Je ne sais pas encore si ce CR sera vraiment canonique pour ces fêtes. Tout simplement du fait que le contexte de dégustation ne permet pas une retranscription exacte, je vais plutôt vous livrer quelques impressions.
On commence par Noël. Chez nous, il y a deux repas (sans doute comme chez tout le monde
, on commence le soir du 24, axé fruits de mer. Je donne des notations indicatives, histoire de cadrer un peu mes impressions.
Francis Boulard Les Rachais 2006 : c’est assez classique dans le style Boulard. Assez nettement oxydatif. Bonne longueur, belle matière. Mais il manque quelque chose pour vibrer. C’est autant très bon qu’oubliable, finalement.
Suit donc un
Domaine de Bellivière, Vieilles Vignes Eparses 2005. Là, c’est pour le coup bluffant d’équilibre et de maturité. Pas encore d’évolution marquée, juste une chenin qui mature parfaitement. Un fruit expressif, une bouche qui a ce qu’il faut de largeur pour compenser l’acide et l’amer… un coup de maître que cette bouteille, qui a encore de nombreuses années devant elle. 90/100.
Willi Schaefer Himmelreich GG 2011 fidèle à l’exemple de tous ces vins, c’est un vin étonnant d’évidence. Clair, limpide. Longueur incroyable et jeunesse insolente. C’est excellent mais je comprends aussi que Christoph en fasse si peu souvent. C’est un exercice bien différent de ses autres vins. En tout cas, il faudra encore du temps à ce vin pour s’épanouir pleinement, même si c’est déjà superbe. 92/100. Exceptionnellement, je ne prévois pas de vin de dessert mais sur le fromage, qui est une selection largement jurassienne, je suis pris d’une folie : ouvrir un vin jaune.
Bénédicte et Stéphane Tissot, Vin Jaune Arbois les Bruyères 2003. Je pèse mes mots en parlant de folie car je ne suis pas un grand fan de vin jaune habituellement. Et là, je dois bien avouer que je suis conquis par la finesse de ce vin, au jaune parfaitement intégré et pas outrancier. (Note que je suis moins fan du vin avec l’ouverture, où le jaune devient nettement plus prégnant). C’est une magnifique quille, qui se marie naturellement et à merveille avec le Comté. 90.
Pour ce 24 au soir, je dois dire qu’on a visé juste. A part le Champagne qui m’a quelque peu laissé sur ma faim, les vins étaient aussi évident que superbes. Qui plus est, on aurait difficilement pu faire mieux. Les trois blancs étaient simplement exceptionnels.
Vient donc le 25 au midi. Menu classique, chez nous, de Saumon (graavilohi), de Foie Gras, Chapon, Fromages et desserts.
En bulle, j’ai visé l’originalité (risquée) en sortant un
Turo d’en Mota 2005 de Recaredo. Un Cava d’exception, il faut bien dire, 133 mois sur lattes… Brut Nature, 100% Xarel-lo, sur la plus vieille parcelle du domaine (plantée en 1940, il me semble). Le vin est d’une puissance assez étonnante et d’une longueur interminable. C’est d’une minéralité traçante, sans une trace d’oxydation. C’est vraiment superbe mais c’est loin d’être consensuel, évidemment, avec un tel caractère. Pour moi, c’est indiscutablement l’un des meilleurs vins que j’ai ouvert cette année. J’aurais noté ce vin dans les 95-97/100.
Vu la difficulté de certains à l’apprécier, j’ai aussi ouvert ce que j’avais en frigo, soit un
Bulle de Syrah de Denois. La comparaison met naturellement en évidence la relative « simplicité » du second, qui a un fruit dominant et semble presque dosé en comparaison (c’est un Brut Nature, nature). Ceci étant, il ne démérite pas puisqu’on peut tout à fair l’apprécier. Cela démontre d’une part, les qualités de ces bulles du Limoux et, d’autre part, en met en évidence le rapport qualité prix assez détonnant ! Je lui mettrais 85/100
Est arrivé le classique Foie Gras… à une place qui peut poser problème pour la suite, niveau accord mets-vins. J’ai alors opté, suite à une excellente expérience il y a deux ans, pour un
Karl Erbes Ürziger Würzgarten Spätlese 1983. Le Spätlese contient suffisamment de sucre pour faire face au Foie Gras, avec suffisamment d’acidité pour équilibré et un alcool bas, ce qui est un plus pour un repas comme celui de noël. Le fait qu’il ait déjà trente ans passés, permet également que ces sucres soient suffisamment intégrés pour ne pas handicaper le vin qui suivra. Et la bouteille s’avère absolument splendide. Le vin est magnifique, magique. Le fruit le dispute à la fraîcheur et on commence même à lui trouver des traits de grand sec mature, avec une ampleur en milieu de palais magnifique. Une bouteille sublime, même pas évoluée (presque trop jeune au nez !)… c’est juste grand. 99/100
Je voulais enchaîner sur un Bourgogne de Trapet ou un Pignan 2004 mais je n’ai pas trouvé ces deux vins, enfin, je les ai trouvés mais je les ai aussi oubliés à la cave, pour le Pignan, ce n’est que partie remise puisqu’il y passera au Nouvel An. Je me rabat par défaut sur une bouteille que je n’ai pas goûtée depuis bien longtemps. Un petit mythe. Et il est bon de décrasser les mythes et brosser un peu toute cette poussière d’étoile.
