Ici aussi, les amis, c'est la vie !
A cette saison et depuis si longtemps, j'avais pris l'habitude d'attraper les chemins de traverse le bras à la portière et le pif au vent et de prendre mon temps pour profiter de la beauté de la nature en rejoignant mon Al' et les petits bonheurs d'une semaine à l'étang.
Mais ce temps béni là qui me manque déjà tant n'est plus que dans ma mémoire.
Et un peu chaque jour présent dans celui que je suis devenu.
Après plusieurs jours passés sur la Côte à ne pas laisser s'évanouir entre Alamis nos souvenirs si chers et avant de retrouver plus bas en Mordor le redouté trio des punks à chien, je laisse mon vieux Gui et mon toujours jeune Robert regagner leurs pénates.
J'ai la nostalgie qui me chatouille les tripes et le poids du temps qui file pèse sur mes épaules
Il va falloir occuper seul la journée qui démarre et ce avant la soirée heureuse qui s'annonce du côté de Besançon.
La nostalgie, c'est ce sentiment qui peut vous épuiser la joie et le plaisir de vivre si vous la laissez vous enfermer dans un monde de regrets.
Mais si vous la travaillez au corps pour faire de l'émotion un merveilleux réveil des souvenirs vécus avec ceux qui ne sont plus, elle ravive alors les seuls moments heureux, en laissant le superflu des instants douloureux sur le bord du chemin.
Plutôt que de tracer tout droit jusque vers chez l'Arnould qui m'accueille ce soir et de refuser d'assumer que la vie continue, il me fallait donc essayer d'aller voir ce qu'elle était devenue, la petite cabane posée sur l'étang, cet espace intime où le souvenir de mon Al' est encore si présent, dans cette nature immuable qui semblait ne jamais vouloir changer et ce temps qui n'appartenait qu'à nous et que j'aurais voulu comme figé à jamais...
Après un peu de route, le nez au vent au milieu de la campagne bressane, ses fermes à auvents pour faire sécher le maïs et ses champs de poulets dont la seule vue au loin suffit à me faire saliver, je la vois qui pointe ses douces couleurs nordiques au détour d'un virage, ma minuscule petite cabane du bonheur.
Curieuse sensation que d'arriver là seul, sans la Laguna blanche garée sous un arbre, sans les cannes déjà en pêche, les waders qui sèchent sur une branche et l'Al', appuyé sur le chambranle de la porte et m'accueillant de son air sérieux et tendre...
Gloups...
Tiens, le nouveau propriétaire a changé la porte, celle qu'on avait bricolée plusieurs fois suite à des intrusions nocturnes.
Et le tour de l'étang est maintenant cerclé d'un chemin de passage, celui qu'Alain souhaitait tant faire tracer pour faciliter la pêche, du temps des projets, avant ce putain de crabe...
Allez fan, les larmes commencent à poindre, trop de choses remontent et me laissent face à l'absence que les souvenirs peinent à combler. Mieux vaut filer...
Et là, comme si l'histoire me jouait un tour magique et que mon Raboliot m'envoyait un signe depuis là où il est afin que les anecdotes qui résonnent encore à la surface de l'étang ne meurent jamais vraiment, alors que je repars vers Louhans pour tracer vers le Jura, les yeux un peu embués, voilà qu'après deux virages, je tombe... sur un faisan !
C'est pas possible, lui qui m'a si souvent raconté les rodéos nocturnes avec la guimbarde empruntée aux parents pour braconner le lapin ou le volatile hypnotisé dans les phares, y'a là comme un signe du destin !
La bestiole, pas effrayée pour deux sous, me regarde avec un air aussi sympa que serein, comme si elle m'envoyait un message taquin venu d'un ailleurs qui m'est si familier.
Y'a de l'Al' dans cette posture, c'est pas possible, y'a du "pfff, alors l'parisien, cap' ou pas cap ?!", quand fallait se lever à 5h rejoindre le patron pour partir aux champignons ou taquiner le goujon !
Allez zou, envole-toi, mon ami.
Mais merci du clin d’œil, j'me suis senti moins seul...
Qu'elle est belle, cette campagne bressanne à l'orée du printemps, quand le nature s'ébroue de toute part et irradie les paysages de couleurs chamarrées.
Les kilomètres défilent lentement au rythme de la Seille qui coule plus bas dans son lit et dont je suis paisiblement le cours. Lentement, quelques reliefs apparaissent, les champs de maïs s'évanouissent et les vaches apparaissent.
L'herbe semble plus grasse et les maisons plus montagnardes, le Jura n'est pas loin !
Casse-croûter au son des oiseaux d'un bon morceau de comté, portable éteint et couenne au soleil avec le château d'Arlay en face de moi, je me dis que décidément, je ne suis vraiment pas à plaindre...
Après une petite balade au coeur d'Arbois et de Montigny les Arsures pour constater qu'elles n'ont pas changé d'une tuile et moi sûrement plus qu'elles, je file vers Besançon.
