Les plus de cette soirée ont en effet été la présence d’Alphonse Mellot himself et un magnifique sancerre à maturité !
« Himself » car il avait atterri le matin-même en provenance de Washington ! Et malgré le décalage horaire et la fatigue, Alphonse nous a accordé 2h30 de son temps en soirée dans ce club de dégustation parisien à la fois élitiste, éclectique et bon enfant…
Cette soirée se plaçait dans le cadre d’un cycle « Sancerre » dont la première séance est relatée
ICI
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Une soirée vraiment formidable par les vins dégustés et par les commentaires détaillés et enthousiastes d’Alphonse. Une fois lancé, on ne l’arrête plus ! La biodynamie, certes, mais sans être ayatollah, la transmission d’une génération à l’autre avec le souci de valoriser au mieux le patrimoine viticole, la recherche de l’excellence, les différentes périodes (du too-much, avec trop de concentration et trop de bois, à la recherche de l’équilibre et de la finesse, en passant par des essais de moins de soufre, parfois un peu trop loin), l’exportation, le lien direct avec les dégustateurs, son amour du pinot noir…
Quant aux vins, voici ce que j’ai pu noter entre deux services.
Sancerre blanc – La Moussière – 2016
Terroir : calcaires de marnes kimméridgiennes dites de Saint Doulchard (caillotes).
Elevage : huit à dix mois, 1/3 en demi-muids neufs et 2/3 en cuve. Fin d’élevage en masse pendant deux à trois mois.
Robe paille.
Le nez, démonstratif et engageant, est sur des arômes de fleurs blanches et de fruits blancs (pêche), complété par de sympathiques notes mentholées et anisées.
La bouche présente un gros volume et un certain gras, sans se départir d’une grande fraîcheur. La belle sapidité persiste jusque dans la longue finale.
Une remarquable « entrée de gamme », pleine de plaisir et de charme.
Très Bien
Nous allons maintenant explorer différents terroirs sur ce magnifique millésime qu’est 2014.
Sancerre blanc – Les Herses – 2014
Terroir : silex sur argiles à silex.
Elevage : dix mois sous bois sur lies fines, puis six mois en cuve.
Robe de couleur paille soutenue.
Le nez intense dévoile d’entrée une belle minéralité, avec un côté pierreux mais surtout crayeux, sur un fond de fruits blancs.
La bouche est tendue et se présente sous une certaine austérité, mais pas cistercienne grâce à la présence d’un fruité suffisant, d’une ampleur et d’une longueur tout à fait intéressantes, jusqu’à une finale assez saline.
Un vin à garder pour qu’il s’amabilise un peu plus mais déjà
Très bien en l’état.
Sancerre blanc – Les Romains – 2014
Terroir : silex sur calcaire
Elevage : dix mois en cuve bois. Fin d’élevage en masse pendant deux à trois mois.
Robe de couleur paille soutenue.
Intense et très crayeux, le nez laisse percevoir de beaux arômes fruités et floraux.
La bouche est profonde et dotée d’une belle matière qui enrobe une minéralité structurante. La persistance est magnifique, sur le caillou et une belle salinité.
Un très beau Sancerre au grand avenir.
Très Bien +(+)
Sancerre blanc – Génération Dix-Neuf – 2014
Terroir : identique à celui de La Moussière (sols calcaires de marnes kimméridgiennes dites de Saint Doulchard) mais parcelle de vignes de 107 ans !
Elevage : en cuve bois tronconique sur lies fines pendant dix à douze mois. Fin d’élevage en masse pendant au moins quatre mois.
Robe de couleur paille assez soutenue.
Le nez est bien ouvert sans être très intense mais d’une grande élégance et d’une remarquable précision. Son aromatique fait la synthèse entre fruité, floral et minéral, avec une pointe vanillée en point d’orgue.
Très large et ample, la bouche prend comme base une matière fruitée confortable, qui vient se tendre par un soupçon de minéralité. La très belle finale saline invite à la gorgée suivante.
Un très grand avenir est promis à ce vin déjà très fortement apprécié.
Très Bien ++
Je ne reconnais en rien cette cuvée, servie dans le même millésime lors du concours de la RVF un mois plus tôt : il m’avait alors donné, comme à de nombreux dégustateurs, une impression de végétal peu noble. Alphonse incrimine l’ambiance humide et pierreuse des caves de la Mignonne. Cela a sans doute été néfaste, avec peut-être en plus une bouteille défectueuse qui a contaminé les autres (toutes les bouteilles servies sont mélangées dans une Dame Jeanne) ?
