Les tribulations de deux Helvètes en Pays bugiste
Comme promis, après avoir sollicité quelques conseils et adresses sur ce même site, voici mon long CR de voyage dans le Bugey. Ce périple a été effectué en compagnie de mon camarade habituel de virées oenophiliques, Anton, durant le week-end pentecôtien. Ci-dessous un lien utile, soit celui du site internet des vins du Bugey.
www.vinsdubugey.net/
Nos attentes oenophiliques étaient modestes ; Bugey VDQS, vin délimité de qualité supérieure, voici qui n’avait a priori rien de très enthousiasmant. Et bien, nous avons été déçus en bien, comme on dirait sur les bords vaudois du Léman. Faute de temps, deux jours et demi, nous n’avons pas visité le vignoble de l’AOC Seyssel, pourtant en grande partie bugiste, car situé majoritairement sur la rive droite du Rhône.
Tout d’abord, bien que faisant très France profonde à bien des égards, la région vaut largement le détour. Cette extrémité méridionale de la chaîne jurassienne offre des somptueux paysages et très variés de surcroît. Entre les hauteurs désolées et très ventées, presque arctiques, du Grand Colombier, 1531 m d’altitude et la plaine du secteur Belley-Culoz, à environ 250 m, le contraste du climat et de la flore est très marqué. Le Bugey est en effet caractérisé par de très fort dénivelés, sur quelques centaines de mètres, on passe non rarement de 1000 m, voire de 1500 m à 200 ou 300 d’altitude ; d’importantes falaises, cluses et des cirques karstiques donnent aux paysages, calcaires à 150 %..., une très forte personnalité. La nature y est dans l’ensemble très belle, parfois sauvage. De vastes et belles forêts variées alternant avec des prairies, des parcelles cultivées, des vergers, de superbes villages anciens, le tout très bocagé, les nombreuses rivières et ruisseaux, le fleuve Rhône, font du Bugey un grandiose pays de randonnées, à pied, à cheval ou à vélo, pour ceux qui n’ont pas peur des côtes souvent très raides…
Si les hauteurs jurassiennes sont souvent fraîches, le pied des montagnes et des nombreuses falaises présente souvent un climat quasi-méditerranéen, à la flore très odorante. Les abricotiers et pêchers semblent s’y plaire et on trouve ici et là, au détour d’un jardin, quelques figuiers, voire un amandier.
C’est au milieu de cette nature foisonnante, que l’on découvre, souvent bien cachés, au détour d’un virage, quelques lopins de vigne. En effet, mis à part certains secteurs de Cerdon et de Marignieu-Vongnes, le vignoble est dans l’ensemble très disséminé en de très nombreuses parcelles, souvent bien cachées et peu visibles depuis les grands axes routiers. La région qui a appartenu successivement à la Bourgogne, puis à la Savoie avant de rejoindre le royaume de France au XVIIe siècle, emprunte tout son encépagement aux anciennes provinces voisines ; la Savoie pour les mondeuses blanches et noires, ainsi que pour la roussette (alias altesse), voire le chasselas ; Bourgogne, Jura et Beaujolais, pour le reste, soit gamay, pinots noir et gris, poulsard, aligoté et chardonnay.
L’appellation VDQS Bugey, c’est un peu plus de 500 ha ; quatre crus peuvent revendiquer de figurer sur les étiquettes, il s’agit de Cerdon au nord-ouest (uniquement pour le célèbre mousseux demi-sec) Montagnieu (pour sa roussette et ses méthodes traditionnelles) au sud-ouest, Manicle (seulement pour le pinot noir et le chardonnay) et Virieu-le-Grand (pour la seule roussette) au sud-est. La vigne est surtout présente dans trois régions, au sud-est, dans le secteur Culoz-Belley, au sud-ouest, sur le secteur Lhuis, Groslée, Montagnieu, Ambérieu, le long du Rhône, et au nord-ouest, soit le vignoble de Cerdon (180 ha), sur les contreforts bressans du Revermont.
