« Le week-end de l’Hermitage »
Petite introduction adaptée de l’Atlas Mondial du Vin de H. Johnson & F. Robinson (5ème édition) : Il y a cent ans environ, les climats de cette colline imposante étaient cités avec le Château Lafite et la Romanée Conti parmi les meilleurs vins rouges du monde. Et si l’Hermitage est traditionnellement et peut être idéalement un mélange de plusieurs climats, leurs noms sont visibles sur un nombre croissant d’étiquettes. En général, les vins rouges les plus légers et les plus aromatiques, viennent de Beaumes, Les Diognières et L’Hermite. Les vins plus structurés et complexes viennent de Péléat et des Rocoules. Les Gréffieux, Le Méal et les deux Bessards ont tendance à donner des vins plus tanniques et vieillissant mieux.
Samedi 11 Février 2006 : Horizontale Vins d’Hermitage rouges 2001 à l’aveugle
Les 24 flacons de 2001 rassemblés ont été divisés en deux groupes par Fabien Louis. Tous les vins ont été carafés et servis à l’aveugle. Nous avons pris tout notre temps pour laisser s’aérer les vins en consacrant environ dix minutes à chaque échantillon. Ceci fût judicieux tant certains échantillons ont mis du temps à s’exprimer dans les verres.
Par souci de lisibilité et pour pouvoir ouvrir les discussions dès la fin de matinée, l’identité des 12 premiers vins a été dévoilée avant la dégustation des 12 suivants.
Première série (le matin)
Saint Joseph, Faurie, 2001 : Robe rubis avec les bords du disque plus clairs. Le premier nez est poussiéreux, terreux et viandé. La bouche est un peu compacte mais présente une certaine fraîcheur, avec des notes d’herbes coupées. Moyen et même décevant mais l’aération lui fait du bien. Le cassis apparaît timidement mais toujours avec un côté végétal, légèrement asséchant. Un Saint Joseph de Tournon qui est loin d’égaler ce que l’on fait à Mauves.
1. Hermitage, Cave Gilles, 2001 : La robe est plus foncée que celle du Saint Joseph, limpide et brillante. Le nez est fumé avec un léger boisé vanillé. La bouche est compacte, sur le cacao amer, marquée par l’élevage mais le milieu de bouche sonne un peu creux et le vin semble fermé. L’élevage apporte un côté plus flatteur en comparaison avec le vin de Faurie et on retrouve un grain intéressant mais il manque réellement une dimension pour faire un bel Hermitage. Moyen.
2. Hermitage, Cave de Tain, 2001 : Robe équivalente au vin précédent. Le nez est plus engageant, avec du naturel même si l’élevage apparaît sous la forme d’un boisé frais. La matière est compacte, retenue avec un caractère fruité de cassis et sanguin. Le vin se goûte fermé, dans un style pas très puissant, avec une certaine finesse. Assez Bien.
On peut noter à ce stade une chose très curieuse que j’ignorais et qui nous a été dévoilée par Fabien. La Cave Gilles achète son vin directement à celle de Tain (vin élevé et bouché avec un bouchon de la cave coop., seule l’étiquette change) et les deux vins auraient du se goûter exactement de la même façon car ils possèdent le même numéro de lot. Etrangement, il y avait une différence que je ne m’explique pas, surtout au niveau de l’expression aromatique et de la perception du boisé.
3. Hermitage, Fayolle, 2001 : La robe est un peu plus foncée que pour les deux précédents. Le premier nez est viandé (lard), plutôt floral, sur la violette, avec un caractère fumé peu marqué. Le vin est serré et l’élevage apparaît peu en bouche, la matière présente de la mâche, avec un côté naturel, on perçoit des touches d’olives noires qui feraient plus penser à une Côte Rôtie qu’à un Hermitage. Le nez est beau, bien en place mais la bouche est un peu trop souple, avec une finale courte. Le vin sonne comme celui d’un vigneron qui a fait ce qu’il a pu avec une matière pas très concentrée. Assez Bien.
