Retour à Dauge, près de Thiers
Vu sur les volcans d'Auvergne
Un premier voyage dans la région de Thiers nous avait laissé un souvenir impérissable, tant la conjonction des planètes avait été au rendez-vous ce soir-là, avec semble-t-il quelques exagérations en fin de soirée / de nuit. Mais n’écoutons pas les mauvaises langues et concentrons nous sur l’essentiel.
A l’instar du triangle du feu (combustible, comburant et énergie d’activation), nous voulions nous assurer que le triangle du bonheur était toujours d’actualité. Après un vendredi plutôt « vieilles pierres » avec la visite de l’
abbaye de Noirlac
puis quelques découvertes comme l’
église clunisienne de Menat
ou le
château Rocher
, nous arrivons donc en un samedi matin nuageux dans cette ville de Thiers qui fait rêver de nombreux amateurs de couteaux !
Rapidement, presque naturellement tant la connexion est évidente, nous échangeons sur les matériaux et les techniques de la coutellerie, l’un des buts de ce week-end étant de passer commande pour la réalisation d’un couteau d’exception pour mes 60 ans à venir. Philippe et Dominique
Chambriard
, les deux frères, prennent le relai pour préciser la nature du manche, le type de lame (et surtout quel damas choisir …) et le guillochage du ressort. Entre gens de bonne volonté, la négociation est toujours simple. Vite fait bien fait pour une surprise à venir …
Balade dans Thiers et les environs, réhydratation à la Chateldon et repos salvateur avant le repas. 1 kilomètre de marche à pied, armés de lampes de poche et frontales pour un retour plus sécurisé dans la nuit, nous voilà donc de nouveau dans la maison de Philippe et Nicole pour un nouveau repas, en compagnie de David, le cousin, et sa compagne Bénédicte. Un peu plus tard, c’est le papa qui nous fera le plaisir de sa présence, de son regard bienveillant et de son hédonisme (et c’est un grand amateur de Bourgogne).
Une nouvelle fois, un immense merci à toute la famille qui nous a reçu en toute amitié, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Le triangle couteau / vin / amitié était bien là pour toujours du doigt d’indicible étoile du bonheur.
A table maintenant (tous les vins ont été servis à l’aveugle complète).
En apéritif
Champagne de Sousa Grand Cru Réserve (Brut Blanc de blancs)
Bobosse
Un champagne frais, sur une fine aromatique au nez, une tendresse en bouche, avec une finale vive et légèrement saline.
Bien
Oliv
Robe jaune paille très claire.
Nez bien positionné, évident, sur de fines notes de fleurs blanches, sans grande puissance mais précis.
Bouche facile, sur un volume assez enrobé, avec une perception de dosage assez présence qui pose une lecture gourmande mais simple par un petit manque de tension et d'accélération sur le palais. La bulle est en revanche idéalement positionnée, présente et crémeuse.
Finale un peu replète mais aux jolis goûts de fruits blancs.
Un peu passe-partout peut-être.
Bien.
Champagne de Sousa Grand Cru Mycorhize (Extra brut)
Bobosse
Bel équilibre général entre l’acidité et la vinosité. Notes fraîches mentholées sur une belle maîtrise de la corpulence.
Bien ++
Oliv
Robe similaire, à peine plus teintée.
Nez plus serré, sur une perception de droiture, avec moins de fruit mais plus de senteurs minérales, sur la craie.
Bouche immédiatement plus nerveuse, sur une propulsion acide qui lance et tient une jolie matière élancée.
Le vin gagne en concentration et en tonus, s'étirant dans une belle finale franche par des amers salivants et une vivacité de bulle qui titille le palais.
Très bien, dans un registre plein et légèrement austère.
Meursault, Meix Chavaux 2009, domaine Roulot
Bobosse
Un nez très fin, sur une belle minéralité élégante malgré une fermeture un peu prononcée. Une bouche opulente, riche, grasse et grillée, mais qui reste sur un équilibre plutôt frais et élégant. Finale sur une fine amertume saline, semi-perlante, et laissant une empreinte salivante.
Excellent
Oliv
Robe jaune paille peu teintée.
Nez discret et comprimé, très fermé, sur de minces notes florales et beurrées au réchauffement.
Bouche ample, avec de la viscosité en attaque, sans aucune lourdeur par la présence d'une belle acidité et qui évoque un millésime chaud sans verser pour autant dans le pataud.
