Un déjeuner au Laurent : on est jeunes, on est beaux et on s'aime !
Quand on atteint un certain âge et même parfois pour les plus chenus d'entre nous un âge qui commence à être certain, on constate avec philosophie que les jours s’accélèrent et qu'il n'est que temps d'en profiter dignement...
Là où certains qu'on qualifiera alors de vieux c..s se mettent à donner des leçons de savoir vivre à la terre entière en remuglant les certitudes de leur grandeur éteinte, le Président Mauss, toujours prêt au bonheur et prompt à la nouveauté, a décidé de sortir Bertha du garage pour nous pousser un de ses cris du coeur légendaires, le genre qui fait se pâmer les biches le soir à l'heure du brame !
"Les enfants, vous me trouvez un midi mais je veux vous voir à table, topettes de sortie et sourire aux lèvres ! Et fissa de chez fissa !"
Ceux qui connaissent le Président savent qu'il a l'autorité d'un Panzer (donc qu'on ne peut rien lui refuser), la bonhommie d'un Grandgousier (donc qu'on ne veut rien lui refuser) et la douceur d'une hawaienne à l'heure du tamure (donc qu'on ne peut, ne veut ni ne doit rien lui refuser !).
Et ça tombe bien, en bon Gunthard docile et toujours partant pour s'hydrater le toboggan, j'y comptais pas vraiment...
Donc aujourd'hui, c'est bien accompagné d'amis que je retrouve François pour un moment de vin comme on en fait jamais assez souvent !
Mot d'accueil et d'ordre du Président qui vous en dira plus long sur le moment que mes discours toujours interminables : on est jeunes, on est beaux et on s'aime !
Les chaussettes sont mises ?
Présentez Armes !
Feu !
Champagne Alfred Gratien, Brut Blanc de Blancs, 2007
Robe très claire, jaune paille grisé.
Nez fin, sur un compromis entre senteurs minérales et florales.
L'attaque en bouche est marquée par une bulle un peu virulente qui demande à s'apaiser.
L'équilibre est tout en tension, traçant, sur des goûts citronnés très agréables.
L'ensemble est d'une grande droiture, assez puissant.
Finale fraiche et rafraichissante.
Très bon.
Carpaccio de daurade en vinaigrette citronnée, condiments
Weingut Dönnhoff, Tonschiefer Riesling Trocken, 2011
Robe cristalline, à peine teintée.
Nez ouvert, assez discret dans un premier temps, sur la menthe, de fins hydrocarbures. L'aération révèle un côté végétal (petit pois) assez marqué.
La bouche fine, construite autour d'une acidité élevée propose des goûts un peu végétaux puis d'écorces d'agrumes.
Le volume est de demi corps, le vin s'exprime avec allant mais sans grande réserve pour se relancer.
Finale sur l'acidité, présentant une maturité peut être un peu limite.
C'est bon !
Weingut Dönnhoff, Felsenberg Riesling Großes Gewächs, 2011
Robe peu teintée, sur le jaune paille aux reflets verts.
Joli nez très élégant, compromis de notes de fleurs blanches, de naphte et de peaux d'agrumes.
Une fois le léger perlant en attaque dépassée, la bouche révèle un équilibre remarquable construit autour d'une acidité très élevée et une matière parfaite de constitution.
L'équilibre est superbe, d'un volume bien contenu, très tonique, s'ouvrant sur une finale qui claque sur le palais, pleine de gourmandise.
Accord absolument parfait sur le poisson cru où le citron excite l'acidité du vin dans un ballet d'une élégance gourmande de grande classe.
Superbe !
Château Pauqué, Moselle Luxembourgoise, Riesling, L'Amphitéatre du Paradis, 2009
Robe jaune paille.
Nez puissant, langoureux et net, sur des senteurs de guimauve, d'agrumes matinées avec une pointe d'hydrocarbure.
La bouche propose un équilibre de spätlese, sur un beau compromis entre douceur et acidité.
L'ensemble évite tout effet de lourdeur ou d’empâtement, proposant une aromatique pure et une finale pleine de gourmandise.
L'équilibre du vin ne s'accorde toutefois pas bien avec le plat qui renforce sa sucrosité.
Très bon, à boire peut être pour lui même.
Domaine Louis Sipp, Riesling GC Kirchberg, 2006
Robe sur un doré clair.
Beau nez précis, sur des notes pétrolées assez nettes, des senteurs minérales de pierre frottées et enfin un ensemble plus agrumes.
La bouche est stricte, traçante, offrant une superbe acidité vertébrale et salivante tout à fait à mon goût.
L'aromatique est plutôt sur le minéral (hydrocarbure, pierre à fusil) et participe d'un profil un peu austère qui, à mon goût, est plein d'élégance, de profondeur.
Si le vin ne semble pas très puissant, il est en revanche très présent et persistant en bouche.
La finale est tendue, très salivante et d'une grande droiture.
Très bel accord sur le poisson, dans un registre à peine moins parfait que le Dönnhoff.
Très bon (encore plus dans le contexte de ce millésime difficile) !
Stéphane Tissot, Côtes du Jura, Sursis, 2008
Robe dorée.
Le nez est brouillon, commençant à verser du côté obscur de la 5ème de Beethoven passée au four.
La bouche confirme que cette bouteille a mal vieilli, par son aromatique trop évoluée, son équilibre instable à l'acidité dissociée.
