Le millésime 2007 au domaine Jean-Paul et Stéphane Magnien
Ce week-end, un peu sur un coup de tête de jeudi dernier, nous sommes partis en Côte d’Or car nous avions envie de voir les vignes à la période de l’année qui donne son nom à la Côte. Magnifique sous ce grand soleil. Dommage que je ne sache pas vraiment joindre des photos. En bonus, les bonnes odeurs de jus de raisin en fin de fermentation : de Gevrey à Vosne (y compris dans la rue de Derrière le Four où se trouve le Domaine de la RC
), en passant par Morey et Chambolle, ça sent bon dans les rues. Pas eu le temps de pousser jusqu’à la Côte de Beaune…
Dimanche matin, nous avons visité le
Domaine Jean-Paul et Stéphane Magnien à Morey-Saint-Denis. C'est maintenant son nom et voci le lien déjà existant quand papa dirigaeait le domaine :
www.lapassionduvin.c...
Le rendez-vous était pris le vendredi précédent et Stéphane était très heureux de nous proposer
une horizontale de ses 2007, encore en fûts pour quelques mois pour les rouges.
Le domaine possède environ 4,5 hectares de vignes sur les communes de Morey, Chambolle et Gevrey. Vous pourrez trouver des renseignements sur leur site (
www.domainemagnien.com) réalisé par Stéphane (!) sur lequel on peut accéder à une boutique de commande en ligne (très rare en Bourgogne). Après avoir travaillé plusieurs années avec son père, Stéphane a repris le Domaine début 2008. Depuis plusieurs dizaines d’années, la philosophie est de faire des Bourgognes « Classiques ». Si la culture de la vigne n’est pas bio, l’esprit y est. Pas de désherbant depuis plus de 30 ans, labours, traitements phytosanitaires raisonnés. Jean-Paul a même « inventé » le type de tracteur très léger souvent utilisé sur la Côte. L’œnologue conseil travaille aussi pour le Domaine de la Romanée-Conti. Stéphane a déjà réalisé des investissements avec de nouvelles cuves inox et un appareil permettant un pressage très doux.
Stéphane une personne très sympathique qui, sous la réserve du premier abord, dégage une passion de son travail, une écoute de ses interlocuteurs et une volonté de partager remarquable. Il aime son travail, ses vignes, son héritage et ça se sent. Comme il le dit, ce domaine est de taille humaine. On y fait tout et l’on peut tout essayer, tout faire, sauf rater une cuvée
Le style des vins du domaine est, à mon sens, assez tranché… par son classicisme. Les vins sont toujours aromatiques, longs et fins : ils demandent d’abord une écoute du dégustateur avant de se mettre alors à beaucoup parler. Peu ou pas boisés, relativement peu extraits, rarement corsés, la volonté est de faire des vins qui traduisent le terroir et le millésime et la vision qu’en a le vigneron. Ils sont toujours équilibrés et souvent de bonne garde. Dégustés en parallèle avec des vins plus musclés (comme certains provenant du voisin homonyme par exemple), certains crus du Domaine peuvent sembler discrets. Mais je vous assure que ce sont de petites merveilles à table ! Je suis content d’en avoir plusieurs millésimes en cave.
Les
rouges 2007 en fûts sont de très belle facture et étaient causants ce jour-là (plus réservés selon Stéphane quelques jours plus tôt). Le maître mot est « équilibre » et il est remarquable de voir à quel point les crus sont différents alors que la vinification est quasiment la même pour tous. On ressort de là en se disant que le terroir, ça existe
Si 2007 n’est pas un millésime de grande réputation, je dois dire que nous avons goûté de belles choses ce week-end. J’insiste sur le fait que ces vins sont plus aromatiques que les flacons qu’on a l’habitude de boire. Et ce ne sont pas des arômes d’élevage !
Les robes des vins sont sur le rubis, plus soutenues pour les 2 grands crus. Le
Morey possède des arômes de fruits noirs, un peu herbe sèche. La bouche est équilibrée. On sent juste un peu d’amertume en fin de bouche mais la fin d’élevage devrait gommer ce trait. Longue finale avec déjà de l’ampleur. C’est un très beau Village.
Le
Chambolle était pour moi le vin le plus épanoui, le plus ouvert de la dégustation. Une gourmandise de framboises au nez, une bouche peu corsée, douce, très délicate, féminine, en dentelle (mais pas fluette) et une longue finale. Ce vin semble déjà fait et donne déjà énormément de plaisir ! Stéphane nous dit que la parcelle est constituée de très vieilles vignes et procure un caractère très Chambolle. Je serais un fan absolu d’un tel vin s’il possédait un peu plus de densité avec une bouche plus enrobée. J’ai beaucoup aimé en l’état.
Le
Chambolle 1er cru «Les sentiers» est plus dense que son petit frère. En le goûtant, l’image qui m’est venue est que ce vin est ponctuel, resserré sur lui-même. Les arômes frais de framboise sont plus réticents que sur le village. J’ai senti une note de menthe. La bouche est plus dense et serrée. La longue finale très plaisante montre son beau potentiel, je pense supérieur au Village mais il faudra un peu attendre.
