Domaine Roblet Monnot: à la rencontre du millésime 2017 et d'un homme de convictions
C'est la dégustation d'un Volnay Saint-François 2011 qui nous a poussé à venir au domaine. Mes camarades et moi l'avions unanimement mis en 1er cru et sur un millésime plus équilibré, tel 2012. Aucune faiblesse végétale ne s'est ressentie. La découverte de l'étiquette nous a tous assis, heureusement que nous l'étions déjà
. Il nous fallait dès lors rencontrer le géniteur d'un tel vin.
Nous sommes vendredi, le repas vient de s'achever. Nous arrivons dans une cour encadrée par une cuverie et un chai. Rien n'indique que nous sommes arrivés à bonne destination si ce n'est la confiance que l'on peut placer dans le GPS qui nous a mené ici. Notre hôte arrive dans son modeste carrosse et nous convie à entrer dans le bâtiment.
Des volumes suffisants sur une appellation sinistrée?
- Vous devez être plutôt satisfait des volumes un peu plus corrects en 2017 et 2018.
- Avec 2018 surtout. En 2017, nous gelons sur le Haute Côte. Sur 1,5ha, qui représentent presque 25% de la surface du domaine, nous faisons 1 ou 2 hl...
- Ah oui. Après 2016, nous imaginions que 2017 s'était mieux porté. Cela fait beaucoup de perte depuis quelques années.
- Entre 2012 et 2014, nous faisons l'équivalent d'une récolte. En 2015, nous en faisons une demi. En 2016, un quart.
- Je ne savais pas que vous aviez cette appellation.
- C'est la nouvelle dénomination de l'appellation régionale, en rouge et en blanc.
- Vous faîtes des élevages longs. N'avez-vous pas été tenté de commercialiser des millésimes plus tôt du coup?
- C'est plutôt le contraire. J'ai arrêté les ventes pour lâcher ce qui est juste nécessaire pour faire tourner la boutique. Je ne fais plus de mise avant 2 ans. Il fallait attendre que 2017 soit en cuve avant de faire partir 2015 à la vente.
- Entre les années à faible volume et un élevage si long, ce ne doit pas être évident. Les banques doivent néanmoins pouvoir prêter en se garantissant sur le stock.
- Je n'en fais pas la demande. J'ai la chance d'avoir un conseiller qui est aussi agriculteur à temps partiel. Il comprend toutes les conséquences que des dégâts climatiques sur les récoltes.
- Quelle est la surface du domaine?
- Il y a 7,5 ha en production pour le moment. Il y en a potentiellement 1,75 de plus.
L'élevage et la futaille
- Jusqu'à combien de mois élevez-vous vos vins?
- 30 mois avec un minimum de 24.
- Qu'est-ce qui vous amenez à faire de si longs élevages? C'est plutôt rare dans la région.
- Les vins sont plus aboutis pour moi. J'avais cette idée depuis un certain temps. En 2005, ça m'a vraiment fatigué de devoir faire la mise alors que je jugeais que les vins n'étaient pas prêts. Et en 2006, des circonstances personnelles m'ont conduit à cette durée. J'étais déjà à 18 mois.
Haute Côte de Beaune
Des fruits rouges, beaucoup de fruits rouge en fait. De la mara des bois à maturité, de la gariguette, de la cerise noire, de la groseille. Des épices. Pour un premier vin d'une dégustation post-déjeuner, cela passe plutôt bien.
AB+/B-
- A quelle part de fûts neuf recourez-vous?
- Cela dépendra des millésimes. Rien n'est arrêté. Il m'est arrivé de monter jusqu'à 40% en 2009. En 2011, j'étais à 0%. En 2018 je n'ai quasiment pas de neuf. J'ai acheté 3 fûts. Je commande pendant les vendanges.
- Avec quels tonneliers travaillez-vous?
- Chassin surtout et un peu Seguin Moreau.
Retour sur 2018 et la vinification au domaine
- Comment s'est déroulée l'année 2018? Il semble avoir beaucoup plu à l'approche de l'été.
- Nous avons eu 3 semaines difficiles fin Mai / début Juin.
- Des vignerons se disent avoir été agréablement surpris par les volumes.
- C'est parce qu'ils ne pèsent pas leurs raisins. Je pèse toutes mes caisses. Ce n'était donc pas une surprise.
- Les maturités paraissent avoir été importantes.
- Sur 2018, j'ai fini la taille avec 1 mois d'écart. J'ai eu 5 jours d'écarts de maturité qui n'ont jamais été rattrapés. La dernière année homogène fut 2015.
