Plus le temps passe et plus cette question du sec, archi sec me laisse à distance : j'ai pourtant comme beaucoup été marqué (l'ai-je subi ?) par cette mode du strident : je me rappelle de la délectation quasi masochiste des dégustations de champagnes 96 sans dosage et sans malo. ...
Tout cela se couple avec les stéréotypes sociétaux liés à la virilité et à la féminité : combien de fois a-t-on entendu que les vins moelleux, c'était pour les femmes et je crois bien que certains y croient encore. Peut-être juste que les femmes ont moins honte du plaisir gustatif, de la jouissance simple du confort.
Il est quand même su que le sucre libère une hormone cérébrale liée à la notion de récompense ...
Aujourd'hui, l'amateur un peu éclairé se targue de son amour pour le riesling allemand : et du coup, le sucre ne pose plus de problème. Du reste, pour certains Riesling teutons, heureusement qu'il y a du sucre résiduel car 10 grammes de d'acidité (mesuré en tartrique), c'est pratiquement impossible à boire si le vin est sec, à moins d'aimer les frissons et avoir la tignasse relevée façon punk iroquois.
Il est évident que l'acidité est en grande partie responsable de la longueur de certains vins (ou de ce que l'on appelle longueur - il serait intéressant de s'y pencher) et de ce que l'on appelle minéralité (on s'y déjà trop penché).
On peut aussi interroger les pratiques, voire les rituels des amateurs de vins dits "éclairés" qui s'imposent des séries d'au moins dix vins : et là c'est évident que la charge et la richesse deviennent des freins. Mais peut-être juste parce que l'on a oublié que le vin est un compagnon de la table et que comme il est assez rare d'avoir 5 entrées suivies de 5 plats pour avoir enfin 5 desserts, le menu gastronomique français (patrimoine mondial, quand même !) c'est la bouteille sur la table qui parfois appelle sa petite sœur mais pas 12 bouteilles différentes : 3 c'est déjà pas mal et cela se fonde sur l'accord avec les plats et de ce point de vue, la question n'est pas de juger de l'équilibre intrinsèque mais de l'accepter comme une composante de cet équilibre culinaire global.
On goûte plus qu'on ne boit et cela est également à mettre au crédit de cette réflexion. (et découle de l'observation précédente) : et quand j'écris "on", je parle de "nous" lpviens moyens - et nous ne représentons rien ou presque rien des consommateurs.
Pour revenir à des éléments un peu techniques, il est évident que la question du sucre résiduel et de son acceptation est liée à l'acidité. IL est vrai également que certains équilibres gomment totalement la perception des sucres (j'ai en tête un vin à 9,5 grammes d'acidité et 7 grammes de résiduel) qui paraît bien plus sec qu'un autre vin à 3 grammes mais n'ayant que 6 gr d'acidité (et déjà beaucoup de producteurs français rêveraient de conserver 6 grammes de tartrique).
Mais ce n'est pas à la règle à calcul que s'établit l'appréciation, ce serait trop simple : il y a bien d'autres composantes et notamment la viscosité du vin, la teneur en extrait sec, le niveau de glycérine, la tendance aromatique qui évoque le sucre ou pas, etc ...
Une remarque quand même sur les vins liquoreux qui ont du sucre à l'extrême : je lis parfois que certains possèdent une très belle acidité qui permet d'équilibrer le vin : si on avait les chiffres des analyses, on ne serait pas sur des taux d'acidité extrême. (ça dépasse rarement 10 à Tokaj, 6 ou 7 à Sauternes que le vin aient 200 grammes de SR ou 90 ...) - Il y a bien autre chose que ce ratio sr / acidité. Par contre si vous buvez un Tokaj à 150 gr de résiduel en même temps qu'un Sauternes au même taux de sr, vous êtes à peu près sûr de trouver le Sauternes lourd et pataud. (et là, bien entendu, c'est le facteur acide qui joue).