4. Hermitage, Gilles Bied, 2001 : Premier nez piquant, acétique, avec des odeurs de solvant et de fraises écrasées passées (pourries). On hésite vraiment à le mettre en bouche et on aurait mieux fait de s’en abstenir tout compte fait. Beurk pour un vin qui en l’état n’aurait jamais du passer l’agrément. Pourtant, il ne s’agit pas d’un problème de bouchon puisque celui-ci qui soit dit en passant est le seul des 24 en plastique ne présente pas de signe de coulure.
5. Hermitage, Domaine du Colombier, 2001 : La robe est la plus foncée depuis le début avec un beau rubis profond. Très myrtille et cassis, le nez pur et droit tranche littéralement avec l’échantillon précédent. Un vin naturel, avec un côté végétal, de rafle qui reste cependant bien intégré. Il présente un peu l’équilibre d’une Mondeuse, avec beaucoup de fraîcheur mais bien sûr une grosse matière comparativement. Le milieu de bouche est flatteur avec un vanillé qui n’apparaissait pas au nez. Le meilleur de la série pour le moment, un beau jus, pas énorme de concentration mais avec de la longueur et une belle patte de vinification. Bien.
6. Hermitage, Belle, 2001 : La robe est plus claire que celle du précédent mais plus soutenue que celle des premiers échantillons. Le nez complexe présente une définition très fruitée avec un nez intense de cassis mais sans le caractère légèrement végétal du précédent. La matière n’est pas riche mais l’élevage impeccablement réalisé. Le jus est minéral et présente une belle rétro fumée. Style de demi corps mais la bouche termine en s’élargissant avec un joli grain et de la finesse. Du plaisir à la dégustation avec ce vin flatteur qui manque un rien de puissance et qu’à nouveau, sans savoir, j’aurais placé en Côte Rôtie. Bien – Très Bien.
7. Hermitage, Texier, 2001 : La robe est foncée signant une matière un peu extraite et le nez m’embête un peu, avec de l’acidité volatile. On sent surtout des fruits à l’eau de vie (pruneau) et l’alcool est plutôt dissocié. La bouche est compacte mais verte, avec de l’amertume. L’acidité qui semble relativement élevée sur l’ensemble des échantillons de 2001 dégustés, trace un peu dans ce vin qui finit sec. J’en suis le premier désolé mais on n’a pas l’impression que ce jus vient d’un grand terroir, il n’y a pas de race et le vin sonne comme un mauvais Croze issu d’un terroir de caillou et de limon sans aucune noblesse. Très Moyen.
8. Hermitage, Sorrel, Le Gréal, 2001 : Robe foncée comme la précédente mais sans brillance (probablement un vin non filtré). Le nez est rustique, avec des notes animales, d’étable et de venaison. Nous allons attribuer cette palette à une très forte réduction mais j’ai bien peur qu’il puisse s’agir d’autre chose. La matière est concentrée, charnue, très riche, avec un beau grain. Il s’agit d’un des deux plus beaux jus de toute la matinée mais il sonne faux avec les notes désagréables évoquées plus haut. A l’aveugle, j’aurais dit Cornas dans un style très rustique. Ce vin évoque un producteur qui a tout pour réussir et doit réellement soigner sa vigne mais loupe son coup à cause d’un manque de précision pendant la vinification. Assez Bien seulement alors que, je le répète, la matière est superbe.
9. Hermitage, Vins de Vienne, Chirats Saint Christophe, 2001 : La robe présente un léger dépôt, mais est plus brillante que celle du vin goûté juste avant. Le premier nez est légèrement viandé mais j’attribue ce caractère à une contamination par le précédent. L’expression aromatique est pure avec du fruit, un boisé frais et un caractère friand. Il ressemble au deuxième échantillon mais avec un peu plus de matière. Le vin est malgré tout de demi corps mais avec une grande finesse. Il se goûte jeune et devrait tout de même bien évolué sur une dizaine d’année. Le vin sonne comme un achat de raisin qui n’est somme toute pas formidable mais dont le vinificateur a su tirer le meilleur. Un beau vin. Bien.