Pommard 'Chanlins'
Une corbeille de fruits rouges également. C'est gourmand. Le vin dispose d'une belle allonge et d'une agréable fraîcheur.
B
- Quelle est la proportion de VE?
- 25 à 30%.
- Ah bon? Elle n'est que peu détectable.
(...)
- Où en sont les fermentations?
- Les sucres ne sont pas finis.
- Est-ce parce qu'il y en a plus sur 2018?
- Il n'y a pas d'explication. Même en 2003, ils se sont faits plus facilement. Ce qui est en cave se termine bien. Ce qui est en cuve est plus long.
- Faîtes-vous un préfermentaire à froid?
- Cette pratique était vraie et à la mode il y a 25 ans. Je mets 80 à 90% de VE donc c'est bien que ça parte vite. Quant à intervenir, je fais simple. Nous ne serions plus dans un vin de terroir sinon. L'an passé j'avais un stagiaire. Il arrivait le matin et repartait souvent presque aussitôt. Il me demandait "On ne fait rien?". Je lui répondais "Ça se goûte bien? oui, alors pas besoin de faire quoi que ce soit."
- En terme de remontage ou piégeage?
- La cuvaison dure 4 à 5 semaines. Je fais très peu de pigeage et aucun de remontage.
Nous fûmes un peu surpris, nous sommes plutôt "habitués" des vins essentiellement remontés. Le résultat allait-il nous plaire?
La protection des vins
Volnay 'Saint-François'
Il y a juste ce qu'il faut de tanins au toucher. Suffisamment pour donner du corps et une petite aspérité au vin mais sans excès puisque le vin ne s'arrête pas sur chaque papille ni ne les fatigue. Une belle acidité lui confère de la longueur. A l'aération le nez est floral.
B+/TB-
- Je pensais à nouveau au temps passé par vos vins en fûts. C'est un luxe qu'il est ardu d'avoir.
- Je suis d'accord, le temps est le plus grand des luxes.
- Ne prenez-vous pas plus de risques?
- Le risque est que ça parte en vrille.
- Peut-être protégez-vous par conséquent vos vins pendant cette période?
- Je mets du SO2 uniquement au soutirage d’assemblage des différents fûts, un mois avant la mise. Le reste du temps il n'y a pas de raison. Le vin ne bouge pas. Je travaille sur lies jusqu'au bout. Seule exception: si l'année a été pourrie.
- Quel est le niveau de CO2 après 24 mois?
- Je ne regarde pas trop. Je dois finir à 600 en bouteille.
- Avec la chaleur, n'avez-vous pas craint que les fermentations partent vite?
- Nous coupons le matin seulement, entre 7h et 13h. Les raisins n'étaient donc pas chauds. La température extérieure était de 35°C, les raisins étaient à 24°C.
- A quelle date vendangez-vous?
- Fin Août, le 27. Nos parcelles sont éparpillées. Nous commençons par les sols tanniques et terminons par les marnes blanches. Le 3 Septembre en 2017.
Le bio et la biodynamic au domaine
- Êtes-vous du bio ou de la biodynamie?
- Oui.
- Depuis combien de temps?
- Depuis que je travaille. J'ai été certifié pendant 6-7 ans puis j'ai du arrêté. J'ai recommencé la certification il y a 2 ans. Quant à la biodynamie, j'en fais également depuis très longtemps mais je ne chercherai jamais à être certifié. Certains aspects sont contraires à mes convictions. Et le cahier des charges est trop restrictif.
- Pourquoi choisir la certification bio dans ce cas?
- Il y a 25 ans, il fallait se mélanger aux autres. J'ai toujours voulu affirmer ma conviction. Il faut néanmoins garder à l'esprit que l'on ne fait pas du vin bio, on fait du vin. Je ne mets d'ailleurs pas sur mes étiquettes la certification. On parle beaucoup de bio mais les gens mettent encore du désherbant de l'Yonne jusqu'à Mâcon.
Volnay 1er cru
"Il s'agit d'un assemblage des 'Ormeaux' et de 'Robardelle'. Ça a été soutiré il y a 3 semaines / 1 mois. Je conserve ce vin seulement dans des 400l. L'éventuel surplus est réassemblé dans 'Saint François'. Je soutire pour entonner 2018. Je travaille avec des fûts d'un an."
Un supplément de matière. Nous sommes dans la continuité du précédent vin avec une plus grande expression des fruits.
TB-
- Les dates des vendanges semblent être de plus en plus précoces, observez-vous des changements dans les cycles végétatifs?
