Voilà un sujet passionnant! Je lis après coup ces très intéressantes contributions. Pour rebondir sur une remarque initiale, il serait toujours intéressant d'avoir l'avis de professionnels du liquoreux sur la question.
Ces deux années je me suis amusé à passeriller du chenin que je fais sécher en cagette (une dizaine). A mon humble niveau, voilà quelques observations:
Fin septembre 2014 une récolte d'un jour, le degré de maturité des grappes était assez varié, du pas mûr au "à point" en fonction de l'exposition. Je n'avais récolté bien entendu que des grappes saines. J'ai stocké dans un local non chauffé mais ventilé, et après un mois et demi, en analysant les grappes j'ai distingué quatre catégories de raisins: des grains flétris à des degrés divers (la grande majorité), des grains intact restés verts (un bon nombre malheureusement), des raisins pourris d'aspect marron clair et de consistance molle (un peu) et des grains parfaitement botrytisés (couleur violacée marron ou même bleue noir, aspect racorni et souvent parsemés d'un petit duvet gris-vert).
A la dégustation, les grains flétris ne s'avèrent pas très différents de ce qu'ils étaient à la récolte, sinon qu'ils sont plus sucrés, plus concentré mais j'ai retrouvé les arômes d'origine (avec son côté miellé). Les grains verts n'ont logiquement pas bougés. Quant aux grains pourris, je me suis aventuré à en croquer quelques uns par curiosité: soit on a un goût de champignon/humus désagréable, soit on a un goût de vinaigre (donc bactéries acétiques). Pour finir, les grains botrytisés révèlent des arômes incroyablement puissants et complexes mais où je ne reconnais plus du tout le cépage: compote de coing, cep de Bordeaux et surtout le safran (avis très subjectif bien sûr!).
Je constate simplement qu'on peut avoir des grains botrytisés avec du passerillage et quand on voit le contenu des cagettes rentrées pour faire le vin de paille du Jura on peut le constater sur certaines grappes.
En 2015, j'ai fait la récolte quinze jours plus tôt, avec une qualité nettement supérieure, que j'ai rentrée dans une pièce habitée (température à 18-20°C) non ventilée (sauf une aération quotidienne). Le résultat au bout de deux mois est très différent beaucoup plus homogène: pas de pourriture, pas de grain vert, presque que des grains flétris, et quelques rares baies botrytisées.
Les grains piqués ont dû l'être par des drosophiles, cela explique peut-être que je n'en aie pas eu quand j'ai fait sécher en intérieur "habité".
(Avec un passerillage sur souche - dont j'ignore tout-, les baies sont exposées à tout vent, le résultat est forcément différent).
Cela m'amène à me poser quelques questions:
-Si la récolte n'est pas soignée et qu'on retrouve de la mauvaise pourriture, je me demande si l'on peut retrouver de l'acidité acétique dans le moût ?
-Les grains verts jouent aussi un rôle, en tout cas d'après le témoignage de Alain Déjean en sauternais qui déclarait dans une interview utiliser le verjus pour acidifier le moût s'il en manquait. On aurait donc une acidité originelle intégrée à un moût contenant du botrytis. Mais cette pratique est peut-être aujourd'hui atypique.
Tristan