Une grosse partie des raisins de la région (plus de 50 %) finit dans une importante production de mousseux, en méthodes traditionnelle et ancestrale, dans les appellations Cerdon, Bugey et Montagnieu. Le reste est vinifié en rouge, blanc et rosé, sec, même si l’on trouve ici ou là des tentatives de vinification de raisins issus de vendanges tardives ou passerillées, essentiellement sur la roussette et le chardonnay, en vin de table…, l’appellation ne reconnaissant pas de tels produits. L’utilisation de barriques est encore assez peu répandue. C’est probablement tant mieux.
Depuis près de 25 ans, la région aspire au graal de l’AOC. Il semble qu’après bien des tergiversations, l’INAO soit enfin prêt à accéder à cette requête prochainement. Il est vrai que la région est assez hétérogène de par son encépagement, ses différentes aires de production et par la qualité très variable de sa production, même si le climat et le sous-sol sont assez homogènes, calcaire et argile en proportions variables.
Dans l’ensemble, les cépages qui nous ont paru les plus intéressants sont dans l’ordre de préférence, la roussette, surtout sur les crus de Montagnieu et Virieu, la mondeuse noire, le pinot noir et le gamay ; dans l’ensemble les chardonnays nous ont plutôt déçus, souvent très tendres, voire mous, lactiques et peu expressifs en général, (mais nous n’avons toutefois pas eu l’occasion de déguster un Manicle blanc…) sauf pour certains mousseux ; nous avons eu une très belle surprise avec un aligoté. La seule mondeuse blanche et le seul pinot gris dégustés nous ont semblé également plutôt fades. Aucun poulsard n’a malheureusement figuré au menu de nos quatre dégustations. Pour combler cette lacune, il faudra retourner une fois pour explorer de façon plus approfondie le terroir de Cerdon….
De manière générale, l’accueil dans les caves a été excellent, attentif, compétent, disponible et patient. Les prix des vins, sauf pour le cru Manicle, sont doux, de 3,50 à 8 euros. Les millésimes dégustés ont été essentiellement 2004 pour les blancs, 2003 pour les rouges et certains rosés, parfois 2001 ou 2002 sur des mousseux, qui n’indiquent en principe pas de millésime, mais qui sont le plus souvent issus d’une seule année. Voici pour les généralités, passons à l’appréciation cave par cave.
Notre première visite a été pour Franck Peillot à 01470 Montagnieu. Ce fut probablement la visite la plus authentique et la plus compétente de notre périple. Accueil au premier abord un rien réservé, prudence « montagnarde » oblige, mais le personnage s’anime très vite lorsqu’il nous amène à deux ou trois cent mètres de là pour voir ses vignes très pentues au bord de la route à la sortie du village. Le lieu est très beau, perché au dessus du Rhône, avec vue également sur la centrale nucléaire de Creys-Malville….
Nous débutons la dégustation par un Montagnieu méthode traditionnelle, altesse et chardonnay, assemblage de vins de 2002, à 6,30 euros. Belle robe jaune moyen, jolie bulle, nez assez aromatique, typé roussette, néanmoins avec élégance, en bouche bel équilibre, mousse un peu abondante, mais persistante, un beau gras, une fine acidité, de la concentration, une très légère amertume finale, une grande longueur ; un très bon mousseux de repas, plus que d’apéritif, excellent rapport qualité-prix.
Le second vin est la réserve de Jean, Montagnieu méthode traditionnelle, mais pur chardonnay, tjrs en 2002, 7,50 euros, malheureusement épuisé. Robe pâle, bulle fine, nez très élégant et racé, typé du chardonnay, une bouche d’un très bel équilibre entre gras, acidité et effervescence, un peu moins typée que la précédente cuvée, mais plus racée et très nette, jolie longueur, un très beau mousseux pour l’apéritif qui laisse la bouche fraîche et nette. Excellent rapport qualité-prix.