10. Hermitage, J.-L. Chave, 2001 : A nouveau un vin non filtré avec de fines particules en suspension dans le verre. Beau nez fruité mais pas très complexe, comme retenu ou en train de se refermer. Bonne attaque en bouche mais le milieu de bouche manque singulièrement de puissance avec une matière pas énorme. Le vin n’est pas bien en place et l’acidité trace un peu en final. Qualitativement, on redescend d’un cran par rapport au vins 5, 6 et 9. Moyen.
11. Hermitage, Guigal, Ex-Voto, 2001 : Belle robe foncée avec un turbidité intermédiaire (légèrement trouble). Beau nez, boisé, impression de puissance non dissimulée. Tout est basé sur le boisé, un boisé noble certes mais cet élevage 100% fûts neufs me dérange, on cherche le raisin originel sans le trouver. Si l’on va trop vite, on peut même passer à côté de la matière qui est impressionnante mais bien masquée. Le vin sonne vraiment comme une cuvée de prestige avec un pedigree non dissimulé et une longue finale sur le cacao et le fumé noble. L’éleveur est aller exactement là où il voulait mais je n’apprécie pas complètement ce résultat là. J’aurais mis excellent pour la matière mais pour l’ensemble, c’est seulement un Bien.
12. Hermitage, Desmeure, Cuvée Emilie, 2001 : Robe brillante, voire éclatante avec quelques particules en suspension. Nez de terre fraîche, très légèrement poussiéreux qui va s’atténuer avec l’aération pour complètement disparaître. Le fruit est intense et complété par un boisé vanillé bien intégré. La bouche est marqué par le végétal signe d’un égrappage non complet et la matière est riche, pas encore complètement en place mais très dense. C’est un vin qu’il faut aller chercher, qui ne se livre pas tout seul et se fera lentement au cours d’un longue garde. La trame n’est pas linéaire mais prend des détours et se complexifie en finissant sur un très joli grain. Très Bien et pour moi, le meilleur échantillon de la matinée.
Le bilan de la première série nous laisse sur une impression mitigée avec un niveau d’ensemble qui est loin d’être satisfaisant au niveau de prix de l’appellation. La plupart des vins de cette série manque de puissance, du moins par rapport à l’idée que je me fais d’un Hermitage et on se demande même si certains passerait réellement pour ce qu’ils sont si l’on avait dégusté sans connaître l’AOC.
Heureusement, quelques bouteilles tirent leur épingle du jeu dans cette série : Le Domaine Belle et dans une moindre mesure celui du Colombier avec deux vins de demi-corps, plutôt fins mais procurant du plaisir à la dégustation. Les Vins de Vienne s’en sortent bien également avec en plus pour cette cuvée un bon rapport Q/P. Deux vins me posent problème en particulier car on perçoit une matière grande voire superbe mais l’équilibre général est amoindrie par des notes dérangeantes (très forte réduction chez Sorrel et boisé bien trop marqué sur l’Ex-Voto de Guigal). Le 2001 de Chave est réellement passé au travers de cette dégustation avec un vin que je classerai dans la partie inférieure de cette série.
Finalement et à ma grande surprise, le vin qui sort premier de la matinée est la cuvée Emilie de Desmeure (Domaine des Remizières) à l’élevage plutôt intégré et à la belle matière. Je suis d’autant plus surpris que j’avais très mal goûté l’intégralité de la production 2003 du Domaine qui s’est lancé avec le millésime de canicule sur l’élevage 200% fûts neufs.
Pour conclure, Je ne placerai aucun de ces vins parmi les 6 bouteilles qui sont le mieux sorties tellement le niveau de la deuxième série de l’après midi était supérieur, avec des vins plus sérieux, parfois moins flatteur mais à mon sens très prometteurs.
Seconde Série (fin d’après midi)
Saint Joseph, Faurie, 2001 : Une température de service un peu moins froide a plutôt assagit les tanins et exalté le caractère fruité. Il se déguste mieux que ce matin.
