Bonjour à tous,
Dans le cadre du salon Provence Prestige avait lieu ce jeudi une conférence-dégustation du domaine de Trevallon. Eloi Dürrbach, sa femme et son fils étaient présents pour nous présenter le domaine et huit de leurs vins : un millésime en blanc (2004) et sept en rouge (de 2003 à 1990).
Quelques points globaux à titre de rappel tout de même… Le domaine, créé en 1973, s’étend su 20ha (15 de rouge, 2 de blanc) à l’ouest des Alpilles. La vigne a pris la place de la garigue sur des densités de 5000 pieds/ha environ, les modes de culture sont biologiques (aucun désherbant ni engrais chimiques, composts naturels, un peu de fleur de souffre). Aucun égrappage sur les vendanges (d'un rendement de 20 à 25Hl/ha) que ce soit pour les rouges ou les blancs, et des méthodes de vinification assez simples finalement, du moins le moins interventionnistes possibles : cuvaisons assez courtes (une quinzaine de jours en général), pas de levurage ni d’acidification, élevages de 24 mois pour les rouges et 12 pour les blancs (peu de soutirages pour les rouges, aucun pour les blancs, il reste sur lies), collages légers avant les mises qui ont lieu sans filtration.
Après cette rapide présentation du domaine, nous avons donc attaqué la dégustation :
Trevallon Blanc 2004 (Marsanne, Roussane et un soupçon de chardonnay, 10%)
Joli robe jaune dorée, assez grasse. Le premier est sur les agrumes confits, les fruits secs, les plantes séchées, et les épices. A l'agitation, la complexité du vin s'affiche comme une évidence, c'est très riche et en même temps on sent profondément l'influence du terroir par ses notes minérales, de pierre chauffée. La bouche est "intense", la matière est très belle et grasse, l'élevage est encore marqué (élevage d'un an en pièces neuves), mais l'ensemble reste frais ; c'est délicieux, et très long ... Comparable à un très bel hermitage pour moi. Ben dis donc ! Ca commence bien...
On passe en suite aux rouges :
Trevallon rouge 2003 (Cab-Sauvignon / Syrah)
La robe est rubis, assez sombre et opaque. Le nez est discret, mais délivre déjà des notes fruitées (fruits rouges) et épicées (poivre), Le cabernet ressort un peu par son côté végétal, mais ce n’est pas gênant... La bouche est dense, encore enfermé dans sa gangue tannique assez imposante, qui même si elle est de qualité (finesse du grain), rend difficile la dégustation... laissons lui le temps de se mettre en place.
Trevallon rouge 2001
La robe est plus sombre, plus opaque que le 2003. Le nez est très différent du précédent, il est déjà bien plus ouvert sur des notes de poivron grillé, fumées, de fruits noirs (et chocolat ?). Cela promet un très beau vin, et en bouche cela se confirme : c'est plein, oncteux, dense, puissant mais déjà très éqilibré ; son acidité naturelle porte l'ensemble sur une belle longueur, c'est très très beau. Un millésime complet.
Trevallon rouge 2000
Robe assez semblable au 2003, sans notes d'évolution. Le nez est surprenant : il assemble des notes relativement fraîches à un côté animal marqué, du cuir frais. La bouche est très élégante, moins puissante et concentrée que le 2001 mais d'un équilibre tout aussi remarquable. De la classe, mais moins de charme que le 2001.
Trevallon rouge 1999
La robe est assez claire, et le premier nez est quasiment l'opposé du précédent : il est beaucoup plus gourmand, sur des notes fruitées et douces, presque sur le bonbon. En bouche, encore une grande présence : de l'onctuosité, mais une masse tannique encore un peu anguleuse et ferme pour atteindre un bel équilibre comme sur les deux millésimes précédents.
Trevallon rouge 1998
Robe assez sombre, peu de traces d'évolution encore une fois. Le nez se montre d'entrée très complexe : des épices, à nouveau ce côté figue, un caractère "corsé", mais à nouveau cette note mentholée qui apporte de la fraîcheur. En bouche , on atteint ici le plus beau niveau de la dégustation jusqu'alors : la suavité et l'intégration de l'ensemble de ses composantes nous prouve alors le minimum de garde que requiert ce vin pour s'exprimer pleinement dans un degré de séduction certain : la suavité et la densité de la matière, même si cela reste encore assez tannique, sont très convaincantes, le grain des tanins est d'une très jolie finesse, une belle acidité, on se permet alors de croire que ce terroir est effectivemment capable de produire de très très beaux vins...
Trevallon rouge 1995
La robe est sombre encore, toujours cette même robe rubis, mais des notes de réduction gênent de prime abord le nez de ce vin. Après une forte agitation dans le verre, cela a tendance à s'estomper, mais gâche un peu le plaisir. Neammoins, on sent derrière cela un caractère assez prononcé d'arômes assez jeunes, encore sur le fruit. La bouche est très compacte, assez ferme, cela porte à croire que ce vin est dans une phase ingrate ou de fermeture, il est difficile à aller chercher, mais laisse entrevoir son potentiel qui semble assez grand. Un gros bébé joufflu, qui demandera certainement un peu de patience encore pour que les choses se remettent en place.
Trevallon rouge 1990
La robe cette fois-ci revêt un caractère tuilé certain. Le premier nez est un peu poussiéreux, mais cela disparaît rapidement à l'agitation pour offrir des notes figuées, de fruits noirs à l'eau de vie (pruneau), et en même temps, un côté floral et mentholé qui forment un ensemble très séduisant. La bouche est encore pleine, onctueuse, on a l'impression qu'elle s'étoffe au fur et à mesure de la dégustation, les tanins sont cette fois complètement fondus et ne font ressortir aucune astringence en fin de bouche comme ça a pu être le cas sur des millésimes plus récents. Miam... j'ai oublié de recracher ce dernier échantillon
A la fin de la dégustation, une très bonne impression d’ensemble se dégage donc, particulièrement sur la série 2001-2000-1999-1998. On voit que sur des millésimes allant de bon à très bon voire exceptionnel, Trevallon offre un vin complet, riche autant au niveau de la matière que des arômes, mais toujours avec une belle fraîcheur (les vignes sont exposées Nord, les degrés d’alcool ne dépassent que rarement les 12,5% et possèdent une acidité naturelle assez élevée).
L’élevage, bien que long, ne prend jamais le dessus au niveau des arômes : il respecte le fruit et la matière du vin, j’irai même jusqu’à dire qu’il n’est là que pour aider le vin à aller loin. Au nez par exemple, il est à peine perceptible.
Mais il faut garder à l’esprit que ce vin met apparemment un peu de temps à se mettre en place, notamment je pense à cause de l’élevage ; la série 2003-1998 nous a montré de grosses densité tanniques, qui pouvaient paraître asséchantes en fin de bouche. 1995 et 1990 nous ont montré que le vin (dans les beaux millésimes) a la capacité de garde pour laisser se fondre ces tanins et offrir un bel ensemble. Du coup, si je devais apporter un bémol, ce serait celui-ci : il faut non seulement être patient pour déguster Trevallon, mais il faut également « accepter » le fait de le déguster sur des arômes déjà bien assez évolués, tertiaires, afin de profiter de sa suavité exemplaire.
Merci beaucoup à sébastienAB d’avoir organisé et fait partager cette dégustation, et merci à M. Dürrbach pour sa disponibilité et sa gentillesse, le Trevallon Blanc a fait un malheur le soir à l’apéro ! :)o