Première visite chez Vincent Paris
Nous gardions dans un coin de notre tête qu'il fallait commencer à visiter des vignerons de l'appellation depuis quelques temps déjà. Nous avons, ponctuellement et de manière non concertée, rencontré les vins de Vincent Paris depuis le millésime 2009. L' opportunité de notre virée Rhôdanienne nous a conduits à faire un crochet au Chemin des Peyrouses. Note pour ceux qui voudraient s'y rendre, le domaine est limitrophe de Saint-Peray. Et il se trouve en contrebas de la route, dans un virage serré si l'on vient du Sud et que l'on ne souhaite pas prendre le chemin de terre pour descendre. Mon carrosse proche du goudron se rappelle des quelques cailloux sur la butte du tournant
.
Nous voilà arrivés. Vincent Paris se présente bientôt. La météo est pluvieuse. Et nous nous réfugions dans ses bâtiments.
Vincent a construit beaucoup de chose de ses propres mains: son chai en 2001, sa demeure en 2004, rien que ça. Il a commencé en 1997 avec une fermage de 1 ha qu' il a planté et qui correspond aux Granit 60. Il travaillait simultanément dans un domaine par ailleurs.
- Vous avez eu bien du courage!
- Il en faut au début lorsque l’on s'installe en partant de rien.
En 2006, il accroît son exploitation en acquérant des vignes à son oncle, Robert Michel.
- J'ai racheté la Geynale avec des associés, des clients passionnés notamment. Des norvégiens, des Danois.
- Comment sont rémunérés vos partenaires?
- En valeur de bouteilles, pour une rentabilité de 2-3%.
- N'êtes-vous pas tenté de racheter leurs parts un jour?
- Non, ce n'est pas rentable. Et puis le contrat stipule que l'exploitation des vignes est transmissible. Je n'ai donc pas cette préoccupation. Ma priorité irait plutôt aux acquisitions sur l'appellation Saint-Joseph. Nous sommes dans les 100 000€ l'hectare.
- N'avez-vous pas regardé d' autres appellations?
- Si bien entendu. Sur Côte Rôtie, les 240 ha sont plantés entièrement déjà. A Cornas nous pourrions arriver à 300 mais cela reste compliqué. Il reste davantage de possibilités avec St Joseph.
- Quelle surface possédez-vous finalement aujourd'hui?
- Nous avons 6 ha sur Cornas, 1,5 sur St Joseph et 0,5 en Vin de Pays blanc.
- Les parcelles sont-elles regroupées ou bien éloignées les unes des autres comme cela peut arriver?
- Regroupées. Vous savez Cornas n'est pas si grand.
VDP de l' Ardèche "Granit blanc"
Un assemblage de viognier et de Roussanne.
Un nez sur l'abricot, le thé blanc. C'est plutôt chouette. En bouche l'amertume se conjugue avec une sécheresse, dans le sens où il n' y a pas d' impression de sucre.
" La parcelle se trouve aux alentours 400 m d'altitude en exposition Nord, près d’une petite chapelle. Le sol est profond, granitique et friable. Les racines peuvent s'y enfoncer. Les vignes ont été plantées en 2003 et j'en fais 2 000 à 3 000 bouteilles. La presse est lente. La fermentation se fait en cuve. Et le laisse le tout en cuve. Le vin est filtré stérile car la malo n'est pas faite. Le rendement tourne autour des 30hl."
- Quels sont vos rendements usuels?
- 35 hl en général et moins de 25hl sur les vieilles vignes.
- Une question nous taraude, d où viennent les appellations Granit 30 et Granit 60?
- Il fallait que je trouve un nom qui représente les vignes qui sont assemblées dans chacune de ces cuvées. M'est venue l' idée de reprendre la pente des coteaux.
- Le travail doit être ardu à 60% d'inclinaison.
- Tout y est manuel.
- Et en terme d’ orientation, comment se situent vos parcelles?
- L'exposition de l' ensemble est à l' Est, à l' exception de la Geynale qui fait face au Sud. Nous sommes sur la partie de Reynard.
