VIème OPUS en Côte Rôtie
Le domaine GUIGAL ou l'artisanat à grande échelle.
Critiqué par les uns, encensé par les autres, adoubé à travers le monde mais toujours aussi attirant, je veux bien sûr parler du domaine GUIGAL. Domaine familial si il en est demeurant néanmoins paradoxal.
Ce VIème opus est dédié à ce domaine qui représente le symbole de la Côte Rôtie par sa non moins célèbre trilogie : La Mouline, La Turque et la Landonne.
Notre choix s’est posé sur ce domaine lors d’une rencontre avec Philippe GUIGAL au salon d’Ampuis 2007. A l’initiative de cette rencontre FrançoisD, en pleine dégustation de la trilogie sur le millésime 2001, il a proposé à Philippe GUIGAL de visiter le domaine. YvesZ (ce n’est pas Zorro), titulaire permanent d’une wild card était accompagné par Ushunga. Nous croisons également pour la première fois RaymondM (célèbre épicurien des amis de Jongieux)(
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HISTOIRE DU DOMAINE
Etienne GUIGAL découvre la Côte Rôtie à l’âge de 8 ans. D’origine stéphanoise, son seul avenir (n’y voyez pas de sens péjoratif) était de devenir mineur ou de travailler pour l’industrie de l’armement. La plaine d’Ampuis jouxtant le fleuve Rhône servait de zone maraîchère.
Des membres de sa famille vivaient déjà sur place. Par le biais de correspondances, un de ses membres de sa famille l’invite à venir travailler dans la région. Il lui est physiquement impossible de travailler à la mine. En arrivant, Etienne GUIGAL tombe sous le charme de cette vallée
Il a l’opportunité de devenir vigneron en se faisant embaucher au sein de la maison Vidal – Fleury. Cette maison créée en 1781 est un joyau familial que l’on transmet de génération en génération. Apprenti à l’âge de 14 ans, Etienne GUIGAL y est fondé de pouvoirs dans les années 30.
En 1946, il quitte la maison qui l’a vu grandir pour créer sa propre maison. En 1943, naquit Marcel père de Philippe.
Le premier millésime de la maison GUIGAL date de 1946. A l’époque, Etienne GUIGAL élève ses vins plus de 36 mois. Dans les années 60, Etienne GUIGAL est frappé de cécité. Marcel est contraint d’abandonner ses études afin de reprendre le domaine. Ces années sont frappées par l’exode rural, Ampuis n’échappe pas à la règle, la proximité de la cité lyonnaise se fait ressentir. La main d’œuvre fuyante, le maire de l’époque rédige un arrêté rendant les terrains viticoles constructibles.
L’avenir de la vigne est en péril. Marcel remarque la Mouline dans les années 70.
Etienne GUIGAL décède en 1988 après avoir réalisé pas moins de 67 récoltes. Vous l’aurez compris, l’âme d’Etienne GUIGAL plane sur Ampuis et le domaine. A ce jour, le domaine exploite 55 hectares de vignes et emploie 27 vignerons.
La Côte Rôtie est un micro – vignoble de 235 hectares travaillé par 130 récoltants.
Philippe GUIGAL nous invite à rejoindre les voitures afin de nous transporter sur le terroir atypique de la Côte Rôtie. La première visitée sera la Mouline.
L’origine du nom proviendrait de l’ancien propriétaire qui se dénommait Moulin, les ampuisais avaient pour habitude de l’appeler Mouline.
Nous empruntons la route qui enjambe le Reynard, ruisseau séparant la Côte Blonde et la Côte Brune. Nous garons nos véhicules à l’ombre d’un mur orné du nom de la famille.
Cette vigne est d’une déclivité impressionnante, elle est composée par de nombreuses terrasses dont certains murs de soutènement faits de pierres sèches seraient âgés de 2400 ans. Le sol est de nature silico – calcaire et schisteux, il est très fin et aérien. Petite parcelle d’un hectare dont la particularité est de former un amphithéâtre, elle est entièrement travaillée à la main à l’aide d’un outil prénommé bigot, outil de l’époque romaine fait de deux dents.