Car s'agirait quand même pas de poser un lapin au Teckel, parait que ça mord ces animaux-là ?
Et là, c'est le drame !
Ben oui, que voulez-vous, en bon touriste qui n'y connait rien mais qu'a du temps à tuer et malgré une arrivée sous une falaise dantesque qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille, au premier parking, parigot pose son veau pour aller marcher un peu dans Besançon.
J'aurais dû m'méfier, remarquez ! Un château dans le ciel, ça se mérite !
Comme me le dira Arnould plus tard avec l'air hilare et fourbe typique du bisontin futé: "mais pourquoi tu t'es pas garé en haut ? "...
Ah n'de djiou, j'en avais pas chié autant depuis mon dernier jogging en costard à la Villa d'Este, tiens !
A ce niveau de pente, c'est pas humain, j'entends mon pneu qui crisse et fond dans les virages.
Mais comment qu'ils font, les régionaux de l'étape, pour jouer à ça en plein hiver ?! Z'ont des crampons sous les godasses et des treuils à la ceinture ?
Enfin, bref, c'est rillettes sous les bras et ahanant comme un vieux baudet cacochyme que j'me retrouve, ascension faite, à découvrir... que le bâtiment ferme dans 30mns !
Une chose sûre, je reviendrai car l'endroit est somptueux et mérite qu'on y passe plus de temps.
Bon, c'est pas tout ça mais trêve de bavardages sur mes souffrances sportives dont vous n'avez sûrement que faire.
Et place à l'oenotourisme !
L'Arnould a dû rentrer du boulot, essayons d'être à l'heure et de pas lui faire le coup du quart d'heure parisien...
Depuis le temps qu'on se reniflait virtuellement sur LPV, rapport à quelques accointances de goûts à faire frémir mes z'affreux du lendemain, pas besoin de vous dire que je suis heureux comme tout de pouvoir enfin mettre un visage sur ce pseudo canin.
Et comme notre hôte a eu la belle idée d'inviter Rémy, un autre franc comtois que je le lis avec grand intérêt depuis son arrivée sur LPV car il me rappelle quelqu'un, m'est avis qu'on devrait pas s'ennuyer ce soir !
On passe à table ?
Champagne Francis Boulard, Grand Cru Grande Montagne
Robe très peu teintée, sur un léger gris vert.
Nez brouillon, sur une réduction tenace, sur le chou fleur en début de cuisson.
Et tout le monde connait la phrase de Céline dans Le Voyage...
La bouche est en revanche très bien construite, sur une impeccable trame acide avec beaucoup de tonus et de relance, quand la tension s'équilibre autour d'une matière pleine et d'une jolie bulle fine.
L'équilibre est réussi et ne manque vraiment à ce vin qu'un peu de charme aromatique pour provoquer plus de plaisir.
Jolie finale étirée par une très fine amertume.
Si le vin s'épure à la garde, ça peut donner un grand moment.
En l'état, pour la bouche en tout cas, c'est déjà très bien !
Vignoble Guillaume, Chardonnay, Collection Réserve, 2010
Robe sur un doré net.
Nez riche et ample, d'une grande complexité mais un peu mastard, avec un côté très solaire et élevé, quand les fruits jaunes répondent à de puissantes notes fumées dans un ensemble puissant mais pas vulgaire.
La bouche confirme que ce vin ne joue pas dans le registre de la délicatesse mais de la largeur et de l'ampleur, tant en matière qu'en aromatique. Le vin possède une texture grasse et glycérinée qui tapisse le palais et verserait dans la lourdeur si n'était la présence d'une très belle trame acide qui mobilise l'ensemble.
La richesse de l'élevage s'exprime assez nettement et les notes fumées sont un peu entêtantes.
Mais force est de constater que l'ensemble tient bien la route dans son registre riche et costaud même si la finale manque un peu de délicatesse à mon goût.
Jolie découverte pour un vin vineux qui me semble doté d'un beau potentiel de garde.
Foie gras poêlé, asperges vertes
Domaine Marc Colin, Saint Aubin 1er Cru En Rémilly, 2005
Robe sur un doré léger.
Changement de registre avec un nez ultra classique, précis, d'une construction remarquable de maîtrise, où de jolies notes florales très élégantes et qui tirent sur la guimauve s'ébrouent dans un pointe fumée et minérale du plus bel effet.
Bouche à l'avenant, structurée et précise, d'un équilibre entre matière et acidité quasi parfait, sur un volume à la fois profond et frais à peine chahuté par une anicroche amère qui s'efface immédiatement sur le plat.
Goûts très classiques de chardonnay bien mûr et bien élevé.
Finale délicieuse d'évidence et de fraîcheur pour un vin qui n'a comme défaut que de se vider trop vite.
Beaucoup de plaisir !
Noix de Saint Jacques snackées
Domaine Weinbach - Riesling Schlossberg Grand Cru Cuvée Ste Catherine, 2008
Belle robe dorée bien brillante.