"Parlez nous du millésime 2016"
- Il est plutôt bien en qualité et en quantité.
- Il fut dur pour vos confrères, en Bourgogne par exemple avec beaucoup de pression de la maladie et l'épisode de gel en Avril.
- Avec les pluies importantes, nous avons eu du mildiou pour la première fois. Nous n'en avons pas habituellement. Et le gel est également rare. Nous en avons eu un tout petit peu en 2008. On s'en sort plutôt bien. On bénéficie du vent sur les communes de l'Ardèche, en altitude.
Saint Joseph 2015
La mise s'est faite début Septembre.
Un vin noir, vertical, floral, droit, avec des tanins fins, plutôt doux mais non dépourvus d'une petite accroche. J'aurais aimé un supplément de gourmandise pour compenser une certaine austérité.
AB-
- Quelles ont été les différences principales avec le millésime précédent?
- La différence de maturité d'une parcelle à l'autre. L’ ordre de récolte est habituellement:
La Geynale, qui est au Sud,
Granit 60 avec peu d'écart dans le temps,
Granit 30, avec un décalage de 1 à 2 semaines,
et enfin le Saint Joseph où il faut encore ajouter une semaine.
En 2015, tout était vendangé en 15 jours. En 2016, ce fut plus long, 1 mois.
Granit 30 2014
Un nez posé sur la violette et un ensemble floral. Un ensemble encore strict en bouche. De l'ardoise, de l'encre. C'est acidulé, iodé et salin.
AB
- 2015 ne vous a pas posé de problème de chaleur?
- Pas vraiment. Nous avons vendangé à plus de 14 contre 13 habituellement mais les vins se portent bien. En 2016, les maturités sont plus poussées mais les acidités sont bonnes et viennent équilibrer l'ensemble.
Les vignes et les travaux du domaine
- Quel est l'âge de vos vignes?
- Sur Granit 30, les plants ont moins de 20 ans. On continue à planter. Il reste 1ha de terrain nu à planter. Pour le reste, c'est par à coup, selon les droits de plantation obtenus. Sur St Joseph, nous sommes aux alentours de 20 ans. Et sur Granit 60, nous atteignons 100 ans par endroits.
- Pratiquez-vous une culture bio ou bio-dynamique?
- Elle est raisonnée, très raisonnée. Je souffre, je poudre. Je n'utilise pas de cuivre. Nous faisons 3-4 passages. Je pratique beaucoup l'effeuillage. Nous enlevons les entre-coeurs pour aérer les grappes. A la maturité phénolique, nous gagnons en acidité car nous avons réduit la photosynthèse. Un travail important est ainsi effectué dès la fleur.
- J'imagine que vous éraflez?
- Oui à 100% sur Granit 30. Un peu moins sur les autres vins.
Granit 60 2014
"Nous gardons de la rafle, à hauteur de 20-30%. Le sol est plus fin."
Le nez est plus expressif. Il est plaisant sur des petites touches de sucre chaud et de bonbon à la violette sans tomber dans la lourdeur. L'attaque est un fruit plus mûr et salivant. Le vin possède du fond, une délicatesse et une bonne longueur.
TB-
- Les vins sont soutirés et une première mise se fait pour un tiers après les vendanges pour le marché de Cornas. La seconde intervient au Printemps, une fois que les vins ont passé l' hiver en cuve.
- Quels travaux avez-vous menés sur les parcelles que vous avez récupérées au fur et à mesure? Comment vous y êtes-vous adapté?
- Celles du Granit 60 ont été retapées. Les vignes sont plus qualitatives, la taille est donc plus sévère.
- Pour la protection de vos vins, quelle proportion de SO2 utilisez-vous?
- Nous atteignons 50mg au total. J'en mets à la vinif: 5g par hecto. Cela contribue à la sélection des levures. J'en remets après la malo, 4-5 mg pour la bloquer. Je réajuste à la mise pour en avoir 20-25 de libre.
Geynale 2014
Un vin soyeux, fin avec des saveurs mokka.