Finale propre et sans défauts mais d'un mutisme qui confine à l'impénétrable.
Mais l'ensemble est trop fermé aromatiquement, comme refusant de se livrer, pour dépasser son côté intellectuel en l'état.
A attendre.
Avec un magnifique flanc d'aubergines, tomates et poivrons confits
Pouilly Fumé, Silex 2010, domaine Didier Dagueneau
Bobosse
Nez plutôt fermé, un peu typé sauvignon. Bouche totalement dissociée et déséquilibrée, avec une attaque presque « sucrée » et une acidité qui traîne en fin de bouche, presque stridente.
Bof
Oliv
Robe cristalline aussi claire que de l'eau.
Nez peu complexe et primaire mais net et mûr, sur des senteurs de pamplemousse rose et de diabolo cassis.
Bouche effilée, trop d'ailleurs à mon goût, avec un équilibre brouillon et dissocié entre une acidité ultra pointue et une forme de maturité.
Les goûts sont en l'état ceux d'un sauvignon bien né, sans aucune note de sous-maturité mais manquent totalement de complexité.
Finale mordante, l'acidité étant accentuée par des amers prégnants de ziste de pamplemousse.
Un vin qui a divisé l'assemblée.
A revoir à la longue garde. Car cette bouteille semblait encore totalement dans ses langes.
Chevalier-Montrachet Grand Cru 2004, domaine Leflaive
Bobosse
Un nez sur la puissance et l’élégance superlative. Le grillé du Meursault se retrouve, mais avec une dimension supplémentaire. Bouche complètement à l’avenant. Acidité redoutablement maîtrisée, tout en élégance. Complexité, avec une intégration et un équilibre entre la richesse / la puissance du Chevalier et la noblesse du Montrachet. Une grande claque (Merci Oliv).
Exceptionnel
Oliv
Bouchon imbibé aux 2/3 mais bien adhérent.
Robe bouton d'or.
Beau nez plein et bien élevé, d'un grand classicisme, quand de belles notes chaudes, sur la tartine beurrée de pain de campagne grillé s'enroulent dans un ensemble floral et minéral assez difficile à décrire.
L'attaque signe immédiatement une puissance à cœur, avec une matière impactante parfaitement portée par une acidité motrice d'une grande cohérence d'expression.
Les goûts sont précis, toujours sur ce beau grillé très agréable.
Le vin déroule une puissance de corps fuselé mais je trouve que la finale s'abîme un peu dans des amers qui pouvaient gagner en élégance (mais je trouve peut-être ce que je cherche, ie les limites et défauts du millésime).
Très bien et parfaitement prêt à boire.
Avec un « agneau de la belle sœur » et ses petits légumes croquants
Pessac-Léognan, Grand Cru Classé de Graves, château Pape Clément 1990
Bobosse
Un nez de (grand) bordeaux mûr, un fruité intense (fruits noirs) associé à des notes de poivron mur et des fragrance fumées complémentaires. Grande maturité également en bouche, avec des amers typés « vendange entière » et un retour presque smocké. Finale fraîche, jusque dans sa persistance rétro-olfactive.
Très Bien ++
Oliv
Robe bordeaux pourpre sans évolution tuilée.
Joli nez au bouquet précis et franc, beau compromis de fruits noirs et de fines notes fumées, avec des senteurs de piment rouge et de cuir léger.
Belle bouche rythmée, sur un équilibre à la fois plein et frais, sur une matière droite et déliée, aux tanins présents mais sans aucune sécheresse et au beau déroulé classe, tout en rythme et en présence.
La finale porte de beaux goûts complexes, avec un fruit encore présent et de délicates notes fumées très agréables.
Très joli vin, au point d'équilibre à la fois droit et mûr qui m'a beaucoup plu.
Saint Julien, Grand Cru Classé, Château Léoville Las Cases 1990
Bobosse
Nez plus évolué, légèrement confituré, une sorte de rondeur transparaît. Ma première impression, un vin plus typé merlot que cabernet (quelle vision prophétique). Bouche structurée sur une grande acidité, mais surtout révélant une extrême jeunesse. Si l’aromatique est intéressante et prometteuse, les amers stridents empêchent un plaisir superlatif. C’est clairement très / trop jeune.
Très Bien +
Oliv
Robe plus claire que le Pape Clément, avec de petits reflets brique.