Ses vignes âgées de 90 ans en moyenne, elles sont plantées pour 11 % de viognier. A ce stade la végétation, il est impossible de déterminer le cépage syrah du viognier.
Autre particularité de la Mouline, cet amphithéâtre habité de murs en pierres permet une restitution de la chaleur durant la nuit lui conférant ainsi finesse et élégance. Anecdote technique, Mlle MURE du domaine alsacien en stage au domaine a réalisé un profil racinaire sur 25 mètres de profondeur. Cette étude a permis la mise à jour de la présence de manganèse dans les sols.
Cette parcelle est surplombée par le deuxième château d’Ampuis nommé la Garde. A ce jour, seuls des vestiges subsistent, les pierres ayant été pillés pour réaliser les murs de soutènement que l’on retrouve dans les terrasses.
Une parcelle La Garde rentre dans l’assemblage de la cuvée Château d’Ampuis.
Nous passons de l’autre côté du Reynard et attaquons les coteaux escarpés de la Côte Brune.
Nous côtoyons la parcelle La Pommonière, une des premières acquises par Etienne GUGAL rentrant dans la cuvée Château d’Ampuis. Juste au – dessous de la Pommonière se trouve la Turque. La Turque côtoie les parcelles Le Pavillon Rouge et le Moulin.
La Turque est plantée sur un sol ferreux de nature compact, les présences d’argile et d’oxyde de fer lui confèrent ce tempérament masculin. Sa surface inférieure à 1 hectare rentrait dans la cuvée qui s’est arrêtée en 1935, elle a vu de nouveau le jour en 1985.
L’étymologie du nom La Turque proviendrait d’un système de retenu des terres semblable aux murs de soutènement en place aujourd’hui.
A ce sujet, le domaine GUIGAL emploie 8 maçons en permanence. Etienne GUIGAL a une expression : les murs de soutènement, c’est ma tirelire.
Nous reprenons nos véhicules pour filer à La Landonne.
Parcelle exploitée par 6 domaines (Rostaing, Delas, Gerin, Guigal, Jamet et François). Les vignes sont plantées à plus de 30 % de pente, déclivité ahurissante posant des problèmes de drainage.
Sur une surface totale de 3.5 hectares, le domaine GUIGAL détient 2.3 hectares.
Elle est composée par deux parties : la Grande Landonne acquise en 1975 et la Petite Landonne en 1985.
Son nom provient à la végétation que l’on retrouve dans une lande.
Un projet va voir le jour au sein du domaine, une 7ème cuvée va faire son apparition dans la cuvée Château d’Ampuis.
De son nom La Viria avec une déclivité de 35 %, cette parcelle acquise au domaine de Vallouit surplombe la Landonne. Elles sont seulement séparées par la route…..ou par la via romana récemment mise à jour intriguant tous les participants.
La visite se poursuit par un détour au Château d’Ampuis.
Il était propriété du Seigneur de Maugiron. Il a subi une phase de restauration d’une durée de 11 ans. Le résultat est splendide.
Nous passons par la tonnellerie, un employé permanent détaché de la maison bourguignonne Seguin Moreau s’y affère.
Il façonne les fûts qui serviront à l’assemblage.
4 fûts sortent quotidiennement de cet endroit.
Nous finirons notre parcours par la visite du caveau situé en centre ville.
Les caves avoisinent 3 hectares, 5000 pièces meublent ces caves.
La production GUIGAL représente 6 millions de bouteilles par an, cela représente 1.4 % de la production rhodanienne. 3 millions de bouteilles sont produites pour le côte du rhône.
Ce n’est pas moins de 850 vignerons qui fournissent la vendange de ce cru. Pour exemple, 47 producteurs vendent leurs raisins pour le Châteauneuf du Pape.