Vient le tour des roussettes de Montagnieu, 7,50 euros ; la 2004, jaune moyen, grasse, est superbe, racée, équilibrée, belle concentration, typée, belle longueur encore un peu fermée au nez, laissant apparaître des nuances minérales, de fruits blancs et d’épices, mais pleine de promesses. Superbe rapport qualité-prix. Devrait bien évoluer sur les cinq prochaines années, voire au-delà. La 2003 plus épanouie, a moins emballé, jaune moyen, très grasse, nez épanoui, mais moins net et racé que la précédente, bouche grasse et volumineuse, acidité en retrait, légère amertume finale, c’est bon, pour un plaisir immédiat, mais elle n’a pas l’élégance et les perspectives de garde de la 2004. Bon rapport qualité-prix néanmoins.
Le Chardonnay Bugey 2004, 5,20 euros, nous a paru bon également, robe pâle, nez élégant, en bouche, gras, minéral, structuré, un rien austère, évidemment moins original et typé que la roussette ; bon rapport qualité-prix.
Le rosé du Bugey 2004, 4.60 euros, essentiellement ou uniquement mondeuse, est très typé, rosé assez foncé, jeune, brillant, nez puissant bien que retenu, droit comme un « i », avec nuances de fruits rouges et de poivre, en bouche, attaque ample, évolution marquée par une acidité sensible, bonne longueur, un rosé solidement campé, vinifié pour la table avec des mets plutôt gras, rapport qualité-prix correct.
Le Pinot noir du Bugey 2004, 5,20 euros, couleur rubis moyennement foncé, jeune et brillante, nez qui pinote agréablement, mais simple et unidimensionnel, du gras, acidité sensible, trame tannique moyenne, bon équilibre, un peu court en finale, en définitive un rouge très austère et sans grande expression. Il semble qu’il s’agisse d’un vin issu d’un clone de pinot droit, d’origine champenoise ( ?) que notre hôte a plutôt planté dans la perspective d’en faire du mousseux.
Nous attaquons ensuite les mondeuses du Bugey ; la 2004, 6,70 euros, violacée presque noire, grasse, nez typique, laissant timidement apparaître des nuances sauvages entre l’épicé (poivre), les fruits noirs et une touche végétale évoquant le lierre, riche de promesse, mais présentement fermé à quadruple tour ; la bouche présente une attaque plutôt grasse, une acidité solide, mais fine et des tanins très fermes, une belle longueur ; un vin dense et tannique, qu’il va falloir attendre ou aérer longuement en carafe. Un vin pour des viandes rouges en sauce, le gibier, du chamois ? des mets solides et roboratifs, à laisser vieillir impérativement au minimum quatre ou cinq ans. Un cru élaboré pour les amateurs de mondeuse traditionnelle, virile et très solide. Bon rapport qualité-prix. La 2000, couleur presque identique, à peine évoluée, grasse, le nez commence seulement à laisser entrevoir des arômes plus épanouis, plus profonds et complexes, la bouche un peu plus fondue, entame son déverrouillage et devrait devenir tout à fait accessible d’ici deux ou trois ans. Une très belle mondeuse, mais qui n’est plus disponible à la vente.
Nous avons encore dégusté une « vendange d’antan » de roussette, issue de raisin passerillé, vendue comme vin de table ; un peu déroutante, avec un nez très instable, évoluant de manière très aléatoire entre les fruits blancs, un peu de volatil et des nuances presque oxydatives : la bouche présente une attaque grasse, une acidité plutôt basse, une longueur moyenne ; essai intéressant, mais qui ne nous paraît pas complètement stabilisé et achevé ; le style intermédiaire et un peu rustique hésitant entre le demi-doux et le doux (environ 40 g de sucre résiduel) manque à notre goût d’équilibre et de concentration. Une curiosité vendue en bt de 50 cl, qui cherche visiblement encore ses marques. A suivre, car Franck Peillot est à l’évidence un vigneron expérimenté, bien que modeste, mais qui a visiblement encore soif d’apprendre et d’expérimenter…
En résumé, une très bonne adresse pour la roussette, les mousseux, la mondeuse, pour qui recherche des vins bien typés, de bonne garde et solidement ancrés dans leur terroir.