Nez curieux, sur un côté viande séché, presque tourbé, avec également encore du fruit, sur la confiture de vieux garçon, le poivron rouge.
La bouche est dense et épaulée, sur un port droit et altier mais qui manque de gourmandise et de plaisir à mon goût.
L'ensemble est concentré et moins lisible que le Pape Clément pour moi, avec un côté carré un peu impénétrable que même le délicieux gigot d'agneau ne parvient pas à adoucir.
Finale sans rudesse mais avec une forme de sévérité qui ne me convient pas trop.
Nette préférence au Pape Clément pour moi.
Côte Rôtie 2006, Pierre Gaillard
Bobosse
Nez assez variétal, sur les épices douces et les fleurs capiteuses. Un beau fruit en complément. Bouche malheureusement un peu trop linéaire à mon goût, avec un équilibre acidité / épices manquant d’ampleur. Une sorte de Rayas du nord.
Bien +
Oliv
Robe sur un sombre grenat violet avec une certaine évolution sur le disque.
Nez agréable, classique et causant, sur les fruits noirs, la violette, de jolies senteurs de pamplemousse à l'aération.
Belle bouche juteuse, sur une attaque saillante portée par une acidité bien présente mais pas mordante et qui lance une matière avec une bonne tenue.
Le vin ne présente pas forcément une grande réserve de puissance ni de complexité mais ses goûts sont francs et son équilibre agréable.
Finale un peu pointue et rustique, avec une acidité qui prend un peu trop de place peut-être.
Bien+
Crozes-Hermitage, le Clos des Grives 2010, domaine Combier
Bobosse
Un nez fruité profond, un peu atypique (après découverte de l’étiquette), sur le résiné et le bois noble, presque terpénique. Bouche corpulente avec une constitution bien née, des amers nobles, un côté variétal complété par une aromatique générale sur la cerise noire. Finale tendrement réglissée, légèrement poudrée. Acidité qui claque.
Excellent
Oliv
Robe sombre, sur un violet bleuté.
Nez jeune et pur, sur l'olive noire, la violette, le coulis de mûre. Si c'est pas de la syrah, je change de métier !
Belle attaque juteuse et mobile, sur une acidité mûre pleine de fraîcheur qui lance une matière pas gigantesque de concentration, ce qui fait son juste équilibre par ce côté salivant et franc qui laisse s'exprimer un fruit délicieusement gourmand.
Finale nerveuse, sur une forme de légèreté sans faiblesse percluse de buvabilité.
Très bien et encore très jeune d'expression.
Gevrey-Chambertin, premier cru Clos Saint Jacques 2010, Sylvie Esmonin
Bobosse
S’il fallait résumer mon impression, ce serait «
un pinot perdu dans les bois ». Peu expressif au nez. Elevage encore (trop) présent, bouche presque sucrée / écœurante. Un jus maquillé.
A attendre ?
Oliv
Robe grenat pourpre.
Nez terriblement marqué d'un élevage prégnant dont le voile beurré pèse à l'excès sur de belles notes de fruits bleus (fruits des bois) épicés.
Et malheureusement, cette aromatique se retrouve en bouche, créant une anicroche aromatique qui écrase à l'excès le beau tactile du vin, à la fois juteux et plein d'allonge par une acidité puissante très en phase avec les qualités du millésime.
Les tanins sont de belle qualité mais rien à faire, le plaisir est malmené par ce goût de beurre frais qui écrase toute complexité.
Je n'ai absolument aucune idée si le vin pourra se déchêner de ces grosses scories d'élevage avec la garde.
A revoir car pas beaucoup de plaisir en l'état.
Gevrey-Chambertin, premier cru les Champeaux 2010, Denis Mortet
Bobosse
Un nez fruité et fumé que j’ai du mal à placer géographiquement. A l’aération, des notes mentholées sublimes apparaissent, qui accentuent mon désarroi. Bouche sérieuse, mais il manque une sorte de colonne vertébrale. C’est acidulé. Finale intéressante.
Très Bien
Oliv
Robe grenat bleuté plus sombre que le Clos Saint Jacques.
Ouvert à l'arrache, le nez est pourtant superbe mais m'aura fait voyager plusieurs minutes, conciliant les qualités de plusieurs régions, notamment par un impressionnant et délicieux côté mentholé, presque eucalyptus, jamais perçu sur un pinot qui s'enroule dans de belles senteurs de fruits noirs (myrtille) bien mûrs et des notes résinées.