Marcel et Philippe GUIGAL dégustent 50 à 60 échantillons par jour ! Parker a de la concurrence :
. D’après Philippe GUIGAL, seul 1 % des échantillons présentés finira en bouteille.
Nous empruntons les tunnels pour accéder aux nouvelles caves fraîchement réhabilitées. Se dressent devant vous pas moins de 100 cuves inox dont les capacités oscillent entre 50 à 750 hectolitres.
La question paraît légitime : Existe – il un caractère industriel dans votre façon d’aborder le vin ? La réponse fusera : « Voyez – y simplement de l’artisanat à grande échelle ».
Nous repassons à la table de dégustation centrale. Nous allons balayer la gamme sur les millésimes 2004/2005/2006.
Vins blancs :
Saint Joseph 2006 : nez floral et vanillé, vin frais et équilibré.
Saint Joseph lieu dit Saint Joseph 2006 : plus strictement boisé, plus fruité que floral, grosse matière.
Condrieu 2006 : abricot et quelques notes d’agrumes au nez, bouche légèrement perlante, du gras et une vivacité en finale qui évite la mollesse.
Condrieu La Doriane 2006 : arômes très fins, de la minéralité, une grande fraîcheur.
Hermitage 2004 : nez de miel, cire, acacia, une note de fruits exotiques, belle matière. A noter, que la cuvée Ex Voto rentre dans la composition de cette cuvée. Très beau vin.
Vins rouges :
Côte du Rhône 2005 : boisé très sensible, belle matière, bien structuré.
Saint Joseph 2004 : Le boisé est encore très présent ; reste un équilibre porté sur le fruit.
Côte Rôtie Brune et Blonde 2004 : Vins secs étriqués par le bois !
Côte Rôtie Château d’Ampuis 2004 : Assez ouvert, nez puissant sur le poivre et le grillé, bouche élégante et gourmande.
Côte Rôtie La Mouline 2004 : Finesse et croquant, bouche complexe et délicate.
Côte Rôtie La Turque 2004 : Très fin avec un supplément d’énergie, finale sur le caramel.
Côte Rôtie La Landonne 2004 : Très riche, torréfié, goudronneux mais dégageant une sensation de fraîcheur. Bouche plus austère et plus serrée.
Nous concluons cette après midi par une salutation courtoise tout en étant invités pour l’année prochaine par Philippe GUIGAL himself.
Certains d’entre nous quittent, les plus courageux vont se jeter à corps perdu dans une dégustation à l’aveugle au restaurant Le cercle des vignerons.
- Meursault 2005 Domaine Boisson Pierre : nez oxydé et réduit, un vin indélicat pour une mise en bouche.
- Meursault Genevrières 2006 Domaine Boisson Vadot : nez frais, la bouche est ciselée, vin marqué par une grande fraîcheur.
- Côte Rôtie 2001 Domaine Jamet : arômes tertiaires dominants, le vin s’ouvre petit à petit, le passage en carafe lui fera du bien.
- Côte Rôtie 1999 Domaine Jamet : idem
- Côte Rôtie 1999 Les Terres Sombres Domaine Cuilleron : idem marqué par un boisé persistant.
- Côte Rôtie 1999 Maison Rouge Domaine Vernay : Vin lessivé.
- Hermitage 1983 Maison Guigal : Quel vin, finesse, longueur et quel fruit !
- Schlossberg 1999 – Clos des Capucins Vendanges Tardives Domaine Faller : Vin ciselé et précis, arômes d’hydrocarbures s’estompant pour laisser place à un grand vin.
- Coteaux du Layon 2002 Champ des Cygnes Domaine des Sablonnettes : un ton en dessous de précédent, une certaine lourdeur le marquant, manquait un peu de fraîcheur.
Merci aux contributeurs et au domaine pour sa disponibilité (le kiné l'attendait)