Bonjour ou bonsoir à chacun,

ce petit billet pour livrer quelques impressions suite à mon dernier voyage vinicole dans le Jura en avril. L’an prochain, cela fera 10 ans que j’arpente chaque année le vignoble jurassien avec quelques années auparavant des dégustations en salon ou autres.

En 10 ans, je constate pas mal d’évolutions.

1. le vignoble est assurément dynamique. Les locomotives de la qualité font des émules et on ne compte plus sur les doigts des deux mains les domaines jurassiens de grande qualité.

2. Cette évolution se fait de manière intéressante. Un peu partout à la fois (du Sud Revermont jusqu’Arbois avec peut-être encore quelques languissements du côté de Château-Chalon), à l’occasion du changement de génération à la tête du domaine mais pas uniquement – certains quadra voire quinqua sortent des coopératives.

3. Cette évolution se marque à travers plusieurs orientations.
3.1. L’option de la viticulture biologique et biodynamique. 19 % des surfaces et près d’un tiers des exploitations. Enorme. Et le fait qu’une association les regroupent TOUS est tout aussi énorme.
3.2. L’exploration de vinifications innovantes, en particulier les très longues macérations, tant chez les ‘modernes’ que des traditionnels.
3.3. Des prix qui montent sans discontinuer ces dernières années mais qui restent pour les tous grands vins encore abordables. Cependant, des questions se posent sur les prix de certains nouveaux domaines par rapport aux ‘établis’. Pour faire des affaires aujourd’hui, il faut être à l’affût.
3.4. l’internationalisation de la vente des vins. J’ai été surpris de connaître les % d’export de certains domaines. Une piste d’explication m’a été fourni : des importateurs scandinaves ou américains viennent avec leurs restaurateurs et commandent chez plusieurs domaines, labellisés bios, et voilà des quantités suffisantes. Compréhensible quand on voit la carte du Noma à Copenhague.

Tout cela se traduit par un peu plus de difficultés d’approvisionnement pour les amateurs. On en n’est pas à la voisine d’en face bien sûr mais en fonction des volumes des prochains millésimes, ce sera intéressant de voir comment la situation évoluera. Autant en période de pénurie il est facile de vendre son vin sans devoir y travailler, autant la réflexion de Pascal Clairet sur le marché du Poulsard il y a une dizaine d’années était éclairante sur la possibilité de revoir les difficultés revenir.

Je suis curieux de voir l’évolution que prendra le vignoble dans les années à venir. Les enjeux sont importants : poids des grandes maisons en volume – surtout sur le Crémant, volume des récoltes, continuation du succès à l’export, etc.
J’espère surtout que les producteurs continueront à faire du Jaune car j’en ai entendu plusieurs m’avouer que dans ces derniers millésimes plus difficiles pour le Savagnin qu’ils avaient entièrement consacré leurs raisins à l’ouillé…

A vous lire

Julien

J'ai évidemment beaucoup moins de recul et d'expérience que toi Julien mais je partage totalement ton avis sur l'évolution du vignoble jurassien.

J'ai ressenti ce dynamisme et cette unité lors de mon passage au Nez dans le Vert, arrivé avant l'ouverture officiel j'ai pu voir la complicité de tous ces vignerons, avec pas mal de vins qui voyageaient de domaine en domaine pour simplement goûter.
Concernant les prix ; ils augmentent d'ailleurs plus facilement chez les domaines "bio" je trouve, ça devient quand même assez compliqué chez certains domaines (Tissot, Ganevat, Pignier pour ne citer qu'eux).
N'étant pas particulièrement fan du savagnin ouillé, c'est avec pas mal de regrets que je suis reparti du salon nommé plus haut, les vignerons avaient globalement une à deux cuvées de chardo à proposer et quasi-systématiquement du savagnin ouillé - pas d'oxydatif. Lorsque tu parles de millésimes difficiles pour le savagnin, parles-tu en terme de qualité ou de quantité ?

Merci pour cet état des lieux

Merci pour ta réaction Rémy,
J'évoque la quantité, souvent divisée par 2 ou 3 pour 2012-13 et 14 (même 15 pour une partie selon J. Puffeney).
Julien

Etonnant pour 2015, la plupart des retours que j'ai eu évoquaient une millésime en quantité bien supérieur que les précédentes en chardo + savagnin.

Oui j'étais moi-même étonné mais Jacques Puffeney évoquait certains terroirs qui auraient souffert de la sécheresse de juillet, le savagnin prenant du volume apparemment à ce moment là.
Note que ça reste plus qu'en 12 et 13, de toutes façons.

Julien

Excellente analyse que je partage à 100%.

De plus, certains ont des surfaces et une trésorerie qui leur permet de "s'amuser" à faire des cuvées spéciales en veux-tu en voila. Je n'aime pas cette dérive. Cela crée de l'exclusivité. phénomène encore très limité cependant

Il y a une ligne dans ton constat qui est assez alarmant :

"Des prix qui montent sans discontinuer ces dernières années mais qui restent pour les tous grands vins encore abordables. Cependant, des questions se posent sur les prix de certains nouveaux domaines par rapport aux ‘établis’. Pour faire des affaires aujourd’hui, il faut être à l’affût"

Cela ne va pas s'arrêter malheureusement et la tendance aux cuvées ouillées me désole (même si un Savagnin ouillé de Ganevat est une vrai tuerie). Il est évident que l'oxy n'est pas à mettre entre tous les palais et que l'ouillé se vend certainement mieux. C'est probablement une des raisons de l'internationalisation des vins de cette région qui pendant longtemps vendait pratiquement la totalité de sa production sur le marché local (à part quelques belges illulminés comme mon paternel qui partait tous les ans dans les années 80 chercher "ses" Macle - entre temps, il m'a refilé le flambeau et j'y vais ce week-end :-))

J'espere que les cuvées oxydatives ne vont pas finir par disparaitre ou devenir des raretés introuvables et impayables...