13. Hermitage, Ferraton, Les Miaux, 2001 : La Robe est de profondeur intermédiaire, sans dépôt. Le nez fumé, terreux et viandé présente un beau naturel. La matière est légèrement poussiéreuse, lardée, avec une grosse matière et des tanins abondants même s’ils sont relativement souples. La finale est un peu chaude, sur le marc (avec l’alcool un peu dissocié) et elle finit légèrement asséchante. Un beau jus avec du potentiel mais une expression qui me déplaît par son manque de précision. Assez Bien.
14. Hermitage, Cave de Tain, Gambert de Loche, 2001 : Belle couleur brillante et soutenue. Premier nez fin mêlant le fruit de cassis à des arômes secondaires sans doute liés à un bel élevage sous bois parfaitement maîtrisé (truffe, cèdre). La matière est racée, compacte et puissante avec un beau fumé et un caractère minéral que j’aime tant retrouvé dans un vin rouge. Le grain est très fin et de façon antinomique on se retrouve face à un vin complètement tellurique et marqué par le granite. Le vin fait très « Cuvée Prestige » et à ce niveau de qualité, j’ai honnêtement pensé à une cuvée de chez Chapoutier issue des Greffieux ou des Bessards. Excellent.
15. Hermitage, Faurie, Méal, 2001 : La robe très brillante et légèrement moins soutenue que celle du vin précédent signe un vin filtré. Le nez est plus marqué par le caractère variétal de la syrah avec un fruité de cassis très pur, très suave. La matière est puissante mais un peu moins complète que sur le précédent. Pourtant, ce vin n’en est pas moins grand, il fait plus sudiste, moins retenu mais très naturel (élevage moins ambitieux) avec ses notes de poivre frais. Très charnu, il procure un plaisir non dissimulé et même s’il est l’antithèse de 14 qui semble plus typique de l’Hermitage, il me semble bien que celui ci est mon préféré. Le style Faurie présente ici une identification très personnelle. Excellent.
16. Hermitage, Jaboulet, La Chapelle, 2001 : Robe limpide et brillante, très légèrement moins colorée que 14. Nez de cassis et de myrtille, plutôt simple au début mais qui se complexifie rapidement à l’aération sur le fumé. La bouche est opulente, avec beaucoup de glycérol. Un petite pointe d’alcool mais un grain et une présence extraordinaire. L’élevage est peu perceptible et apparaît simplement à travers une touche torréfiée, grillée. Le parfait compromis entre les deux cuvées précédentes. A la fois travaillé et naturel. Excellent.
17. Hermitage, Yann Chave, 2001 : Robe profonde, très légèrement trouble. Le nez évoque un boisé très vanillé, un peu monolithique et reflète un vin techniquement très travaillé. La bouche est très correcte avec une bonne présence et des notes de fève de cacao mais elle ne présente pas le grain des meilleurs. Le tout manque un peu d’unité avec une bouche supérieure au nez mais le vin ne sonne pas comme une cuvée très haut de gamme malgré le boisé ambitieux. Assez Bien.
18. Hermitage, Chapoutier, Sizeranne, 2001 : Robe très sombre, un peu terne, avec du dépôt. Le nez très viandé, pas très net m’évoquerait plutôt un vin plus méridional (et pourquoi pas un assemblage avec du mourvèdre). Par contre, la pointe de réduction ne masque pas le caractère énorme de la matière : un jus plein, dense, avec un beau grain. La finale persiste sur les touches animales et j’avoue que je l’aurai bien mieux noté sans cela. Ces notes sont moins marquée que dans le vin 8 mais sont tout de même désagréables en l’état. En dessous de la superbe série 14-15-16. Assez Bien.
19. Hermitage, Delas, Marquise de la Tourette, 2001 : Robe sombre avec beaucoup d’extrait. Le nez est plutôt timide mais s’ouvre doucement sur le fruit et l’élevage. La matière avec son caractère épais a beaucoup de glycérol et une pointe d’alcool. Le vin manque tout de même un peu d’élégance en l’état et demande à s’affiner. La rétro offre des flaveurs plus vanillée mais le terroir ne transparaît pas réellement. On a comme l’impression qu’il s’agit d’un beau vin de négoce et que la patte du vinificateur s’impose plus que le raisin originel. Un beau résultat tout de même pour un vin à attendre. Assez Bien - Bien.
