Silène,
va donc en discuter avec ceux qui sont mentionnés dans l'article de la RVF, comme je l'ai fait avec certains, à l'instar de Philippe Viret ou Jean-Pierre Amoreau lors de dégustations respectivement à Lafayette Gourmet et à feu le salon des vins bios à Champerret, il y a une dizaine d'années. Ces personnes très sympathiques ne sont pas fermées par principe, mais en fait, ils se passent de toute manière in fine d'une vraie compréhension du "phénomène" car ils y croient simplement, estiment que la science est trop hautaine et trop absconse ou demande trop de tout ; ils n'en ont pas besoin et admettent ne pas en avoir les moyens. Je crois également qu'on fait un faux procès aux scientifiques qui ont effectivement d'autres chats à fouetter que de se plonger dans le marasme de croyances et de conceptions arbitraires et non étayées d'observations qui ne peuvent être isolées de tout effet de contexte et de toute complexité interférente.
Car il me semble qu'on peut raisonnablement affirmer que c'est à ceux qui ont vu "le cercle d'énergie" de prouver qu'il y a phénomène, reproductible, déterminé dans des conditions et dans un topos précis et rigoureux. Qu'ils expliquent vraiment, sans utiliser tout un jargon pseudo-scientifique pour tenter d'accréditer leurs thèses, qui montre en fait la vacuité de leur approche : je vise là en particulier Nicolas Joly quand il dit que "tout est onde"... super, je peux lui répondre que tout est corpuscule en même temps (cf. dualité onde/corpuscule chère à de Broglie) et baste, ça n'explique absolument rien. C'est vraiment là où ça se gâte. J'ai pointé le terme "électro-tellurique" par exemple, car ce jargon n'explique rien non plus : il suffit de leur demander ce qu'ils entendent par ce terme pour obtenir une réponse des plus floues, voire pour s'entendre répondre que c'est à la science d'apporter la solution et de s'y intéresser. . Super ! surtout quand deux "croyants" vont l'utiliser dans des acceptions parfois sensiblement différentes.
Le problème provient aussi qu'on met tout sur le même plan : des propos de "croyants" qui affirment avoir vu le "messie" ou un phénomène particulier, et la réalité des choses, dans l'état actuel de nos connaissances et les exigences de la science qui ne tient pas qu'à un problème trivial de budget mais plutôt d'une véritable démarche heuristique fondée sur l'observation précise et reproductible, qui pourrait rentrer dans son champ d'investigation. Si phénomène il y a donc, ils sont si "ténus", si peu ou pas reproductibles, tellement complexes à analyser, à isoler et décontextualiser qu'il me semble illusoire de demander aux scientifiques de se pencher sur les cas présentés dans l'article, qui reposent sur des propos de "croyants" pas sceptiques pour un sou. Facile d'affirmer ensuite qu'on est "rationnel" tout en écoutant attentivement les "experts en ésotérisme"...
Rappelons qu'il est plus aisé de "croire" que d'adopter une position sceptique, neutre afin de comprendre en profondeur un "phénomène", d'autant plus complexe et difficile à mesurer/détecter. C'est tellement plus romantique. Mais rien n'interdit quiconque de mener ses propres expériences et de les confronter au monde scientifique. Certes, on ne va pas convaincre de suite, il faut commencer par démontrer et prouver... mais il est des cas où cela a fonctionné. Lire le dernier Pour La Science du mois de janvier, dont je cite cette phrase en page 95 (rubirque "à lire") : "l'histoire des sciences nous montre que la découverte est le fait d'esprits libres qui tiennent le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire". Le journaliste cite, par ailleurs, l'exemple de Becquerel qui a été au bout de la démarche alors qu'il était très sceptique et devait se défaire d'idées préconçues. Einstein s'est trompé également, mais génialement, certaines de ses idées ont fait avancer la science par l'émulation que cela a créé.
Alors, oui, certains font le pari "pascalien" d'y croire. C'est parfois le cas de scientifiques (Newton fut aussi un "alchimiste" et il fut parfois difficile de séparer les deux activités...). L'être humain est ainsi fait et ne peut vivre sans une dimension transcendante, peut-être.
S'il y a un véritable phénomène, je ne doute pas qu'il soit mis à jour et compris à terme dans le cadre d'une démarche qu'on pourra qualifier de scientifique. Cela prendra du temps et une part de chance aussi.
La position la plus sage, au final, me semble celle d'un agnostique plutôt qu'athée envers ces "phénomènes" décrits dans l'article.
La confection d'un vin dépend de tant de paramètres que de l'attribuer à une méthode ou un artefact donnés est illusoire. Et parmi ceux qui ont été interviewés, on peut directement goûter leurs résultats pour tester ce qu'ils disent.
Ainsi, les vins de Nicolas Joly ne sont pas meilleurs que le Brézé des frères Rougeard, deux cuvées "phares" de la Loire, quant aux vins de Viret, pour avoir encore des 2000 en cave, ils sont loin, très loin derrière ceux d'un Reynaud ou d'un Jean-Louis Chave, en terme de complexité et de précision de goût. Les vins des Amoreau ne sont pas si irrésistibles que l'on ait une envie furieuse de les mettre en cave, même la cuvée Barthélémy, de bonne constitution, mais je préfère un vin hors norme et bien plus baroque comme le Bel Air Marquis d'Aligre. Question de goût, non de dogmatisme. Je peux me tromper bien sûr.
Sur ce, j'arrête là mes élucubrations du soir; c'est heure de sommeil, ça c'est un fait avéré.
Cordialement,
Phil