Nous sommes passés ensuite au
Morey 1er cru « Les petites noix ». Issus de parcelles de 2 climats, ce vin montre à quel point les 2 précédents sont féminins. Ici les arômes sont au musc, au cuir, au cassis. C’est un vin de terre, avec une bouche plus corsée que les précédents. On retrouve une légère amertume en fin de bouche mais cela n’a rien d’inquiétant. Les tannins sont bien présents. Là encore, on est avec un vin de longue finale, caractère partagé par tous les crus de la gamme !
Le
Morey 1er cru « Les Monts Luisants» provient d’une petite parcelle qui jouxte le Clos de la Roche et qui permet la production d’environ 600 bouteilles par an. Le nez est très différent de celui des « petites noix ». Sur les fruits rouges, il évoque plutôt celui des Chambolles. La bouche est de concentration comparable aux petites noix mais plus tendue, avec des tannins un peu poussiéreux en fin de bouche. Très longue finale pour ce beau vin, avec pour la première fois une touche minérale. Très beau.
Le
Morey 1er cru « Les Faconnières » est une valeur sûre du Domaine. Très aromatique sur la fraise écrasée et la groseille, un peu herbe séchée, le nez est gourmand. L’attaque en bouche est ronde, presque sucrosée et le milieu de bouche montre un vin aux tannins serrés. Là encore, très longue finale. Il est le plus « sirupeux » (dans le bon sens du terme) de tous les vins dégustés. J’ai beaucoup aimé et il donnera assez vite beaucoup de plaisir. Je dois dire à ce stade à quel point la personnalité des 3 premiers crus de Morey est différente. Pour des vins en cours d’élevage et vinifiés de manière similaire, c’est une expérience que de sentir ainsi le « terroir ».
Quant on passe au
Charmes-Chambertin, on change de catégorie avec le vin le plus charnu de la gamme (dans l’absolu, je le dirai entre demi-corsé et corsé, ce qui est pas mal pour un Bourgogne !). Je suis étonné que 2007 ait pu donner une telle concentration. Le premier arôme qui surgit du verre est la réglisse, très présente. Je note aussi le cassis, la terre, le foin. C’est le vin le plus masculin de cette matinée avec une attaque tannique franche, bien balancée par l’acidité. Très longue finale pour ce bébé qui devrait plaire aux amateurs de Bourgognes charpentés et ceux qui aiment les arômes de réglisse des Chambertins
. C’est, je crois, un très beau vin.
Le dernier vin dégusté est issu des vignes du
Clos St Denis. Dès le nez, je pense que c’est celui-ci qui a le plus gros potentiel et qui donnera le vin que je préfèrerais dans quelques années. Nous sommes passés sur registre de la puissance à celui de la race. Le nez est très élégant, sur les fruits rouges, noirs, menthol voire tabac. Déjà très complexe, il n’est pas totalement en place, moins précis que celui des autres vins. Mais c’est qu’il est riche et très prometteur. La bouche est un peu moins concentrée que celle du Charmes Chambertin. Elle est pleine, serrée, avec du gras. La finale est la plus longue et la plus complexe de tous les vins dégustés. Je retrouve une touche minérale déjà évoquée sur les Monts Luisants. Ce vin est un aristocrate.
Quand ils seront en bouteille, je prendrai assurément des 2 grands crus et probablement des Monts Luisants et des Faconnières. En attendant, j’ai complété ma cave de quelques 2006.
La dégustation avait commencé par un étonnant
Bourgogne aligoté (blanc), déjà en bouteille. Là aussi, ce vin était très aromatique avec des notes florales et d’agrumes. Plutôt gras, remplissant bien la bouche, avec une belle finale nette, il m’a évoqué un Pessac ! Le rapport prix/plaisir est… atomique.
Stéphane est très fier et respectueux du travail des générations précédentes. Il aime cet esprit, va poursuivre dans la voie de traduire au maximum la spécificité de chaque terroir. Sa volonté est de mettre sa petite touche personnelle en rendant les vins plus flatteurs dans leur prime jeunesse. Par exemple en réalisant des macérations un peu plus longues mais de façon encore plus ménagée. C’est un domaine déjà excellent pour ceux qui aiment ce style de vins (et on y revient) et très prometteurs à mon sens. Cette année, il vient de rentrer dans le guide 2009 de Bettane et Desseauve pour les 2006 ! Mérité.
Je sais que Stéphane lit ce forum mais n’ose pas toujours intervenir. J’en profite pour le remercier à nouveau pour cette mémorable dégustation en sa compagnie et pour le travail que lui et son père font pour nous autres amateurs.
Pour finir, je voudrais donner un coup de cœur au restaurant Chez Simon à Flagey chez qui nous nous sommes rendus après la visite du domaine de Stéphane : c’est excellent, du niveau d’un étoilé, et d’un rapport prix/plaisir là aussi extraordinaire (pour un parisien). Nous y avons bu un Nuits St Georges Les Poisets 2002 du domaine Robert Arnoux pour accompagner le repas. Provenant d’un très beau millésime et d’un beau domaine, il est plus concentré que les vins dégustés le matin (à l’exception du Charmes). Ce vin était bon mais je l’ai moins aimé que les vins précédents ! Très masculin (normal pour un Nuits), l’élevage était pour moi trop appuyé et les tannins un peu durs. Je me suis dit que j’aurais du demander à Stéphane de nous mettre l’équivalent d’ ½ bouteille de son Chambolle village 2007 en carafe pour ce repas