Clos Rougeard, Poyeux 2005. Ce vin est d’une justesse incroyable : jeunesse encore bien présente mais patinée, pas encore d’évolution. Belle matière, élégance absolue. Longueur impressionnante. Arômes typés, frais mais mûrs. C’est vraiment magnifique 93/100. Magnifique, mais comme je disais, il est bon de brosser les paillettes pour retrouver ce qui est devant soi. C’est une belle bouteille, assurément, mais pas plus que celle qui suivra, dans un style très différent. Pour ma part, ce sont deux vins que je mets strictement au même niveau. Le message est donc : arrêtez de regarder les vins inaccessibles, ces mythes, avec des yeux brillants. Ce sont certes souvent d’excellents vins, mais aucun n’est irremplaçable. Et vue la cote délirante qu’atteint désormais ces bouteilles, je commence même à m’interroger sur la pertinence de les boire…
Château La Gardine, Gaston Philippe 2000 en complément, j’ai opté pour ce vin que je pensais à maturité et c’est une bonne pioche. Une élégance imparable et un superbe équilibre, presque frais puisqu’il ne fait pas plus puissant que le Saumur qui l’a précédé. Avec des arômes plus sudistes : herbes aromatiques, curieusement poivré « syrah » like. Très belle bouteille que je note exactement au même niveau que le Clos Rougeard. 93/100. A titre très personnel, je préfère le profil du Châteauneuf.
Feiler-Artinger, Ruster Ausbruch Pinot Noir 1999 : un peu « angoissé » à l’ouverture de ce vin car la dernière était un peu passée, très portée sur l’acidité et la volatile. En fin de repas toutefois, je ne voulais pas tomber dans l’excès d’un TBA ou Schilfwein de Nekowitsch (qui est largement au dessus en terme de sucre). Cette fois, la bouteille est simplement sublime. D’une complexité incroyable. C’est vraiment à se rouler par terre. 95/100
Ce 25 on fait donc carton plein mais le 1983 de Karl Erbes étaient tellement fantastique qu’il eclipse partiellement les autres bouteilles. Et sur ces deux repas, je dois dire qu'il n'y avait rien à jeter, tout était parfait. A part peut-être le
Rachais 2006... qui serait peut-être mieux sorti en moins bonne compagnie. A titre informatif, si je reprends les bouteilles pour vous en donner un prix approximatif, de mémoire (mon prix d'achat) :
1: Boulard, Rachais 2006 : 50€
2: Bellivière, VV Eparses 2005 : 25€
3: Willi Schaefer, Himmelreich 2011 : 18€
4: Stéphane Tissot, Vin Jaune les Bruyères 2003 : je ne me souviens plus exactement, je ne l'ai pas acheté. Mais j'ai en mémoire 30€ à l'époque.
5: Recaredo, Turo d'en Mota 2005 : 100€
6: Denois, Bulle de Syrah : 10,50€
7: Erbes, Ürziger Würzgarten Spätlese 1983 : 8,5€
8: Clos Rougeard, Poyeux 2005 : 35€ (puis 55€ deux ans plus tard)
9: La Gardine Gaston Philippe 2000 : 20-25€ primeur de mémoire, mais je n'en suis pas du tout certain, il faut compter 30-40 à l'heure actuelle.
10: Feiler-Artinger, Ruster Ausbruch 1999 : 25€ (moins au domaine, mais je suis passé par Vin du Monde sur cette référence)