Notre seconde visite a été pour la maison Angelot à Marignieu. La cave est située au cœur de ce très bucolique et traditionnel village bugiste, tout proche de la capitale historique du Bugey, Belley. L’accueil y est également excellent, patient et attentif, en l’occurrence par le père, Maxime Angelot.
Nous avons entamé la dégustation par les deux mousseux du Bugey, méthode traditionnelle, sur millésime 2002, qui ne nous ont pas déplu, mais sans plus, que ce soit le brut, 6 euros, ou l’extra brut, 8,20 euros, ce dernier pur chardonnay. Ils ont tous deux une jolie robe pâle, une bonne concentration, de l’expression au nez, ils présentent une mousse plutôt fine et persistante, toutefois le premier nous a laissé toutefois une légère impression d’amertume et les deux nous ont paru avoir une acidité bien pointue, un rien tranchante, à la limite de la verdeur.
A propos des deux chardonnays, la Bugey 2004, la cuvée générique, 5 euros, nous a paru plutôt anodine, vinifiée proprement, mais plutôt fluide, souple et peu sapide. La cuvée Maxime 2004, 6.30 euros, est un cran au-dessus, nez typé du cépage, fin, un rien lactique, mais sans beaucoup d’expression, bouche grasse et relativement longue, mais dans un registre très (trop) tendre à notre goût, rapport qualité-prix correct.
L’aligoté du Bugey 2004, 4,80, nous a beaucoup plu, robe pâle à reflets verts, gras, nez très expressif, fin, typé, au fruité acidulé (groseille à maquereau), un tout petit peu végétal, mais sous-tendu par une superbe minéralité ; la bouche ne dépare pas, attaque ample, très bel équilibre, bonne concentration et très bonne longueur ; un aligoté d’apéritif, frais, digeste, finement structuré et minéral, qu’il serait dommage de massacrer avec de la liqueur de cassis….. Excellent rapport qualité-prix.
La roussette du Bugey 2004, 5,40, se défend pas mal, sans atteindre la race de celle de Montagnieu ou de Virieu. Robe moyenne, grasse, nez typé, un rien acidulé, manquant un rien de netteté, bouche ample, acidité sensible, longueur moyenne, pour un vin qui manque au final un peu d’expression et de concentration. Rapport qualité-prix correct.
Le rosé du Bugey 2003, 3,85 euros, en fait du gamay, nous a paru très gourmand, rose moyen, gras, lumineux, au nez explosif, très fruité, un rien de volatil, à la bouche grasse, acidité en retrait, mais pas mou, bonne concentration, très belle longueur, fort bon rapport qualité-prix.
Le Bugey gamay, 2004, 3,80 euros, est un vin sympa, sans grande prétention, mais bien agréable, rubis moyen, assez gras, au nez primesautier, fruité un peu sauvage, presque un peu épicé, en bouche, gouleyant à souhait, un rien acidulé et de longueur moyenne, bon rapport qualité-prix ; un rouge pour l’apéritif ou idéal sur un casse-croûte rustique.
Le Bugey « reflet du terroir », 2004 4,75 euros, 80 % du gamay, 20 % mondeuse, sans être très concentré et très complexe, était fort gourmand et superbement typé à la fois ; rubis moyen, gras, au nez très marqué par le coté épicé de la mondeuse, mais sur un joli fond de fruits rouges, très original, en bouche, à l’attaque ample, à l’évolution bien balancée, un rien rustique et canaille, à la longueur étonnante, il nous a plus par sa simplicité, son côté très nature, son fruité percutant et sa digestibilité. Un vin parfait pour accompagner des charcuteries campagnardes. Bon rapport qualité-prix.