Il y a également une disparité flagrante entre l'augmentation des prix des vins du jura auprès des particuliers + professionnels et la baisse des prix dans la GD. Des CC à 21 euros et des Vin Jaune à 16, il s'en trouve à la pelle.

Je me permets juste un léger bémol sur le "tout ouillé", j'en connais qui ne peuvent faire autrement : le voile ne prend pas (Buronfosse est un exemple).

Par contre Hugues, je ne vois pas d'un si mauvais œil toutes ces expérimentations ; j'ai bu de belles choses au domaine de la Borde comme un savagnin avec du sucre résiduel (Gelée de Novembre) qui était très surprenant mais très bon ou encore du poulsard vinifié en blanc.

Merci Hugues pour ta réaction.

Je suis moi même également interpelé sur la domination de l'ouillage. Cependant, je me garderai de donner un avis positif/négatif. Si les cuvées ouillées de qualité remplacent des vins oxy de moins bon niveau (voire ensemencés), je n'ai rien à reprocher aux vignerons (mais attentiion, je surveille ce que fera Angerville avec les Savagnin de Puffeney). Par ailleurs, les difficultés d'approvisionnement concernent pour le moment encore rarement les oxydatifs. Mais il est clair que l'exemple de 2013 où un choix vers l'ouillé s'est produit pour des vignerons faisant les deux avec bonheur interpelle.

Et pour réagir au message de Rémy, ces jaune et CC à bas prix, je n'en voudrai pas. Ou seulement pour la sauce.
Le risque pour le vignoble c'est une montée en gamme des indépendants vs des difficultés pour coopératives/négociants sur des marchés 'locaux'. Et c'est dans ce contexte que l'avenir d'Henri Maire sera peut-être déterminant dans l'équilibrage. Reste que pour l'image de marque, il ne restera peut-être plus beaucoup de place entre basse qualité et internationalisation bio.

Julien

2-3 points concernant le savagnin.

Etonnemment (?) il se comporte mieux en voile lors d'années réputées plus difficiles : s'il est trop mûr, il donne des oxy patauds et peu intéressants. En '15, il y a eu un peu (beaucoup) plus de souci vers Montigny que sur Pupillin et même Arbois, où les rendements étaient bien sympathiques, avec des maturités bonnes sans être trop importantes.

Malheureusement le savagnin sous voile, il faut le valoriser, et ça requiert un volume suffisant que pour le ventiler entre les traditions, Savagnins sous voile et jaune. Une petite structure n'aura peut-être pas assez de pièces à tenter en jaune (et donc à devoir recycler si le voile n'évolue pas comme voulu) que pour prendre le risque... Les sous voiles non jaunes étant peu valorisés, et les Tradition un peu boudés par le public il me semble (image de vin de repli? pas de parcellaire?)

Un nouveau domaine, s'il veut travailler comme un "fundi", doit assumer pendant 7ans les manques de liquidités dues à tout ce volume de vin immobilisé, ce qui joue fortement dans leur plan financier auprès du banquier, surtout s"ils ont beaucoup de savagnin.

Sinon, tant qu'on en est aux prédictions, je prédis justement une diminution des cuvées trop fofolles et peu maîtrisées de certains domaines, car le marché américain commence tout doucement à avoir soupé des vins pas nets. J'abonde également en ton sens concernant Chateau-Chalon, même si ça commence à bouger.

LoneWD écrivait:

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> Il y a également une disparité flagrante entre
> l'augmentation des prix des vins du jura auprès
> des particuliers + professionnels et la baisse des
> prix dans la GD. Des CC à 21 euros et des Vin
> Jaune à 16, il s'en trouve à la pelle.
>
> Je me permets juste un léger bémol sur le "tout
> ouillé", j'en connais qui ne peuvent faire
> autrement : le voile ne prend pas (Buronfosse est
> un exemple).
>
> Par contre Hugues, je ne vois pas d'un si mauvais
> œil toutes ces expérimentations ; j'ai bu de
> belles choses au domaine de la Borde comme un
> savagnin avec du sucre résiduel (Gelée de
> Novembre) qui était très surprenant mais très
> bon ou encore du poulsard vinifié en blanc.

Je n'ai pas dit que ces expérientations étaient mauvaises (c'est même très souvent de belles réussites) mais plutôt qu'elles participent à la mise en place de cuvées exclusives. Je visais en particulier un vigneron fort connu, très attachant au demeurant, qui produit des vins jaune parcelaires a des prix proches de 60 la quille.

Il est évident qu'un oxy à bas prix encemencé, je n'en veux pas non plus mais même un "pur" oxydatif se vend moins bien que des cuvées "à la bourguignonne" à l'export.

De manière générale, un vin du Jura bien fait (en général bio ou bio-d) est cher, c'est un fait. J'en parlais encore avec un caviste il y a peu qui me disait vouloir en mettre a sa carte mais qu'en dessous de 15-20€ (prix caviste), faut oublier et a part des fendus comme moi, personne n'achetera

J'avais mal compris Hugues, effectivement. Il n'empêche que ce côté "parcellaire bourguignon" du vigneron dont-on-ne-peut-pas-prononcer-le-nom ( ) est je trouve, pour la plupart de ses cuvées, un choix très qualitatif. C'est une façon de mettre en valeur les vins proposés. Tu disais également ne pas aimer cette approche ; à cause du manque de lisibilité ? De la hausse des prix ? Sur ce dernier point, c'est indéniable, plus de 20 euros pour un chardo made in Jura, ça pique.

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