Le vin reste buvable mais n'offre que peu de plaisir.
Dommage...
Oeuf de poule façon cocotte, girolles et mousseline d'artichauts
Domaine Diochon, Moulin à Vent, Vieilles Vignes, 2005
Robe sombre, assez jeune.
Nez assez serré, sur les fruits noirs, une petite pointe de volatile et des épices.
Bouche pleine de fond, assez peu causante au niveau aromatique mais d'une belle structure pleine, corpulente et bien équilibrée.
L'acidité est bien intégrée, sans agressivité et les tanins sont de belle qualité quoiqu'encore bien présents.
La finale manque un peu de saveur en l'état.
Bon vin, à attendre car je le pense fermé.
Domaine Jean Marc Burgaud, Morgon, James, 2009
Robe sombre et violacée.
Beau nez compromis de senteurs de fruits noirs et d'épices. Ensemble puissant, classe.
Superbe attaque en bouche grâce à une acidité remarquablement intégrée à un corps volumineux et gras. Goûts purs de cerise burlat, sur un boisé présent mais pas vulgaire.
L'ensemble est énergique, d'une grande présence en bouche, avec beaucoup de jus et toujours cette acidité qui lui donne beaucoup de nerf.
La finale est encore jeune et sur un côté un peu foufou mais mazette, il y a du vin.
Beaucoup de plaisir. Et beau potentiel !
Domaine Taupenot Merme, Morey Premier Cru La Riotte, 2007
Robe rubis.
Très beau nez de pinot, sur les petits fruits rouges, la fraise des bois, la myrtille.
La bouche est délicate, d'un équilibre parfait entre une jolie acidité et une matière fine et douce.
Les goûts sont délicieux, parfaitement purs.
La finale est impeccable de précision et de fraicheur.
Accord d'école sur la chair du pigeon, moins évident sur la sauce qui perturbe son bel équilibre.
Un vin fin, parfaitement à point.
Pigeon à peine fumé et rôti, pissaladière de jeunes légumes, sauce piquante
Domaine du Bel Air, Bourgueil, Clos Nouveau, 2007
Robe sombre.
Beau nez plein, sur les fruits noirs, un côté épicé.
La bouche est pleine de fond, offrant un bel équilibre plein entre une matière d'une maturité parfaite (pas une once de début de poivronnerie) et une acidité très rafraichissante.
Le vin possède beaucoup de présence, sur des tanins de qualité.
Finale très agréable, pleine de fraicheur.
Un très beau vin !
Et grande surprise pour moi de découvrir à la tombée de la chaussette un cabernet franc !
Domaine de la Grange des Pères, VDP de l'Hérault, 2002
Robe grenat orangé un peu trouble.
Nez complexe, résolument sudiste, sur l'orange sanguine, la fraise, un très beau côté épicé.
La bouche est charnue, d'une grande suavité. Les goûts sont plaisants, sur la fraise (j'ai pensé à un Châteauneuf), d'une douceur certaine.
Les tanins sont parfaitement fondus et de grande qualité.
La finale est longue et très agréable, sans effet de chaleur notable.
L'accord se fait bien sur la chair du pigeon mais c'est la sauce finement pimentée qui crée une passerelle brillante.
Très bon !
Domaine Thierry Allemand, Cornas, Reynard, 1996
Robe évoluée, sur la rouille.
Nez marqué de notes animales qui parasitent un joli côté poivré.
Mes zigomars étaient restés sages jusque là mais ça y est, là, ça hulule aux bretts !
La bouche détone par rapport aux collègues, manquant d'équilibre, sur une acidité un peu rébarbative.
La finale est asséchante et n'apporte que peu de plaisir.
Voiture de fromages
(vous vous doutez que j'ai un peu complété en tapant dans l'assiette des voisins...
)
Château Léoville Poyferré, Saint Julien, 2001
Robe grenat sombre sans excès.
Beau nez classieux, sur les fruits noirs, une pointe végétale vivifiante matinée d'épices.
La bouche est remarquable d'équilibre, sur une matière parfaite de volume sans rondeur excessive à laquelle une belle acidité donne tonus et fraicheur.
Les goûts sont sur les fruits noirs frais (pas une once de confiture en vue), le tabac.
Finale longue mais surtout parfaitement fraiche, avec un redoutable goût de reviens-y.
Superbe vin de table, le genre de bouteille qu'on a envie de boire et pas de simplement déguster.
Sablé gourmand aux fraises, espuma au Bugey-Cerdon
Bruichladdich, Octomore 5.1
Robe jaune dorée.
Nez absolument fabuleux pour un amateur de whisky tourbé. L'ensemble est ultra puissant mais sans agressivité ni vulgarité.
Des senteurs médicinales, marines, de fumée, d'algue, de créosote exhalent du verre à deux mètres !
Alors que le brut de fût et ses 60° pourrait laisser craindre la mandale, la bouche attaque sur un feu parfaitement maitrisé, d'une puissance aromatique phénoménale mais sans brutalité tactile.
La finale est absolument monumentale de persistance, je l'avais encore en bouche en rentrant chez moi !
Grand !
Les beaux jours sur Paris, du vin pour le boire et pas s'y mirer ou s'en lustrer l'égo, une belle table, des copains heureux d'être ensemble pour partager la rareté des moments simples...
Une certaine idée du plaisir, quoi !
François, les amis... un énorme merci.
A très très vite,
Oliv