Les pinots noirs, Bugey, 2003, que ce soit en version normale, à 5,90 euros, ou en fût, pour 6.50 euros, nous ont très agréablement surpris. Loin de la dilution et de la mollesse que nous avons rencontrées ailleurs dans le Bugey, sans le côté cuit, sec, voire amer de certains pinots 2003 issus d’autres contrées, voici deux vins, bien colorés, rubis intense, gras, aux nez expressifs, typés, densément fruités, plutôt élégants, aux bouches amples, grasses, à l’acidité fine en retrait, avec une jolie trame tannique soyeuse, de bonne concentration et de belle persistance. La version fût présente en plus un joli vanillé sans aucun excès et des tanins un peu plus denses, mais bien fondus. Deux excellents rapports qualité-prix.
La mondeuse du Bugey 2004 5,90 euros, se présente dans un style puissant, un peu rustique, mais accessible immédiatement, car d’un approche plus abordable (peut-être plus commerciale ?) que celle Peillot. Violacée, très grasse, nez plus puissant que fin, fruits rouges et noirs, poivre, un rien végétal, poivron, bien typé ; en bouche l’attaque est très ample, les tanins moyennement fermes, un rien accrocheur, l’acidité plutôt basse, la finale longue, chaude et un rien alcooleuse. Au final, une mondeuse plutôt flatteuse, avec un peu d’embonpoint, rustique, plus pulpeuse et exubérante que racée, mais savoureuse néanmoins. Elle sera parfaite avec des mets ruraux, comme un pot au feu, un ragoût ou sur une volaille grillée. Bon rapport qualité-prix.
Nous avons fini notre programme par une vendange à l’ancienne, passerillée, de roussette, en vin de table, 9 euros ; plus nette, plus intense et plus typée au nez que celle de Peillot, fruits blancs, un rien de pourriture noble, elle joue aussi dans un registre moins doux, plus demi-sec, mais aussi plus équilibré. Exercice de style intéressant, mais au sujet duquel la réflexion et l’expérimentation paraît être là également à ses premiers balbutiements.
En résumé, une maison intéressante, tout particulièrement pour son aligoté, son assemblage rouge et ses pinots noirs, ces derniers qui ne souffrent aucunement de la comparaison avec bien des appellations communales de l’archétype bourguignon…, à prix plus doux de surcroît.
La troisième visite a été pour le Caveau bugiste à Vongnes, entre Belley et Culoz. Grande structure, à l’échelle, il est vrai, modeste de la région, regroupant plusieurs vignerons, lieu de visite très touristique. L’accueil s’en ressent quelque peu, pas mauvais, mais beaucoup plus impersonnel et désinvolte, à l’évidence plus habitué à recevoir des cars de touristes que des oenophiles pointus, voulant faire un tour complet de la gamme…. Plus de 25 vins au menu, ce qui constitue sans nulle doute, la gamme de cépages et de terroirs la plus vaste de la région. Nous sommes contentés d’aborder une quinzaine de vins….
Le Bugey mousseux blanc de blancs, 6,30 euros, ne nous pas enthousiasmé, à l’inverse du Bugey brut de chardonnay, 7,30 euros, élégant, finement aromatique, bien équilibré et plutôt racé en bouche, de bonnes concentration et longueur. Bon rapport qualité-prix.
Le chardonnay tradition du Bugey 2004, 5.30 euros, nous a paru plutôt fluide et fade ; les vieilles vignes, 6,50 euros, du même cépage étaient beaucoup plus intéressantes, finement bouqueté, gras, avec une jolie structure, de la longueur, bon rapport qualité-prix. Le chardonnay exception, doux, à 9,40 euros les 50 cl, n’a pas non plus convaincu du tout, aromatiquement un peu flou et chiffonné, en bouche souple, voire mou et peu expressif.