20. Hermitage, Ferraton, Méal, 2001 : Robe foncée et turbidité haute. Le nez est d’abord floral, sur la violette puis le cassis. La bouche est grasse, très florale également mais la concentration en glycérol et la souplesse des tanins ne s’harmonisent pas complètement. Un vin qui fait encore très travaillé, pas très naturel malgré un élevage plus discret que chez 11 et 12. Pas désagréable mais manque un peu de personnalité et de fond. Le vin sonne à nouveau comme issu d’un élevage précis mais avec une matière en deçà. Assez Bien.
21. Hermitage, Tardieu Laurent, 2001 : Robe sombre qui fait très jeune. Au nez, c’est la vanille et la violette qui s’imposent. Du glycérol mais plus intégré que dans le vin précédent. La matière est fumée, enveloppée, avec une grande vinosité et un élevage un peu marqué à ce stade mais qui devrait s’intégrer. La bouche est vive et structurée, un grand jus qui fait très vivant, en constante évolution. Ce vin est une réussite et il se place juste en dessous du podium. Ce vin détonne et trouve un équilibre différent des autres cuvées comme s’il venait étrangement d’un millésime un peu plus chaleureux que 2001. Très Bien.
22. Hermitage, Faurie, assemblage, 2001 : Robe un rien moins sombre mais avec de l’éclat. Nez très fruité de myrtille et complété par un côté chocolat. La bouche est puissante mais un peu sèche, plus rustique. Bref, un vin avec beaucoup de naturel mais une matière en retrait par rapport aux meilleurs. Il manque un tout petit quelque chose pour aboutir à un résultat complet. Le vin cherche encore son équilibre et semble présenter un peu plus d’alcool que de matière et le nez engageant est plus agréable que la bouche. Assez Bien - Bien.
23. Hermitage, Chapoutier, Pavillon, 2001 : Robe presque équivalente. Le premier nez est légèrement réduit, avec des arômes viandés de lard fumé. A l’aération, ce caractère s’estompe pour laisser place à des beaux fruits rouges, surtout cassis mais complexe. Le vin est flatteur au nez mais se désunit un peu en milieu de bouche pour mieux rebondir ensuite avec de la vivacité et une belle finale. Un vin qui cherche encore son équilibre mais avec une matière un peu fermée, difficile à comprendre, qui ne se livre pas. Il me semble un peu en dessous des trois-quatre meilleurs en l’état mais c’est tout de même un belle bouteille. Très Bien.
24. Hermitage, Delas, Bessards, 2001 : La robe présente une couleur un peu moins intense que 23 mais tout de même soutenue. Très floral, sur la violette et le lilas, pas très boisé ou plutôt un boisé intégré, discret. Après ce nez flatteur et accessible, la bouche se livre avec une bonne matière mais les tanins sont souples, agréables. Ce vin procure déjà beaucoup de plaisir et même si la matière n’est pas la plus énorme de la série, il se place tout près du podium. Très Bien.
Pour commencer, le niveau de cette seconde série était très supérieur qualitativement en comparaison avec les vins dégustés le matin. Il a été difficile de réellement départager certaines cuvées et plusieurs surprises nous ont fortement étonné lorsque l’identité des vins a été dévoilée.
Pour moi, les meilleurs ont été le Méal de Faurie (le meilleur vin pour moi), La Chapelle de Jaboulet et Gambert de Loche, suivis ensuite par les Bessards de Delas (bizarrement très accessible), Tardieu Laurent (très prometteur) et Le Pavillon de Chapoutier un rien derrière.
Si l’on se base sur l’ensemble de la dégustation (24 vins), le niveau est correct mais les vins restent à un niveau de prix relativement élevé (et d’ailleurs, ce ne sont pas forcément les meilleurs qui sortent le mieux. Cf. Méal de Faurie et Gambert de Loche). En fait, la production des rouges 2001 m’a semblé beaucoup plus hétérogène que celle des blancs goûtés en juin dernier avec le grand écart entre les touts meilleurs et les autres.