Bouche jeune mais très bien née, sur une expression de très belle maturité avec une chair juteuse mais une trame acide là aussi puissante et qui pose un vin d'une grande profondeur.
Les goûts de fruits noirs mentholés sont tout aussi présents en bouche, apportant comme une fraîcheur gourmande à une forme de richesse qui doit encore gagner en complexité.
Finale avec de l'impact et de l'allonge, aux tanins crémeux de toute grande classe.
Très bien. Et avec l'avenir grand ouvert !
Pessac-Léognan, Grand Cru Classé de Graves, château Haut-Bailly 2001
Bobosse
Un nez très bordelais, sur les fruits noirs en complément. Bouche assez généreuse, avec une acidité intégrée, certes très jeune mais prometteuse. J’ai beaucoup aimé.
Très Bien ++
Oliv
Robe grenat sombre sans évolution.
Beau nez puissant et complexe, sur les fruits noirs frais, de complexes notes épicées, sur le bois précieux, la frangipane.
Bouche trop jeune, dense et juteuse à coeur mais d'une puissance tannique absolument pas fondue et qui prend le pas en l'état sur l'équilibre.
Finale avec de l'allonge, sur des beaux goûts épicés mais marquée par une astringence certaine, même sur la viande et le Saint Nectaire.
Les plus patients seront récompensés car il a tout pour faire un grand vin.
Avec le dessert : crumble à la rhubarbe et aux fruits rouges du jardin
Sauternes Grand Cru Classé, château de Fargues 1988
Bobosse
Un très joli nez sur une sorte d’infusion de fruits exotiques, un rôti noble et un côté armagnac élégant et salivant. Bouche malheureusement un peu en décalage, marquée par une acidité un peu mordante, un côté décharné et un manque général de caractère et de vivacité. Je pense que le vin présentait une pointe d’oxydation.
Bien +
Oliv
Robe dorée cuivrée tirant sur l'acajou.
Nez sur le caramel au lait, la confiture d'abricot mais aussi des notes plus lourde de confiture d'orange amère, de fruits secs et une pointe poussiéreuse.
Bouche un peu massive, sur une liqueur riche un peu pesante à mon goût, avec un côté linéaire sur le palais qui manque de capacité de relance et de complexité.
Finale sur l'orange amère, le safran mais sans relance, avec un petit côté usé.
Bien.
Bas Armagnac 1978, Sélection Peuchet à Clermont
Oliv
Robe acajou.
Beau nez franc, sur l'écorce d'orange, des notes chaudes, entre le chocolat au lait et la noix de cajou, beaucoup d'épices.
Bouche suave et capiteuse, agréable par sa rondeur et très intéressante par sa persistance épicée d'une très grande ampleur sur la finale.
Très bon.
Mais moins que la superbe
Eau de vie de poire artisanale, brillante d'équilibre et de fraîcheur aromatique, sur de délicieux goûts de poire william.
Du boulot d'artisan de toute grande qualité.
Au niveau de la cave de Philippe et du travail des Chambriard, quoi !
Plus fort qu'au lac de Côme, la villa Chambriard offre un feu d'artifice à ses invités !
Applaudissements nourris pour Nicole qui nous a concocté un repas régional de très haut niveau. Un immense plaisir gustatif pour une empreinte carbone minimale.
Nous avons eu la chance d’être entourés de compagnon(e)s d’un soir exceptionnel(le)s, dans le partage, l’écoute et l’amitié. Modestie, bonhomie et affabilité, sous l’œil bienveillant de Georges le papa, qui veille toujours sur sa famille. Un sage au milieu de cet océan de passionnés, parfois / souvent déraisonnables.
Rendez-vous l’année prochaine pour la commande …
Une nouvelle soirée exceptionnelle avec des gens exceptionnels (même s’il a fallu que je résiste plusieurs fois aux viles tentatives de me corrompre après le repas (Génépi ou Poire maison, Bas-Armagnac, …). J’ai tenu bon. Le Porto n’a pas subi d’outrages et j’étais frais comme un gardon le lendemain matin (même si 5 heures de sommeil, c’est peu !).
A très vite.
Bruno
PS : j’ai conscience d’être peut-être un peu sévère sur les vins et surtout d’accuser un décalage très important avec mes condisciples d’un soir, mais je goutais sans doute assez mal samedi soir (largement compensé par le plaisir de la table et des discussions).