Sancerre blanc – Edmond – 2014
Terroir : identique à celui de La Moussière (sols calcaires de marnes kimméridgiennes dites de Saint Doulchard) mais parcelle de vignes de 109 ans !
Elevage : onze mois en cuve bois et en demi-muids neufs. Fin d’élevage en masse pendant douze mois minimum.
Le nez très intense développe des senteurs de fruits blancs où s’entremêlent des notes boisées et anisées.
La bouche impressionne par sa grosse matière, son beau volume, un boisé sensible mais certainement pas envahissant. L’ensemble paraît cependant un peu comprimé : le potentiel est évident, notamment par sa finale salivante et à la salinité impactante. Mais il faudra attendre une dizaine d’années pour qu’il puisse se libérer et accéder au royaume des grands vins.
Très Bien + (+) en l’état.
Et pour prouver si besoin en était la longévité des Sancerre bien nés, Alphons Mellot nous a apporté cette magnifique bouteille :
Sancerre blanc – Edmond – 2000
Robe d’un or jaune très dense.
Puissant et baroque, le nez brille par sa complexité, déroulant une aromatique sur les fruits exotiques, le miel, mais aussi des touches de pâtisserie et d’autres de truffe. On a du mal à passer à la phase suivante tant c’est beau et abouti !
Sur le 2014, j’avais noté la grosse matière mais un peu comprimée. La bouche du 2000 possède une densité énorme, beaucoup de gras, une sapidité incroyable… L’acidité est bien présente et constitue une colonne vertébrale pour l’ensemble. L’impression de largeur reste très longtemps et la bouche ne se resserre en s’affinant que très tard sur la longueur, grâce notamment à une légère salinité qui témoigne du beau terroir.
Comme Les Monts Damnés 2001 de François Cotat, voici un autre grand vin à son apogée !
Excellent (+)
Nous passons ensuite aux rouges, la passion d’Alphonse Mellot junior, qui nous propose trois cuvées parcellaires bichonnées et bénéficiant d’un élevage luxueux (100 % de fûts neufs pendant 14 mois puis en masse pendant une durée variable selon les millésimes), toutes sur ce très beau millésime 2014.
Sancerre rouge – La Moussière – 2014
Terroir : identique à celui du blanc. Vignes de 52 ans.
Robe assez claire, ni jeune ni évoluée.
Le nez s’ouvre sur un beau fruit, avec principalement de la cerise à l’eau de vie et de la framboise, complété par quelques touches fumées, caractéristiques pour moi des pinots noirs du Centre Loire.
La bouche combine tension et fruité, auquel un côté ronce vient s’ajouter et apporter de la finesse, la finale étant légèrement amère.
Bien ++
Sancerre rouge – En grands Champs – 2014
Terroir : calcaires dits de Buzençais. Vignes de 66 ans.
Robe assez sombre, aux reflets déjà légèrement tuilés.
Le nez très intense s’avère élégant et donne une impression de fusion entre le fruité (fraise, cerise et framboise) et le boisé.
La bouche est délicatement charnue, sur les mêmes arômes fondus qu’au nez, mais c’est la superbe rectitude qui frappe, épurée et toute en longueur, grâce à une superbe acidité et au terroir qui parle. Un vin d’une grande buvabilité qui manque un peu de fond à mon goût pour être au top.
Très Bien +
Sancerre rouge – Génération Dix-Neuf – 2014
Terroir : identique à celui de La Moussière. Vignes de 83 ans.
Robe sombre possédant encore des reflets violacés de jeunesse.
Le nez impressionne par sa puissance et exhale des arômes fruités purs et profonds, principalement la cerise noire, complexifiés par des épices douces.
La bouche allie une grande concentration, un formidable volume, un fruit magnifique et une belle fraîcheur minérale. Le boisé est tellement intégré dans la matière riche qu’on ne le perçoit pas vraiment. La bouche prend un profil plus droit sur la longueur, jusqu’à une finale sapide et salivante.
Un grand pinot qui devrait pouvoir rivaliser avec certains grands crus de Bourgogne dans quelques années.
Très Bien ++/Excellent
Voilà qui termine admirablement une bien belle dégustation ! L’assemblée s’est déclarée enthousiaste, certains encore plus sur les blancs et d’autres sur les rouges, mais cela c’est une affaire de goût…
Les avis ont été en tout cas unanimes sur la qualité des échanges avec Alphonse Mellot, que je remercie donc chaleureusement au nom de tous !
Suite et fin de ce cycle Sancerre avec Matthieu Delaporte début mai. Une autre belle soirée en perspective !
Jean-Loup