"Le terroir de la Geynale est plus au Sud, Il faut être très méfiant. Les changements y sont rapides. C'est plus fragile. Les raisins sont plus mûrs. Ils mettent du temps à fermenter. Il y a parfois un acescence en jeunesse mais ce n' est pas du vinaigre. Elle disparaît avec le temps."
- Et en termes de futaille? Depuis que nous sommes rentrés, nous apercevons vos tonneaux disposés sur des racks de plusieurs niveaux.
- J'ai ramené l'idée de chais à l' étranger. Cela fait gagner de la place et le système fonctionne bien. Nous entrons des fûts de 2 ans. Ils ont vu du Châteauneuf auparavant. Les Cornas sont élevés 15 mois. La rotation conduit à un renouvellement de 15% chaque année.
- J'imagine du coup que vous climatisez le lieu. J'aperçois un bloc au plafond.
- Oui. Après nous ne faisons pas de la surgélation non plus
. Les appareils n’ont pas besoin d'être sophistiqués.
- Et il y a des cuves en béton.
- Je les utilisais au départ. Je suis passé aux cuves inox thermorégulées. Lorsque l on a essayé cela, c'est difficile de revenir en arrière.
Dégustation du millésime 2015 en cuve
- Combien de bouteilles produisez-vous?
- 30 000 environ. 80% part à l'export: Etats-Unis, Angleterre, les pays Nordique et le reste de l' Europe. L'administratif et le commercial me prennent la moitié de mon temps. Recourir à l’export m' évite des tâches tel le comptage des capsules. 20% va aux restaurants et aux cavistes. Granit 30 représente la moitié des volumes. Il m' est arrivé ponctuellement de recourir à la grande distribution, notamment sur 2014. Le millésime a été peu valorisé alors que 2015 est déjà encensé.
Granit 30 2015
Des fruits plus manifestes, des tanins plus présents, une largeur plus conséquente et un fil acidulé.
AB+ voire
B-. Je crois percevoir un peu de rafle.
- Auriez-vous été tenté de mettre plus de vendanges entières sur 2015? Le millésime semble le supporter.
- Oui, tout à fait. On en a notamment mis sur Granit 30.
- Corrigez-vous vos vins lorsqu' il y a un déficit de sucre ou d'acidité?
- Non, pas de chaptalisation ni d'acidification chez nous. Et puis en 2015, il a été plus facile de travailler.
Granit 60 2015
Un maillage des tanins plus soyeux. Une belle persistance. Un vin concis et structuré. C' est fin en bouche et le bout de langue porte les fruits.
TB
Geynale 2015
Des effluves plus restreintes. C'est dense en tanins sur les papilles. Un peu asséchant en pourtour. La rémanence est remarquable. Un vin un peu moins souple en l'état mais armé pour défier les décennies à mon avis.
TB-
"Il pourra vieillir au minimum 10 ans."
- Combien de personnes travaillent au domaine?
- 2 ouvriers et un gros mi-temps. Mai et Juin sont plus chargés, je compte donc une personne par hectare. Et il y a bien entendu plus de monde aux vendanges. J'utilise d' ailleurs la main d oeuvre disponible pour la prétaille.
- Etes-vous propriétaire de vos terres?
-Oui pour un peu plus de 2 ha, le reste est en location (fermage et métayage). Je fais également du négoce (activité secondaire). J'achète du vin au propriétaire de Guillaumes et des raisins à JL Thiers, j'en fait un cuvée Cornas qui est vendue 100% à l'export sous une autre étiquette, avec la nom "Vincent Paris Sélections".
Merci au géniteur des vins pour sa disponibilité, ses explications et le temps qu'il nous a consacré. Le moment fut très chouette en dépit de la pluie ambiante. Le style, même un peu strict, a plu à la majorité de notre groupe (on a un récalcitrant
). Les tarifs sont maîtrisés. Les différences entre les 2 millésimes goûtés transparaissaient; les terroirs également. Un vigneron de plus à suivre donc.
Merci Oliv pour l'aide au debuggage
Edit: précision du domaine.