Les vacances de février ont donné l'occasion de rendre visite à Frédéric Palacios, beau vigneron de la Malepère :
Compte-rendu de visite ici, ou sur le blog avec les images :
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Bienvenue dans l'Aude, terre voisine, bordure ouest du Languedoc vinicole. Bienvenue en Malepère, région à la renommée encore peu établie, dont les vallons caractéristiques entourant le Mont Naut (442 m tout de même) sont autant de caresses pour le regard.
10h00, attiré par un paysage balançant entre influence océanique et méditerranéenne, je tirais le frein à main de la bagnole, un bout de fromage et un sauciflard en bandoulière, car nous arrivions chez Frédéric Palacios, jeune vigneron installé aux manettes de ce bout de terre depuis 2005.
Pour parler un peu chiffon, l'AOC Malepère voit le jour le 4 mai 2007, on y travaille des cépages d'horizons divers : Merlot, Cabernets, Malbec pour l'Ouest ; Cinsault, Grenache, Lledoner pelut, Syrah, pour les ambassadeurs méridionaux... Mais, la Malepère, c'est aussi quelques blancs étiquetés en vin de pays, dont le Chasan travaillé par Frédéric, croisement de Listan et Chardonnay, historiquement présent dans le coin afin de ravitailler les potentats de passage.
Mais revenons chez notre ex-chevelu dont la nouvelle crinière laisse à penser un instant à une reconversion dans la finance... Que nenni ! Les premières paroles débordantes d'enthousiasme, trahissaient le bonhomme, et les yeux pétillants, le discours empreint d'une passion forgeant les plus belles convictions, voici que débutait ce qui s'annonçait être une belle journée d'échange et de partage, pleine d'humilité, au côté de cet artisan dévoué à ses vignes et à ses vins.
Pour planter le décor, ici point de hall de réception ou de verrière exhibant les bouteilles du "ChÂÂÂteau" tels des trophées, les escarpins ou les mocassins à glands sont prohibés, à moins que le cuir crotté soit devenu la nouvelle mode sur les trottoirs parisiens. Ici, la vitrine de la maison, ce sont les vignes. Nous embarquions alors pour un petit tour du propriétaire : culture biologique (label Ecocert), vendanges manuelles, rendements à laisser un bordelais au lit... le Mas de mon Père est une entité de cinq hectares de vignes, dont l'encépagement se compose de Merlot, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, Malbec, Carignan et Chasan. Mais depuis une paire d'années, une parcelle de Grenache et Cinsault est venue s'ajouter à la belle collection ampélographique du sieur Palacios.
La Malepère tient son nom de l'occitan "mala pèira", littéralement : la mauvaise pierre. En effet, le sol est constitué de strates d'un grès extrêmement friable, origine de la dénomination du massif, et de poudingues : conglomérats naturels mêlant de petits galets tels des raisins secs dans ce "pudding" gréseux. C'est donc dans ces sols pâtissiers, balayés par le marin et l'autan que s'épanouissent les raisins du Mas de mon Père...
Ce matin là, parcourant le massif, notre joyeuse bande arborait un beau sourire, bravant le froid, la passion réchauffant difficilement les corps... Serrés comme des sardines un jour de retour de pêche, les échanges se succédaient abordant divers sujets : de la taille, en guyot ou en gobelet suivant le caractère retombant ou pas des divers cépages exploités ; aux contaminations extérieures et à la réalité du bio, dans un environnement où, les petits chimistes de l'agriculture font malheureusement parler d'eux malgré la distance non négligeable (1km) qui les séparent de certaines parcelles... Sympathique aussi, le point de vue sur tout le vignoble audois, depuis les hauteurs du Mont Naut. Enfin, Fred tenait à nous signaler la présence de sacrés fromages de chèvres, malheureusement impossibles à goûter durant les frimas hivernaux... Bref, nous découvrions un terroir, une identité, et un éclairage fort intéressant quand on connait les vins du domaine et que l'on perçoit cette trame commune au sein d'une production pourtant éclectique.
S'en suivit une visite du chai et la dégustation des cuvées en cours d'élevage, 2012 en l’occurrence. Une dégustation qui mit en avant une fraicheur et une densité communes à chaque vin, mention particulière au Merlot déjà d'une belle complexité et au Malbec dont les notes mentholées et le toucher de bouche laissent espérer de belles choses pour l'avenir. Le Carignan, casse-tête de l'année, libéra la fumée blanche, marquant ainsi l'approbation et la fin de notre conclave du jour, grâce au travail sur mesure de Frédéric Palacios...
A l'origine, c'est la mise en bouteille toute récente du blanc 2012,
Quitte ou double, qui conditionna notre venue sur Arzens. Vu la production quasi confidentielle de ce Chasan élevé à peu près 4 mois en fût, les réveils furent vite remontés et ce vendredi là, à l'heure où les estomacs crient famine, après cet indispensable "tour du propriétaire", les chaises se mirent à grincer et les couverts à tintinnabuler.
La leçon de vérité débutée dès le matin continuait de plus belle, quand au milieu des flacons à déguster, prit place une belle poêle en fonte, assiégée par des choux farcis que nous allions rapidement nous charger de déloger...Faisant honneur à notre hôte (sans la moindre difficulté je dois dire), il fallut tout de même nous pencher sur nos verres et délaisser un instant nos assiettes, afin de juger les différentes cuvées disponibles en ce moment.
Quitte ou double 2012, le Chasan, fut véritablement plébiscité, une bouche d'une très belle pureté, entre notes d'herbes aromatiques, fruit blanc et salinité... malgré les limites du cépage, une très belle bouteille. Le reste de la gamme, fut dégusté sur 2011 : très belle impression laissée par le
Cause toujours ! (grenache/cinsault) d'une gourmandise rare sans lourdeur aucune ;
M comme je suis ! (merlot), plus simple, laisse malgré tout penser que ce cépage peut vraiment provoquer de belles émotions quand fraicheur et pureté du fruit sont si bien conjugués ;
L'insolite (malbec), malgré une bouche d'une belle souplesse, n'était pas dans une forme olympique, cette cuvée nécessite, à mon humble avis, un séjour assez conséquent à l'ombre d'une cave pour mieux se révéler par la suite ;
Partez pour le rêve ! fut découvert dans sa version 2010 après un passage de 12 mois entre les douelles caressantes de la cave, pour se révéler être une des plus belles réussites qu'il m'ait été donné de goûter sur cette cuvée... 2010, un sacré millésime par chez nous...
Finalement repus, force était de constater que la production du Mas de mon Père, tout en s’accommodant des aléas climatiques de chaque millésime, est en réelle progression, révélant tout le sérieux du travail de Frédéric Palacios, amoureux de son pays, appliqué jusque dans le détail quand il s'agit de ses vignes... Un homme ouvert, à l'écoute, sans exubérance dans le propos, mais pas sans esprit ni conviction, un homme pouvant fièrement paraphraser Baden-Powell, une poêle à la main, une quille dans l'autre :
"les connaissances sans le caractère ne sont que le choux sans la farce" et de porter ainsi au sommet de cette appellation, dont la notoriété est au moins aussi prestigieuse que celle d'un porteur d'eau un soir de Beaujolais nouveau, une production d'une qualité que l'on aimerait retrouver plus souvent dans les couloirs prestigieux de quelques demeures vigneronnes bien cotées...