- Avec le réchauffement, il va falloir changer des choses. Il ne faudra pas cultiver de la Syrah non plus. Il faudra cultiver différemment. C'est lorsque l'on est acculé que les changements s'opèrent. Regardez les évolutions apportées à la suite de la phylloxera.
La nécessaire importance de l'export dans la vie domaine
Volnay 1er cru 'Brouillard'
"0% de VE."
Un nez plus réduit. C'est perle un peu puis l'on s'attaque à la partition jouée. Un fond conséquent, de la violette et des fruits éclatants de texture et de goûts. Une finale crayeuse vient conclure le tout. C'est remarquable.
TB+
- Comment se répartissent les ventes du domaine?
- L'export est monté très haut ces dernières années. En temps normal je suis plutôt à 75%. J'ajuste en fonction des quantités. En 2017, il manque l'équivalent de 10 000 bouteilles en HCB. Je fais habituellement 30 à 35 000 bouteilles toutes appellations confondues.
- Et la part des particuliers?
- 1%. Lorsque je m'installe en 90, les seuls avec une ouverture d'esprit, ce sont les étrangers. En France, on ne jure que par le Bordeaux à cette époque...
Je plonge à nouveau mon nez dans le verre, les effluves sont bien plus expressives.
Et Pascal Roblet de continuer:
- La mentalité est différente dans les autres pays. Par exemple, j'ai un importateur Japonais d'une infaillible fidélité depuis 1996. Il est important d'organiser sa distribution. Cela permet de travailler plus sereinement.
Des Volnays de haute volée
Volnay 1er cru 'Taillepieds'
Un registre floral sur l'aubépine, la violette et le bourgeon de cassis. La bouche est au diapason. Waouh effect en bouche. Il y a une intensité de fruits rarement goûtée. Cela reste frais, les tanins sont soyeux.
Exc
- C'est assez incroyable cette intégration de la rafle.
- Je vinifie mes raisins comme s'ils étaient égrappés. Le travail le plus important se fait dans les vignes. Il faut ensuite bien choisir sa date de vendange.
Volnay 1er cru 'Pitures'
De la rose, du litchi et la cavalerie de fruits. C'est d'une densité parfaite, tout arrive au moment où on espère le goûter: matière, tanins lisses, relance et longueur. En prenant du recul et en levant les yeux pendant 2 secondes, il y a un début de chair de poule. "La parcelle se trouve juste de l'autre côté du Clos des Ducs. Le sol y est argileux. Il y a des sources." Waouh effect de nouveau ici. Et la fraise des bois, la gariguette reviennent sans cesse. Il y a de la graine de Grand vin dedans. Probablement le rouge du séjour.
"Ce vin, je le vois comme une oeuvre de Giacometti. C'est simple mais tout y est. Il y a une quête de l'essentiel, de l'absolu. Je vais vous faire goûter autre chose"
Pascal Roblet s'absente quelques instants et revient nous faire verser du vin blanc dans nos verres non sans les avoir avinés au préalable. "Qu'en pensez-vous?"
Vin surprise n°1
C'est exotique. Il y a de l'abricot. La bouche est plus sèche. Ça me rappelle un vin à la croisé d'un Gewurtz d'Ostertag et d'un Condrieux de Vernay en plus simple. Je suis incapable de placer le vin même.
AB+/B-
- Il a été soutiré hier. Il s'agit d'un Aligoté.
- Il est complètement atypique. Vous avez peut-être participé aux Aligoteurs?
- Sylvain Pataille m'incite à venir. Je vais voir à faire la prochaine édition. J'ai encore un vin pour vous.
Vin surprise n°2
Le nez ne se laisse pas approcher. Le vin se livre davantage sur les papilles avec les secondes. Ça possède la densité d'un premier cru mais je n'arrive pas à le rapprocher d'un de ceux dégustés. Je pense Brouillard par le côté petites baies. Beaucoup de fruits mûrs. De l'accroche, de la longueur.
TB
- L'année?
- Je tente 2015.
- C'est plutôt facile. Et l'appellation?
- Je dirais 1er cru ou 1er cru Brouillard mais je ne suis pas complètement convaincu.
- Il s'agit de Saint-François 2015. Il y a moins de 20% de VE. Nous faisons 18-22hl cette année-là.
- Nous vous remercions pour votre temps et votre accueil.
Quelle remarquable découverte! Pascal Roblet est un homme doté de grandes convictions. Et il les traduit dans de superbes vins. Malgré ma brève expérience sur les rouges de la Côte de Beaune, je ne crois pas avoir encore bu de Volnay d'une telle qualité. Assurément une nouvelle référence dans la galaxie Bourguignonne de notre cercle. En route pour la suite de notre séjour.