Personnellement, seule une petite moitié m’a complètement convaincu et si toutes les bouteilles étaient encore accessibles à la propriété, je ne mettrai en cave qu’un tiers des bouteilles dégustées sur ce millésime. Heureusement, les meilleurs ont produit des vins formidables, puissants, complexes et racés. Pour ceux là (et seulement pour eux), le millésime 2001 a engendré des vins d’un grand classicisme formel qui seront long à se faire mais apporterons beaucoup de plaisir et défierons sans doute le temps.
Une bouteille qui appartient à l’histoire car elle n’est plus produite. Elle a été généreusement amenée par Mr. Rostaing que nous remercions.
Hermitage, Pierre Faurie & Jean Bouzige, 1984 : Couleur de vieille syrah et turbidité très haute (mais j’ai eu droit au fond de la bouteille). Nez tertiaire de truffe, d’humus, de sous bois à l’automne. La bouche présente une très légère aspérité qui trahit le millésime difficile mais le vin a encore de la fraîcheur et du panache. Une belle émotion et une conservation extra dans ce millésime 1984 qui possédait sûrement au départ des atouts tanniques non négligeables. Bien.
Conclusion sur les 2001 :
D’abord, sur le chois du millésime. 2001 s’est imposé de lui même, de façon très naturelle et si nous réorganisons une dégustation sur le thème de la Côte Rôtie (il n’y a pas de raison qu’il n’y en ait que pour l’Hermitage), probablement que c’est le même millésime qui sera choisi. En effet, 2003 est atypique avec des vins engendrés sous une chaleur caniculaire. 2002 est plus faible et à quelques exceptions près, le Rhône septentrional n’était pas vraiment à la fête dans le contexte de ce millésime. 2000 n’est pas très homogène avec des réussites inégales et des vins d’évolution plus rapide. 1999 est grand et peut être certainement surcoté mais la difficulté de rassembler les cuvées s’en ressentirait (et le prix de revient ne serait pas à la fête non plus pour les modestes amateurs que nous sommes). Donc, 2001.
Soulignons également que lorsque l’on s’essaie à l’exercice de la dégustation à l’aveugle, il faut en accepter les règles. S’obliger à ne pas nuancer ses notes ni revoir les appréciations lorsque l’identité des vins est dévoilée. Il faut également accepter de passer à côté d’un échantillon, même s’il est peut être grand, accepter les règles et juger les vins pour ce qu’ils sont en l’état, à un moment donné, livrés à eux mêmes.
Les vins qui sortent le mieux pour moi sont donc le Méal de Faurie d’une pureté de fruit absolue, Gambert de Loche dans un style plus travaillé et moins flatteur, La Chapelle de Jaboulet en parfait compromis entre les deux cuvées précédentes. Bessards de Delas avec une finesse et une précision à laquelle je ne m’attendais pas, Tardieu-Laurent en plus boisé, flatteur. Desmeure qui ne possède pas la plus grosse matière mais de l’équilibre.
Ceux qui ont probablement un gros potentiel (en terme de matière) et qui se sont mal dégustés ou en tout cas pas au niveau attendu : Le Pavillon de Chapoutier, l’Ex-Voto de Guigal et le Gréal de Sorrel . Trois bouteilles à revoir dans quelques temps.
Ceux qui sont de demi corps mais procurent du plaisir, c’est indéniable : Domaine Belle, Domaine du Colombier, Les Vins de Vienne et la Maison Delas.
Un petit bémol sur l’état général des vins. En effet, plusieurs échantillons ont peut être été jugés avec dureté car certains vins étaient fermés, et d’autres un peu dissociés, pas encore en place. L’idéal serait de retenter l’expérience à l’horizon 2013, lorsque ces vins se seront étoffés, auront trouvé leur juste équilibre en rentrant dans leur phase d’apogée. Avec des vins d’une douzaine d’années, l’exercice serait des plus intéressant …
Laurent Bouffier