et 10 % viognier, vignes d’âges variés, rendement 40 hl/ha, élevage à 50 % en fûts neufs, 25 % en fûts d’un vin et 25 % en fûts de deux vins.
Carafage d’une heure et demie.
La robe n’est pas très sombre et les marques d’évolution notables.
Le nez est superbe de complexité et de finesse : sur une base au fruité éclatant (fruits noirs), la violette montre le bout du nez avant que la réglisse n’apporte ses accents envoutants.
La bouche a, elle, choisi le camp de la puissance, sans toutefois manquer d’élégance ni de fraîcheur. La persistance est très belle, toute en sapidité.
L’accord est encore plus réussi que celui de Chapoutier avec la terrine.
Un grand Côte-Rôtie, pas loin du début de son plateau d’apogée : 17,5 / 20.
Brochettes d’agneau marinées aux épices
Hermitage « Le Méal » 2000 du domaine Ferraton
100 % syrah, vignes de 30 ans exposées plein sud (Le Méal), cuvaison de 4 semaines, élevage de 16 mois dont 40 % de fûts neufs.
Carafage d’une heure.
La robe est assez claire, avec de beaux reflets tuilés.
Le nez est très intense et complexe, je dirais même « classieux », marqué par de magnifiques arômes tertiaires : j’y trouve du tabac, du cuir noble, du kirch, de la prune … C’est d’une extrême élégance, sans doute le plus beau nez de la dégustation.
La bouche est sur la finesse et la minéralité : dotée encore d’un beau fruité, avec également des arômes floraux (violette et rose) et des tanins poudrés. La persistance est magnifique, avec malheureusement une finale très légèrement asséchante, mais le plat vient la gommer et même magnifier ce grand vin : 18 / 20.
Je ne parierais pas sur une amélioration à l’avenir, sauf pour les amateurs de très vieux vins.
Côte-Rôtie « Terres Sombres » 2000 d’Yves Cuilleron
Carafage d’une heure.
La robe est assez sombre et à peine évoluée.
Le nez est intense et beau, relativement classique : fruits noirs et épices.
La bouche dévoile une belle densité, du fruit, des l’acidité, des tanins encore présents.
D’une très belle jeunesse, on peut reprocher à ce vin une certaine rusticité (encore plus notable comparée à l’Hermitage de Ferraton) qui heureusement s’affine sur le plat.
17 / 20, mais lui peut sans doute gagner des galons sur les cinq ans à venir.
Gardiane de bœuf (daube aux olives noires)
Côte-Rôtie 2001 du Château d’Ampuis (Guigal)
95 % syrah, 5 % viognier, rendement 35 hl/ha, cuvaison 4 semaines, élevage 38 mois en fûts neufs >
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Carafage d’une heure et demie.
La robe n’est pas très sombre et légèrement évoluée.
Le nez est très ouvert, complexe, très bordelais à maturité en exhalant des arômes de fruité secondaire et de bois précieux.
La bouche est d’un équilibre grandiose, il y a tout dans ce vin : densité, fruité, finesse, charpente et longueur …
De plus le mariage avec la gardiane est très réussi !
Un très grand vin : 18,5 /20.
Cornas « Chaillot » 2001 de Thierry Allemand
Carafage d’une heure et demie.
La robe est assez claire pour une syrah et montre des reflets presque acajou.
Le nez est bien ouvert mais beaucoup moins que la Côte-Rôtie d’Ampuis, avec des notes salines qui viennent s’ajouter à l’aération aux fruits noirs et au cuir.
La bouche est dotée d’un beau volume, d’une concentration notable, avec encore du fruit et des tanins un peu secs.
Le vin s’affine sur le plat, mais je suis un peu déçu par rapport au1999 de la même cuvée. Il est vrai que la comparaison avec la Côte-Rôtie d’Ampuis l’a quelque peu desservi.
16,5 / 20 pour ce dernier vin d’une série intéressante.
Fondant au chocolat et aux framboises
Rasteau Ponchonnières 2006 du domaine de Trapadis
100 % grenache, vignes de 40 ans sur argilo-calcaire, rendement de 4 hl/ha (non il ne manque pas un 0 ! X(). Il s’agit d’une vendange tardive et non d’un VDN.
Carafage juste avant service.
La robe est claire et assez jeune.
Le nez est très expressif et fin , pas « too much », avec un fruité d’une pureté exemplaire.
C’est l’élégance extrême qui frappe en bouche, c’est à peine sucré (il y a pourtant 90 g /l de SR), très fin, d’une fraîcheur sublime avec quand même de la concentration, et d’une longueur superlative.
L'accord est magnifique avec le dessert, mais c'est normal : c'est Helen Durand qui me l'avait soufflé !
Un véritable OVNI : 17,5 / 20.
Et voilà, à l’an prochain pour un thème très éclectique : « On est jeune à 25 ans ! ».
Amitiés oenophiles,
Jean-Loup