Nez élégant, jeune, presque primaire, quand le citron confit répond à des notes terpéniques assez présentes, sur le pétrole et la naphte.
Bouche racée, tranchante en attaque et moins équilibrée et confortable que le St Aubin, sur une acidité très élevée en limite de morsure. L'ensemble n'en reste pas moins doté d'une grande capacité de relance et se propulse dans une finale très citrique dont la jeunesse me semble appeler la garde pour gagner en complexité aromatique et en fondu.
Très bien mais à attendre encore.
Domaine Coche-Dury, Meursault 1er Cru Les Caillerets, 2002
Robe jaune dorée.
Nez classique et pas très complexe encore, sur le beurre frais, les fruits jaunes, de jolies notes de fougère. C'est posé, bien fait mais d'une jeunesse évidente (sic...
) qui le rend un peu simple encore.
Bouche impressionnante et qui va se jouer en deux temps. L'attaque est d'un volume énorme, sur une matière quasi huileuse d'une grande richesse. Mais au moment où on pourrait redouter que le vin se vautre dans la mollesse, un impact génial à la fois d'acidité et de concentration de matière prend le relais et vous en met littéralement plein la bouche !
Le vin rebondit et se relance encore encore dans un ensemble aussi puissant que caréné, tout en allonge, en impact et en rythme.
Finale impressionnante de puissance et de persistance, à la limite du virulent tellement les extraits secs laissent comme une mâche en bouche. Whaou !
La seule réserve à avoir serait un certain manque de complexité aromatique mais rien que de plus normal sur... un Bâtard-Montrachet 2010 ? Niet ? Un 2008 alors ?
Comment ça, c'est pas ça ? Ni ça ? Dites moi pas qu'c'est pas vrai ?!
Tombe ton benard, Gunthard, voilà que j'ai raté l'Coche !!
Le genre de bouteille qui justifie à elle seule et s'il en était encore nécessaire la réputation du domaine !
Car celle-là, avec 10 ans de plus et les notes d'évolution, il y a un monument au bout de l'attente !
Excellent !
Domaine Armand Rousseau, Clos de la Roche, 2008
Robe assez claire et évoluée, sur un rubis qui tirent sur le brique.
Nez agréable, léger, sur les petits fruits rouges enrobés dans un trait légèrement fumé.
Bouche assez simple, sur une matière fluide un peu vite grignotée par une acidité très haute.
Les goûts sont agréables, sur la groseille, la grenade fraîche mais le vin manque de générosité pour apporter plus de plaisir.
Finale simple et un peu stricte, avec une légère amertume.
Assez bien sans plus.
Domaine Ganevat, Côtes du Jura, Les Vignes de mon Père, 2003
Robe dorée.
Nez curieux, un peu brouillon et qui oscille entre de jolies notes florales (fleurs blanches) et d'agrumes (mandarine) et une pointe bizarre nettement moins avenante et qui m'évoque l'étable.
Bouche très puissante, à la limite de la dureté, sur une acidité saillante et acérée et une matière riche et marquée d'une certaine amertume.
J'ai un mal de chien à me faire un avis sur ce vin, qui va et vient de l'opulent au virulent en équilibre, du floral au douteux en aromatique.
La finale en revanche est d'une indéniable persistance.
"Non, je ne peux pas dire que je n'aime pas" comme disait Thérèse. Mais resterait pas du Coche par hasard...
Fromages jurassiens (et un ami du Chambertin qui passait par là... )
Domaine François Mossu - Vin de Paille 2010
Robe ambrée d'une certaine épaisseur.
Nez très classique d'un Paille à l'ancienne, quand une petite pointe oxydative et des notes de marc enrobent des senteurs de confiture de fruits rouges, de poires tapées, de raisins secs.
Bouche fraîche sur une attaque acide puissante qui prend un peu le pas sur une liqueur pas très imposante.
L'ensemble est rythmé et absolument pas saturant.
L'aromatique est en revanche un peu marquée par des notes épicées qui tirent sur le cognac et fait perdre un peu de gourmandise au vin.
Finale agréable mais moins construite et longue que sur le millésime 2009 dans mes souvenirs.
Bien.
C'est quand même dingue comme, entre amis, le temps passe vite ! La soirée, géniale, s'est encore une fois prolongée jusque tard le lendemain.
Et ça, c'est pas bon pour ma vieillesse, les potos !
Car dans pas assez d'heures, si y'en a qu'auront peut-être la chance de pouvoir fermer la porte de leur bureau pour cuver les dernières vapeurs de tous ces beaux souvenirs, moi, pas de répit possible.
C'est que j'ai rendez vous avec les guincheurs de la Chapelle !
Et là, vu le trio et celui qui nous reçoit, pas question de piquer du nez dans mon verre et d'avoir l'air frais comme une cancoillotte oubliée dans le placard...
Arnould (et les tiens, qui ont subi avec gentillesse notre intrusion toute en décibels ), Rémy, un énorme merci pour ce moment superbe !
Portez vous fort et vivement le prochain.
Oliv