Je suis tout fait sensible au charme du Gamay, surtout les années mûres et sur des vins à qui on laisse le temps. Je trouve ces vins tout à fait irremplaçables deux à cinq ans après leur naissance. Il en reste assez peu, d'ailleurs, en général, tant ils ont été appréciés. Ils peuvent être des grands vins, dans un style qui leur est propre.
Le grand vin à maturité est une chose compliquée à expliquer à ceux qui n'ont pas vécu cette magie. Même avec tout le soi disant arsenal de la modernité, dont on aime à nous lister les agents comme on nous racontait d'horribles contes étant petits, le grand vin à vingt ans est fort rare. Un peu comme les pompes. En faire vingt parfaites n'est pas évident. Alors vingt claquées... Et que dire de vingt claquées dans le dos...
Je confirme deux choses : bien des grands vins légendaires n'avaient pas de SO2 depuis bien des années... Aux séances de rebouchages d'avant le déménagement de la grande cave Nicolas de Charenton, les analyses de certains vins mythiques (à époque mais aussi 75 ans après) notaient un méchage des barriques à 4 g, ce qui n'était par rien, lors de trois ou quatre soutirages et puis voilà. Les millésimes qui tenaient étaient gardés, les autres bus. Au changement des bouchons, on refaisait les niveaux mais l'ajout d'un poil de SO2 liquide n'arriva que fort tard et pas chez NICOLAS. C'est l'usage aujourd'hui dans certains châteaux. Si des 1900, des 28 ou des 29 étaient si remarquables cinquante, voire cent ana après (je pense à Margaux 1900, un monument...), tout cela ne venait que des raisins de l'époque et d'une "main de Dieu" qui plana sans doute sur le millésime.
Je pense que le matériel végétal, l'absence d'engrais chimiques (sans doute le principal ennemi du grand vin), les tailles courtes, les rendements naturels (pas un raisin n'était tombé) parfois accentués par des catastrophe climatique et surtout le temps, le temps qu'on laissait au vin pour se stabiliser (ou pas...) faisait que. Le SO2 n'avait pas grand rôle à jouer, seule ma mèche souffre était utilisée pour désinfecter les barriques. Sans doute beaucoup de vin, aussi, était il perdu, malade, défaillant, attaqué par des maladies inexpliquées à l'époque (Pasteur, c'est hier, avant, c'était le mystère....) Le geste vigneron était alors totalement empirique et les prises de décisions basés sur une expérience transmise oralement et surtout un instinct qui, à mon avis, s'est perdu. Certains sentaient les choses, et fort tôt, quand on lit de vieux livres.
Je suis comme Florian, je pense que sur un vin bien né, bien élevé, sans doute pas aussi protégé de l'air qu'on le fait aujourd'hui, un de ceux qui "faisait vieux jeune mais jeune quand il était vieux", et bien il pourrait vieillir sans soufre. Je pense qu'on aura effectivement des surprises, dans les années qui viennent.
Beaucoup de vignerons font aujourd'hui très attention au SO2. Moi, c'était au début par naïveté et ceux qui ont pu gouté la petite Sibérie 2001 au Grand Tasting voient qu'un vin embouteillé à 6 g de résiduel, élevé sans souffre pratiquement et avec 2 g à la mise (j'avais quand même fait un test, il n'y avait pas de 4 ethylphénol, test qui ne se faisait pas localement à l'époque - sic), soit moins de 20 mg de libre 48 heures après la mise, a parfaitement tenu le choc malgré une légère refermentation en bouteille. Bref, tout ce qu'il ne faut pas faire. Disons que ma naïveté totale de l'époque me permet aujourd'hui d'être serein et d'utiliser vraiment peu de SO2. Ceci étant dit, un poil de SO2 après les malo me semble plus intéressant pour un vin de garde avec le moins de SO2 possible à la mise, à condition de lui laisser le temps de la digérer, de bien gérer l'O2 pendant celle ci, d'avoir un chai froid pendant les élevages, genre 12 °, d'ouiller parfaitement à partir de garde-vins parfaits, et de nombreux autres détails.
Je pense que c'est sans doute aussi et surtout le manque de moyens et d'installatios et de matériel qui réduisent le potentiel de création de nombreux vignerons nature qui, les ayant, pourraient travailler les détails. Toujours l'argent, nerf de la guerre de ce métier quand on veut le faire bien, ne serait ce que pour s'acheter du temps : faire un vin de garde, c'est avant tout garder dix ans au moins vingt pour cent de sa production, plus un an sur souche, un an en élevage, l'année de vente, soit cinq ans de stocks... Vouloir est une chose, pouvoir en est une autre... Bon, pardon pour les fautes, il est tard et j'ai pas mes lunettes...