La roussette du Bugey 2004, 5,70 est pas mal, même si le nez n’est pas non d’une netteté à toute épreuve, la bouche a une concentration satisfaisante, un joli équilibre, légèrement acidulé, rapport qualité-prix correct.
La roussette de Virieu 2004 ?, 10,10 euros, est par contre d’un tout autre calibre, robe moyenne, grasse, un nez dense, complexe et propre, fruits blancs évoquant la poire et la banane, une nuance épicée et un fin boisé dû à un élevage partiel en barriques. L’attaque est ample, concentration et équilibre, la finale est longue et nette ; le tout donne une version de la roussette peut-être un peu plus internationale par sa vinification moderne, mais très réussie. Le prix est peu habituel pour la région, mais paraît justifié, bon rapport qualité-prix quand même. A l’évidence, la roussette n’excelle jamais autant que sur les deux terroirs où elle peut accoler la désignation d’un cru à son nom, à savoir Virieu et Montagnieu, soit sur des terroirs très pentus d’éboulis calcaires. Dans ces deux situations, elle survole, et de très loin, les roussettes génériques du Bugey.
La mondeuse blanche du Bugey 2004, 5,30 euros, difficile à juger, car nous manquons totalement de repère. Robe plutôt pâle, grasse, nez plus floral que fruité, pourrait faire penser à certains chasselas, en bouche, attaque plutôt ample et souple, joli équilibre gras/acidité, mais un rien fluide, finale de longueur moyenne, peu typée et plutôt acidulée, au final un vin original, rustique, désaltérant, mais sans prétention ; rapport qualité-prix correct.
Le pinot gris du Bugey 2004, 6 euros, est pas mal sans plus ; robe jaune moyen, très gras, nez assez peu expressif, fruits blancs, légèrement épicé, la bouche est ample, souple, de bonne concentration, mais manque de puissance aromatique. Bien vinifié, le tout manque néanmoins de feu et d’expression que ce soit du terroir et/ou du cépage. On est là très loin des meilleurs pinots gris du modèle alsacien.
Le gamay, cuvée spéciale, du Bugey 2003, 5.10 euros, robe rubis assez intense, gras, au nez, puissant, fruité, presque un peu viandé, en bouche, puissance, concentration moyenne, acidité basse, un peu alcooleux ; le tout est très chaud, bien typé 2003, plus puissant que fruité, il présente néanmoins un rapport qualité-prix satisfaisant.
Les deux pinots noirs rouges du Bugey, en tradition à 5.10 euros, ou cuvée spéciale, 5.90, nous ont paru bien décevants, des robes pâles, à la limite du clairet ou du rosé foncé, des nez peu intenses et fatigués, un bouche souple, voire creuse et sans relief. Bof….
La mondeuse du Bugey 2003, 5.30 euros, est résolument dans l’esprit de l’année. ; robe violacée moyenne, du gras, le nez typé est inhabituellement mûr, plus puissant qu’élégant, fruits noirs, un peu confits, poivre, un peu marqué par l’alcool, la bouche présente de la rondeur, du gras, l’acidité semble basse, mais le tout sur des tanins assez denses, fermes et plutôt pas mal intégrés. La finale est longue, mais un peu rustique et alcooleuse. Une mondeuse néanmoins sympa, flatteuse et un rien rustique, mais qui ne devrait pas aller très loin dans le temps, à boire dans les cinq ans. Rapport qualité-prix satisfaisant.
Heureusement, les deux crus Manicle 2003 sont parvenus de façon très convaincante à sauver la mise des pinots noirs de la maison. Nous avons trouvé, tant dans le cru Manicle, 10.10 euros, que dans le cru Manicle, cuvée de la Truffière, 12,80 euros, des pinots d’une belle couleur rubis intense, avec du gras, des nez fruités, typés, plutôt fins, complexes et d’une belle intensité, avec un boisé bien intégré dans la cuvée la Truffière. En bouche, les deux cuvées présentaient aussi une attaque ample, un joli gras soutenu par une acidité fine, en retrait, de la concentration, une très jolie trame tannique (ces deux derniers éléments, plus marqués dans la Truffière), mais néanmoins fort bien fondue et des finales savoureuses et longues. Les prix sont élevés pour la région, mais paraissent justifié à nos yeux, bon rapport qualité-prix.
La dernière visite nous a permis de découvrir sous un tenace crachin bressan, la région de Cerdon. Nous nous sommes arrêtés chez Bernard et Marjorie Rondeau, dans le hameau perdu en pleine nature de Cornelle, sur la commune de Boyeux St-Jérôme. Des pentes fortes pour un vignoble très bucolique, entre forêts, prairies et vergers, paysage où la couleur verte, avec toutes ses nuances, domine résolument. Ce couple de viticulteurs travaille en étroite connexité avec les beaux-parents de Bernard, les deux familles présentant leurs produits dans le même caveau, notamment un peu de chardonnay mousseux et tranquille ; nous nous sommes plus particulièrement penchés sur les produits Rondeau, issus du cépage gamay. Pas de poulsard sur cette exploitation, comme le permet pourtant la législation, mais qui cultive aussi des pommes... L’accueil est très cordial, sans façon, mais très compétent et attentif, n’hésitant pas à recommander l’adresse d’autres viticulteurs de la région, notamment pour suivre la piste du poulsard.
Le Bugey Cerdon, 5,50 euros, issu du seul millésime 2004, pur gamay nous a bien plus. Une robe rose pâle, jeune, brillante, une mousse abondante, un nez explosif de fruits rouges, fin, mais très pénétrant, diablement fruité, sans façon, mais alléchant, en bouche, attaque moyennement ample, un légère douceur en retrait (malgré la quarantaine de grammes de sucre résiduel), car très bien contrebalancée par une acidité sensible (pas de malo sur les Cerdons), mais bien intégrée, une effervescence abondante, mais fine, une belle matière présentant une bonne densité, mais sans lourdeur, finale longue et très fruitée. A nouveau un mousseux qui laisse la bouche bien nette et fraîche. Un style de vin résolument frais et sans complexité, mais justement d’une simplicité et d’une immédiateté, ma foi, fort gourmande, à boire jeune. Bon rapport qualité-prix. Excellent à l’apéritif, il accompagnera parfaitement également tous les desserts aux fruits rouges, voire noirs.
Second vin dégusté, un Bugey gamay rouge, cuvée Emile, 4 euros, sans indication d’année, mais en fait pur 2004. La robe est d’un beau rubis lumineux, jeune, densité moyenne, le nez est frais, éclatant, fruité et bien typé du cépage, notes de fruits rouges, une très belle minéralité, avec des accents presque un peu épicés ; la bouche est franche, bien équilibrée, gourmande, avec des tanins plutôt légers, mais présente une belle densité, avec une finale fraîche, densément fruitée et longue. Un rouge sans façon, mais fort bien fait. Un très bon rapport qualité-prix, pour un premier essai de gamay rouge tranquille chez ce viticulteur, cuvée qui pourrait encore progresser à l’avenir, c’est qu’envisage en tout cas Bernard Rondeau.
Au final de ces trois journées dans le Bugey, nous pouvons tirer un bilan très positif de ce périple, le coffre de la voiture bien chargé au retour en a témoigné. Assurément, nous n’avons dégusté aucun vin susceptible de faire partie des tout grands de l’élite mondiale ; nous avons toutefois découvert une très belle région, des producteurs intéressants, passionnés et attachants et pour l’essentiel des produits savoureux, authentiques, originaux, sincères et souvent bien faits, qui plus est n’écorchant pas le porte-monnaie. Je ne peux donc que vous encourager à découvrir cette région si proche et si mal connue.
Lausanne, le 20 mai 2005
Hervé